Les dits du corbeau noir

UNE ECOLOGIE DE l'ESPRIT et DES SENS REFLEXION BRAN DU EXTRAITS DE K. WHITE . DAVID ABRAM 2016 07 11 NOV

Notes et réflexions Bran du 06 11 2016

 

Une écologie de l'Esprit et des sens...

 

La qualité (en terme de fraîcheur, de sérénité, de disponibilité, d'ouverture, de réceptivité, de densité et d'intensité) du « rapport » au lieu, au temps, à l'espace, au silence, aux vibrations du monde visible et invisible, là est la clef qui ouvre aux dimensions les plus subtiles et les plus profondes de notre sensibilité et de notre intelligence humaine...

En quel état d'être, de vision, de perception, d'entendement, de correspondance et résonance ajustée ; adéquate, s'instaure la relation avec le « dehors » ; une relation qui « en dedans » fait écho en conscience, lucidité et cohérence avec le manifesté extérieur et qui en quelque sorte devient une nourriture pour le corps, le cœur et la pensée spirituelle, philosophique, altruiste, poétique, culturelle qui représente l'Anima et l'Essence à l'oeuvre au sein de notre humanité défaillante ?...

 

Il y a un langage premier, un langage source et souche, une vibration originelle et matricielle qui enfante tous les poèmes de la Vie aidé en cela par le Logos, le Verbe de Lumière...

 

L'oralité renoue avec cette « substance vitale » quand elle danse, chante et vibre avec Elle, en prolonge le flux, le ruissellement, le brasier et la flamme... Quand elle procède similairement à la fécondation et à la fertilité de ce qui Est, Fut et Sera... (Cela qui se nomme pas, mais donne vie à tout ce qui est nommé !)...

 

Quand le mot est partage, offrande, gratitude, contemplation, respiration conjointe, souffle parmi les souffles, il est plus que le mot, plus que cet assemblage conventionnel de voyelles et de consonnes, il est cela même qu'il évoque ou décrit... Il remet de la chair sur les os.... Il remet l'oiseau en son nid... Il remet le fruit sur sa branche...

Il restitue, amplifié, « poétisé », à l’Émanation, ce qui initialement à rayonné d'elle...

 

Il est de connivence, de « complicité » tacite ou parfaitement consciente avec une provenance qui porte visage, figure, image, son, couleur, senteur, mais qui ne peut être fondamentalement « présente au monde, activée en celui-ci », que formulée par des lèvres qui se font le support aimant et librement consentant de ses ambassades et représentations...

 

La « Connaissance » mobilise et concentre les sens afin de naître à un entendement, à une compréhension, qui porte en eux des sources vives, des sucs et des sèves vivifiants...

 

Quelle est, en cette terre, la nature réelle, vibratoire, de mon souffle, de ma propre respiration ?

 

Il existe un jeu de fortes interférences entre soi, moi et le lieu où je demeure, où je fais séjour avec plus ou moins de peur, d'espérance et d'amour...

 

L'accordage est, avant toute autre conception et approche, un lien de compréhension...

 

Le désenchantement du monde vient du fait que nos lèvres sont cousues par un fil qui ne veut rompre avec sa pelote de peur et d'ignorance...

 

Nous avons à prendre soin non seulement de tout ce qui concerne l'humain, mais aussi de tout ce qui environne l'humain....

 

 

 

Nous sommes, certains d'entre nous sommes, à la recherche d'un langage non articulé et animé par une matière conventionnelle devenue purement fonctionnelle, rigide autant que froide et vidé de substances essentielles, mais qui soit de nature à formuler, à mettre en oeuvre, le Vivant ; un vivant débarrassé des artifices et de l'illusion dont on le farde outrancièrement...

 

Ce sont langage premier que celui de l'eau ou de la feuille, de l'écorce ou de l'écume ; notre mémoire en a entendement quand nous faisons appel à elle en lui laissant déployer ses capteurs d'ondes et de flux que sont nos sens convoqués à cela....

 

Notre Tradition et bien d'autres qui lui sont « similaires » en leurs bases essentielles a privilégié, tant qu'elle à pu, l'expression orale par rapport à l'expression écrite... Les bardes ont donné parole à cela tant que cela avait droit de parole...

 

Des conteurs et conteuses d’aujourd’hui ont renoué avec la « Tradition » ; ils sont devenus passeurs et passeuses de légendes, de mythes, de récits anciens. Grâce à eux des passerelles ont pu être jetées d'une rive à l'autre du fleuve d'existence et entre les berges générationnelles qui se distançaient de plus en plus....

