Les dits du corbeau noir

UNE HISTOIRE QUI COMMENCE A PRENDRE FORME (3) NOUVELLE BRAN DU 2019 12 10 OCTOBRE

 

 

 

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Dessin et photographie de Raak Prim Net

 

 

 

 

 

UNE HISTOIRE QUI COMMENCE A LAISSER CHOIR QUELQUES VOILES (Partie 3) Nouvelle



Préambule à la 3è partie :



La source coule, s'interrompt puis reprend son ruissellement et sa course... Il ne sert à rien d'en précipiter ou d'en accélérer le cours... Elle va selon son désir et sa volonté, à son rythme et selon le débit qu'elle consent à ses amants, à ses aimants....



Le « fil » de l'histoire est tressé de nombreux brins qui peu à peu s'enroulent et s'enchevêtrent autour d'un axe qui fait cœur à l'ensemble... Je ne sais encore à quelle trame co-participent les éléments relatés dans les deux premières parties de cette longue nouvelle, mais une tapisserie mystérieuse se monte et s'assemble progressivement... Ainsi se tisse l'imaginaire !...







Partie 3 Le rituel d'automne d'Esmeralda Bran du Octobre 2019



Un soir embrumé de fauve et fin d'automne où le vent du Nordé s'était calmé, Esmeralda sortie enroulée dans sa cape rouge brodée d'or et ourlée de motifs celtiques...

Elle tenait, d'une main, un gros bouquet de sauges et, de l'autre, une carafe transparente contenant de l'eau de source exposée dans des cupules d'un menhir les soirs de nouvelle lune...(Elle tenait cette connaissance et cette pratique de sa grand-mère maternelle.)...

Arrivé au dessus de la « Pierre au Serpent », elle laissa tomber sa lourde et épaisse cape de velours dévoilant alors un corps splendide, pur et nu comme une étoile.... Elle se tourna, alternativement et dans le sens d'une aiguille de montre, vers le Nord, l'Est, le Sud et l'Ouest....

A chaque point cardinaux, elle adressa une parole d'eau et de feu. Elle versa lors au sommet de la pierre arrondie l'eau lunaire puis, allumant son petit fagot de sauge, elle dispersa aux confins du temps et de l'espace l'encens parfumé …

Un chant s'en vint sur ses lèvres ; un murmure de chant qui peu à peu s'amplifia et enveloppa de sa mélodie la Pierre sacrée des grands Ancêtres...

C'était un chant de feuille et d'écume, de bruine et de rosée, de roseau et de lande, de clairière et de grève, de résine et de sève, de songes et de rêves, de chair et d'argile ; un chant puissant, charnel, sensuel, voluptueux...

Un chant puisé parmi les danses spiralées de l'Univers, tourbillonnant sur lui-même, prenant braises et flammes, projetant ses vagues et ses flots dans l'océan infini et absolu de l'instant cristallisé en une pointe de diamant et brillant de mille éclats...

 

 

 

 

 

 

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Dessin d'Elie-Marc "Forme Mère"...





 

Le Chant d'Esmeralda :

 



« - Mère, première du Nom Brume étincelante et nuée d'argent... Matrice de cristal et de velours...                                                Immense berceau d'amour...                                                           Je suis ta fille, ton enfant...

 

Pour toi, je chante les splendeurs de la Création...                 Avec toi, je concélèbre l'union de ce qui Fût, Est et Sera en tout espace et en tous les temps, absolument, infiniment...

 

Je suis ton chant et je suis ta voix...                                            En mon cœur, c'est ton cœur qui bat et qui redonne joie à cela qui se sentait perdu et qui ne croyait plus en Toi...



Mère des Origines, Mère de toute Vie Toi qui enfante, toi qui engendre, toi qui génère, le Vivant de l'Univers...               Entend-moi, Ecoute-moi, reçois de tout mon être reconnaissant l'offrande et la prière...

Par toi je suis, par toi je suis en vie ; une vie faite de corps et d'esprit, de feu et de terre, d'eau et d'éther, d'arbre et de pierre, de vent et d'oiseau aussi... ainsi que d'ailes de Lumière....



Mère enveloppe-moi de tes bras...

Que ma tête repose sur ton sein blanc...

Mère berce ton enfant...

Ecoute et entend, regarde et vois...

Je suis là, je t'attends... »

 



La nuit elle-même prit ce chant sur ses lèvres et le porta au point du jour, à ce rendez-vous d'amour que nous donne les aurores....



Les chevaux de la mer (les chevaux à la crinière d'écume) s'en venaient maintenant battre les flancs de la falaise en contre-bas du versant granitique... Une chouette faisait entendre ses cris bien à l'abri dans le vieux moulin ruiné du haut landier...



Dans l'amplitude de sa marée, la mère brassait en tous les sens l’amoncellement de galets qui en s'entrechoquant et en glissant et roulant les uns sur les autres, faisaient entendre un son proche de celui d'un écoulement minéral répétitif en son rythme et très lancinant comme si la plage elle-même était entrée en transes, s'enivrant à souhait en ses lames tantôt rageuses tantôt langoureuses...



La voix s'était tue sur une mélopée de moins en moins audible se posant sur chaque chose, sur chaque forme, comme chaque feuille, chaque brin d'herbe accueille la rosée scintillante du matin...



Du sac en coton beige qu'elle portait à l'épaule, elle sortit un petit pot de gré contenant une glaise grise et bleue ramassée en un lieu tenu secret par elle, une marne enfouie sous les sables d'une crique difficilement accessible sauf aux très grandes marées d'équinoxe...

Une argile très ancienne, pétrie et brassée dans la profondeur des siècles, des millénaires, et sans cesse épurée parle sel marin...



Elle porta de ses deux doigts l'argile à son visage, s'en recouvra le front et les joues puis enveloppa ses seins et son bas ventre et la paume de ses deux mains... Puis elle se roula dans l'épais tapis de feuilles mortes et resta ainsi allongée les bras et es jambes écartés comme pour épouser en quintessence le Cercle du Monde...



Elle était lors humus et terreau, lente décomposition des matières organiques altérées, souillées par les effluves et les relents nauséabonds d'un siècle en déliquescence morale, éthique, physique, psychique et corporelle...



Elle avait revêtu son corps de la « Matéria Prima », de la Mère-Forêt, de la tourbe des marais, de la dépouille d'automne, de l'agonie flambante des fougères... Son esprit était comme un gland, un germe, une graine, une semence confiés à la croissance et à l'élévation...

Elle irait dans la plénitude de la voûte étoilée au porche de la minuit sur l'étendue luisante de la grève, elle irait se parer d'algues vertes et brunes, se rouler dans le lit des coquillages, s'étendre sur les galets et glisser avec eux, embrassée par la fougue des vagues, enveloppée dans l'étreinte écumante des lames et des flots ; flots contre peau lissée comme un bois flottant en dérive d'océan...

Elle se releva de toute sa sève, de toute son écorce, de tout son tronc ramifié aux forêts lumineuses du ciel...



Lors elle su, sans en être perturbée mais ravie qu'il était là, non comme un vulgaire voyeur, mais comme un être profondément et intensément présent et respectueux, « cosmuniant » à sa façon avec le rite qui se déroulait devant lui et dans lequel son corps, son cœur, ses pensées dansaient eux aussi la Danse de l'Instant, la dense et intense, la troublante et émouvante, l'enchanteresse et merveilleuse Danse de la Vie...



Il était là....

 

 

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Dessin et Phothographie de Raak Prim Net



12/10/2019
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