Les dits du corbeau noir

Samain 2011 : Quand se joue le sort de la « royauté »…

Réflexions dans le temps de Samain… (Après lecture du livre de Jan de Vries sur la religion des Celtes. Payot éditeur.)

Etude et commentaires de Bran du, 

Novembre 2011

 

A Samain se joue le « sort «  du roi et se profile la future régence du royaume

 

C’est à la Samain que le roi se doit de rendre compte de la qualité de sa régence, qu’il doit démontrer qu’il a été digne de son mandat et de la souveraineté qui lui a été octroyée du dfait de son mérite par la Reine du royaume (laquelle est l’ambassadrice de la Déesse Mère sur la terre)…

Si, le roi, par ses attitudes et comportements, s’est montré en usurpateur du trône confié, il devra lors périr et sera remplacé par un autre qui devra lui aussi recevoir l’adoubement royal et souverain… ( Deux conditions parmi d’autres pour son élection : La pierre de souveraineté « la Lia Fail » se devra de crier quand il posera les pieds sur elle et le chaudron de vérité ne devra pas se briser quand il prononcera les paroles pour son investitures.) Un bon roi se doit d’être sans défaut et n’avoir aucune « infirmité », être sain de corps et d’esprit… Il se doit de pratiquer l’équité et de se montrer particulièrement généreux et avisé. Il est le garant du bonheur de son peuple. Sous son règne la fructification de la terre est assuré, les chênes abondent en glands, les lacs et rivières regorgent de poissons, les champs portent de bonnes récoltes. Il n’y a pas de meurtriers. La voix de chacun est une musique agréable aux oreilles des autres. Il n’y a ni famine, ni épidémie…

Malheur à ce roi si l’herbe ne pousse pas, qi les chênes ne portent qu’un gland, si les arbres sont sans feuilles et les épis sans grains et si les jugements riyaux sont injustes… Malheur à lui, s’il a transgressé les « geis » ou « gessa » des druides le contraignant par ces « interdits » à demeurer conscient de ses hautes responsabilités liées à sa fonction… (Le mauvais roi est un roi « pêcheur », un roi « méhaigné », un roi « blessé » et inapte dans la transposition chrétienne du Graal. Sous son mauvais règne la Terre devient « gaste » sèche, aride…)

Ainsi à Samain se joue le « sort «  du roi et se profile la future régence du royaume (Changement ou reconduite de la royauté.)

 

Quid en notre "Royaume intérieur" ?

 

Si nous souhaitons tirer enseignement et leçon de cela, nous pouvons transposer analogiquement tous ces éléments en nous-mêmes, en notre royaume intérieur et élire en notre cœur sous l’égide de notre « âme souveraine », des vertus et valeurs dignes d’un souverain attentionné et efficace dans sa régence exemplaire…

Le Corps sera notre Royaume…

L’Esprit en sera le Grand Régent

Et notre « Ame » la Grande Reine souveraine…

Notre intelligence et nos sens seront conseillés par le Sage Merlin…

Nos forces, notre courage, notre désir, notre audace et notre volonté seront à l’image d’Arthur…

La lumière, les énergie bienveillantes et bienfaisantes, les ondes et vibrations chaleureuses, les flux de bonté et de tendresse, la corbeille des dons et des offrandes, seront une émanation aimante et joyeuse de Vivianne…. Et la Dame du Lac nous remettra lors l’épée de vérité et de clarté nous aidant à répandre l’équilibre et l’harmonie en nos pensées et en nos actes et dans le champ de notre existence…


Sagesse ancienne et philosophie d'aujourd'hui

 

Voilà comment peut s’incarner ici et maintenant une sagesse ancienne faite de philosophie et de spiritualité particulièrement adaptées aux enjeux majeurs de notre société contemporaine où chacune et chacun exprime des aspirations et cherche des outils et des modèles tendant à développer le meilleur de l’homme et de la femme pour le haut service de la vie et de son évolution… c’est en cela, par cela et avec cela renouer avec l’Essence et le Principe, l’Anima et l’Animus, de toute chose, de toute vie passée, présente et à venir…


 

 

Renouvellement et régénération


Il nous est dit par Strabon que sur une île à l’embouchure de la Loire se tenait un collège de femmes consacrées ( les « Samnites ») qui auraient élevé un temple consacré selon l’auteur plus ou moins bien informé à Dionysos… Ces femmes se rendaient une fois l’an sur le continent pour un rapport ou commerce charnel avec les hommes/ Strabon fait état d’une coutume qui voulait que chaque année ces prêtresses se devaient de détruire le toit de leur temple et de le reconstruire le jour même avant la tombée de la nuit. (Avant le coucher du soleil.) Si l’une de ces femmes, au cours de cet ouvrage faisait tomber son fardeau ou tombait avec celui-ci elle était mise à mort pas ses consœurs…


