Les dits du corbeau noir

Sylvain TESSON passeur d'immensité extraits de lecture

Sylvain TESSON  Petit traité sur l’immensité du monde  Pocket N° 13179 (extraits)
(un autre « baladin occidental » selon la formule de Synges)

« Beaucoup de ceux qui ont recours aux forêts n’ont en réalité jamais vraiment quitté celles qui poussent en eux…

Vivre, c’est- faire de son rêve un souvenir…

Quelque soit la direction prise, marcher conduit à l’essentiel…

Une vie est réussit quand elle n’est faite que de verbes d’actions…

Rien ne fout le camp, ce sont les gens qui ne tiennent plus en place…

Les nomades, les errants se contentent de voyager silencieusement, pour eux-même, parfois en eux-mêmes… Ils vivent en mouvement…
Ils n’appartiennent qu’au chemin qu’ils foulent…

Le nomadisme est la meilleure réponse à l’échappée du temps…

Le temps de l’Occident est un courant d’air qui passe par la fenêtre de nos vies. Il se mue sur le chemin en une pâte généreusement pétrie…

La lenteur révèle des choses cachées par la vitesse…

Aucun mouvement ne peut se passer d’une énergie pulsative…

Le voyage est cette surface qui est offerte à la pensée pour divaguer en toute liberté…

Ouvrir les yeux et une antidote au désespoir…

Sur la piste, pour combattre le vide, il y a la poésie, elle entretient l’esprit et gonfle l’âme…

Chercher hors de soi matière à émerveillement….

Pourquoi partir, si c’est pour faire le tour de soi ?…

Le voyageur sait bien que la route aide à s’alléger de tous ses biens, elle ne débarrasse pas de ses maux…

Que le divers décroisse est affligeant car la harpe du monde ne peut pas vibrer sur une seule corde…
Le vitrail de la réalité exige des millions de facettes…

Paradoxalement, plus les techniques scientifiques s’améliorent et plus le champ de l’ignorance s’accroît ; plus la science progresse et plus la lisière de la connaissance s’éloigne…

On vit sans doute mieux dans les ténèbres de la nuit des temps qu’à la vue des hommes…

On ne peut que déplorer et constater l’universelle oppression de la moitié de l’humanité par l’autre (du féminin par le masculin)…

L’errant possède ses poèmes et le chant du monde…

Cet exercice de l’errance, de la marche… permet de réenchanter le monde qui nous entoure…

La nuit d’amour sous les étoiles est le plus bel hommage qu’on puisse rendre aux présences invisibles peuplant le bord des sources…

Tous nos malheurs sont nés du fait d’avoir quitté nos arbres. Il est salutaire d’y retourner au moins de temps en temps. Pour retrouver nos racines, il faut remonter dans les branches….  (un retour symbolique sous les frondaisons du monde onirique)…

L’homme est un loup plus dangereux que l’ours…

Dans la forêt du dernier recours (…/…) On rentre (…/…) sans s’isoler du chant de la nature, sans couper les racines qui relient notre chair à l’humus du monde. Sans renoncer à l’animalité qui est la grandeur de l’homme, sans laisser s’éteindre notre force vitale…
…………

Dans son ouvage Sylvain TESSON présente l’un de ses futurs chantiers d’écriture :

Mon projet : un chantier de réhabilitation des fées, sans cuisiner dans la casserole de la mode, l’actuelle bouillie néo-celtique qui n’est rien d’autre que la mise de la féerie au service des marchands…

Il s’agira plutôt d’une marche solitaire, hivernale, musicienne et littorale, de la Galice espagnole aux Highlands écossais, destinée à sentir peser sur l’épaule le poids de la présence enchanteresse des êtres invisibles, à chanter leur existence oubliée, à apprendre à lire les lignes cachées sous l’apparence du monde et à souligner que l’Arc Atlantique, cette bande où l’écume rencontre le granit, constitue le séjour privilégié d’un petit peuple ami… Il est temps d’abattre à la hache de la poésie la muraille derrière laquelle pleurent les fées de l’enfance européenne…

L’arbre est le meilleur refuge pour les fées répudiées… »

« Je voyais des fées partout..»   Paul FORT



13/01/2013