 

 

L'Ecriture aussi « belle » soit-elle ne sera jamais qu'un emploi « à défaut » ; elle ne saurait remplacer la transmission de cœur à cœur, de poitrine à poitrine, qui prévalait dans les temps anciens...

 

 

Cette Ecriture, fut-elle considérée comme sainte, est à l'origine d'une scission entre l'homme et la Loi de Nature , Loi « naturelle » qu'elle a souhaité éradiquer en tant que telle....

 

Cette hégémonie de la loi de la Lettre aura eu pour conséquence de faire rentrer la langue dans l'obscurité de la gorge...

 

Elle aura eu pour autre conséquence funeste de reléguer le féminin dans l'antichambre de la Vie et du sacré de la vie et de couper l'être du monde naturel considéré comme une « chose » à domestiquer et à asservir selon les besoins exclusifs, arrogant et orgueilleux de l'homme, d'où nos graves problématiques actuelles dans le relationnel instauré de façon conflictuel avec le monde qui nous environne...

 

Les sociétés de Tradition orale qui subsistent (malgré l'éradication complète de centaines de tribus dans le monde actuel) ont conservé précieusement les vertus de l'oralité qui leur permet d'être encore « connecté » au manifestations du « vivant » et de « parler » le langage du vivant....

 

 

J.C. Powys, D.H Lawrence, J Giono, Rimbaud, Thoreau, Rilke, Goethe, Novalis... et bien d'autres écrivains de noble réputation, on fait, à leur façon, l'éloge des sens en nous instruisant sur le fait que les sens sont l'un des chemins parmi les plus appropriés pour nous mener à l'Essence des êtres et des choses...

 

Si nous voulons trouver du sens à notre existence cela ne se peut que par une libération, plus ou moins raisonnée, plus ou moins débridée, de nos sens sans pour autant que cela aboutisse à des excès préjudiciables...

 

Une « écologie de l'esprit » conçoit une alliance heureuse, enjouée, stimulante entre sens et intelligence et ce, au sein d'une coopération qui emprunte aux qualités des uns et de l'autre...

 

Extraits de lecture :

 

Dans un entretien réalisé en 2014 avec Kenneth White (penseur, essayiste, poète, écrivain, conférencier...) ( Une cosmologie de l'Energie  Revue Lisière 27), nous lisons ceci :

 

« ...Concevoir un langage qui soit « substance » ; une fusion de l'éros et du logos... (Elément de substance : l'éros, le logos, le cosmos, l'espace, l'énergie, l'écriture.)...

 

L’intérêt ; c'est le corps en tant qu'organisme en mouvement...

 

Plutôt qu'une âme je conçois un corps-esprit, un corps qui soit mouvement et espace, un esprit-matière, un esprit-espace...

 

Il est salutaire de sortir de l'obsession de l'Histoire et de s'intéresser au monde qui nous entoure, dont nous faisons partie intégrante, mais dans lequel, au fond, l'homme a très peu vécu...

(Un monde ouvert qui transcende l'Histoire, qui explore les sommets de chaque culture.)...

 

La création ne vient pas d'une identité, mais d'un champ d'énergie...

 

Tu es cela ; soit un champ de possibles. »...

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David Abram « Comment la terre s'est tue » extraits

(Pour une écologie des sens.)

Editeur : Les empêcheurs de tourner en rond / la Découverte)

 

« ...Ah ! Ne pas être isolé !

Ne pas être exclu, par le moindre cloisonnement, de la loi des étoiles...

La vie intérieure qu'est-ce ? Si ce n'est le ciel dense où se précipitent les oiseaux et où les rafales du vent nous ramènent chez nous. »

Rainer Maria Rilke

 

« Sapere aude » : Ose te servir de ton propre entendement. » (Kant)

 

« Fatigué de tout ce qui vient avec les mots, des mots mais pas d'un langage...

J'ai été sur l'île couverte de neige. Ce qui est sauvage n'a pas de mots. Les pages non écrites s'étendant dans toutes les directions. J'ai croisé les traces d'un chevreuil sur la neige. Un langage et pas de mots. »

Tomas Tranströmer

 

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Ce livre propose quelques repères afin que nous commencions à réactiver et à enraciner de nouveau l'expérience humaine au sein d'une écologie plus vaste...

Les volutes invisibles des odeurs, les rythmes des grillons, le mouvement des ombres ; tout cela, en un sens, constitue le corps subtil de nos pensées. Nos propres réflexions font partie, pourrait-on dire, du jeu de la lumière et de ses réflexions...

 

L'intelligence n'est plus exclusivement nôtre, c'est une propriété de la Terre. Nous sommes en Elle, immergés dans ses profondeurs.

 

Chaque lieu possède sa propre psyché...

 

C'est la conviction que tous les phénomènes sensibles sont vivants et conscients, dans l'idée que toutes les choses ont la capacité de parler...

Le langage, pour les peuples de Tradition orale, n'est pas une invention humaine, mais le don de la Terre elle-même...

 

Comment se fait-il que les arbres ne parlent plus, que le soleil et la lune se bornent désormais à décrire en aveugle un arc à travers le ciel et que les multiples voix de la forêt ne nous enseignent plus rien ?

Les peuples de tradition orale savent qu'il n'en est rien et que tout parle et ne cesse de parler...

 

L'auteur leur donne raison. Plutôt qu'une prise de conscience, ce qui nous arrive serait de l'ordre d'une brutale mutation écologique, qui a interrompu la symbiose entre nos sens et le monde...

 

Manifestement quelque chose manque – manque terriblement – comme en témoigne la manière dont nous maltraitons la terre et nous-mêmes. Toutefois ce n'est pas l'ancien pouvoir d'animation qui s'est tari...

 

Et si la magie unifiante de nos sens avait été capturée par les mots écrits ?

Réemployer des mots qui réactivent l'expérience du monde au présent.

Le monde alentour qui, en sourdine, continue à nourrir nos manières de penser et de parler, de sentir et de vivre... Parce que la terre parle !...

 

Des processus ont fait que la civilisation s'est refermée sur elle-même, s'est isolée de la terre qui respire....

 

Une tentative de penser en accord avec nos sens, d'examiner et de réfléchir sans rompre notre lien sensoriel avec les chouettes et avec le vent...

 

Une communauté humaine qui vit en relation à bénéfices mutuels avec son environnement est une communauté qui, pourrait-on dire, vit dans la vérité ( la véracité)...

Une civilisation qui détruit sans relâche la terre qu'elle habite ignore ce qu'est la vérité (le vrai)...

 

« Faire sens », c'est rendre les sens vivants. C'est renouveler et rajeunir notre expérience vécue du monde. C'est éveiller les sens aux alentours...

Les êtres humains, eux aussi, sont modelés par les lieux qu'ils habitent, tant individuellement que collectivement...

 

Défendre les lieux concrets qui charnellement nous nourrissent...

Les sens sont en rapport de réciprocité intime ; lorsque nous touchons l'écorce d'un arbre, nous sentons l'arbre « nous toucher nous »...

Les sens, en d'autres termes, sont la principale manière qu'à la terre d'informer nos pensées et de guider nos actions...

Retrouver l'humilité et la grâce qui viennent d'une pleine appartenance à un monde tournoyant...

 

Si nous ne retrouvons pas bientôt notre environnement sensuel. Si nous ne nous réapproprions pas notre solidarité avec les autres sensibilités qui habitent et constituent notre environnement, le coût de notre « commune humanité » pourrait être notre « commune extinction »....

 

Les autres animaux ( autres que l'humain ) et les nuages qui s'assemblent ne sont pas dans un temps linéaire …/// L'étendue sauvage possède son propre temps, ses rythmes d'aube et de crépuscule, ses saisons de gestation, de bougonnement et de floraison. C'est ici, et non dans le temps linaire, que les corbeaux résident...

 

Les mots écrits sont porteurs d'une magie essentielle, ne renonçons pas à eux...

 

Notre métier est de faire surgir l'intelligence terrestre qui sommeille dans nos mots, de leur rendre la liberté de répondre aux discours des choses elles-mêmes. Tel le cri vert des feuilles sur la branche du printemps... Permettre au langage, de prendre racine, à nouveau, dans le silence de la terre, de l'ombre, de l'os et de la feuille....

 

Comme si nous étions « anesthésiés », coupés de ce qui nous fait sentir, imaginer, penser...

 

Une pratique patiente et laborieuse de régénération de modes multiples d'interdépendance, de faire et d'exister ensemble, les uns avec et grâces aux autres...

 

Les humains sont faits pour la relation....

Comprendre alors la distance qui nous sépare aujourd'hui de la terre « animée »... Donner à penser...

 

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07/11/2016