Pour Jan de Vries, ce récit implique et concerne en fait le renouvellement cyclique et symbolique de l’édifice toute entier… Strabon n’indique pas la période où se tient cet événement majeur, mais il y a de très forte chance que celui-ci se tenait lors de la Samain qui clôture un cycle d’usure et en introduit un nouveau de régénération… Cette remise à neuf du temple est d’une telle importance qu’aucun déséquilibre ne peur subvenir en cette phase décisive de renouvellement, car il en va du bon ordre terrestre, humain, céleste et cosmique… Il en est de même pour le rituel de la Samain qui comporte de telles exigences et obligations…


En nous-même : décomposition et recomposition

 

Là encore nous trouvons une source explicite d’enseignement… Nous sommes cet édifice sacré, ce sanctuaire qui abrite nos divinités, le temple de nos énergies, forces et lumières divines. Nous en sommes les gardiens ou gardiennes attentionnés et vigilants et devons veiller à sa préservation et à son nettoyage périodique… Notre être usé par l’année écoulée, en état d’une certaine « décomposition » comme la nature elle-même en cette récapitulation et fin de la période estivale et à reconstruire, recomposer, sur des bases nouvelles éliminant les scories accumulées ; encombrés de diverses pesanteurs comme une fontaine envasée croulant sous le poids de la mort de l’automne effeuillé… Il nous appartient de nous donner de nouveaux fondements, de nouvelles bases et assises et d’assurer l’étanchéité de notre être soumis bientôt aux rigueurs et froideurs hivernales…

 

Samain, le temps des bilans

 

Samain est bien le temps des constant et des bilans, la période favorable pour faire le point avant de reprendre sa marche dans la circonférence du vivre et la roue annuelle des saisons…

C’est l’étude (sans jugement), d’une observation objective des faits et des situations qui ont marqué l’année écoulée et les analyses claires et précises que cela suscite pour la conduite de notre vie future…

C’est visiter la Terre noire, la Matéria prima, où repose, en sa gangue d’obscurité, en l’antre matricielle, le diamant de lumière de notre Etre… C’est confier en nos profondeurs le germe que nous souhaitons faire croître et épanouir dans l’azur d’une année et d’un ouvrage bien accompli…

Si le texte fait état que cet « exercice » doit être réalisé avant le coucher du soleil, avant qu’il ne disparaisse à l’horizon on peut comprendre, assimiler, cela à une nécessité de mettre en place les préparatifs avant que le soleil ne renaisse et reprenne sa course ascensionnelle soit avant le Solstice d’Hiver… Cela nous donne donc encore un certain temps avant que d’attaquer vraiment et bien préparé la difficile traversée hivernale…

                                

La "Vieille Femme" hideuse


Il est question dans les textes irlandais de la Cailleach ou « Vieille femme » souvent laide et repoussante laquelle figure l’ancienne année et la « décomposition » du milieu végétal….

Cette femme assez hideuse dans ses représentations personnifie la décrépitude et la dégénérescence. On la présente souvent sous la forme d’une sorcière malveillante et malfaisante… Toutefois et curieusement, cette vieille sollicite auprès des héros ou des princes ou seigneurs qui la rencontre un baiser qui lui est refusé la plupart du temps… (Non pas un chaste baiser mais bel et bien un baiser sur la bouche !) heureux et comblé celui qui osera répondre totalement à une telle demande en bravant sa répulsion car en embrassant cette bouche repoussante l’audacieux se verra remettre une « couronne » de bienfaits et de félicité suite à une « métamorphose magique » de l’épousée qui se transforme aussitôt en une magnifique et belle jeune fille !… Une certaine allégorie de cela induirait que si l’on repousse la mort on ne saurait pouvoir jouir des richesses de la vie et en assurer une merveilleuse régence… Si l’on veut bien donner à cela une telle signification symbolique on ne verra plus dans la sorcière rencontrée des aspects à rejeter car préfigurant des aspects funestes mais au contraire une source de vie porteuse de dons octroyant une nouvelle jouvence existentielle…

Derrière et sous la sorcière se tient une fée laquelle est gardienne des sources de la vie (Sorsa s’entendant alors au u sens de source dans une étymologie du mot sorcière) … Embrasser la sorcière c’est transcender le sort d’hier pour prendre à deux mains et sur ses lèvres une juvénile promesse de beaux lendemains…. Avis aux amateurs !!! (aux âmes mateuses !)

 

Les Neuf Femmes consacrées


Que ce soit sur l’île de Sena (Ile de Sein) où selon Pomponius Mela vivaient neuf femmes consacrées qui présidaient l’avenir, troublaient la mer de leurs chants, dispensaient des soins et prodiguaient des guérisons tout en étant aptes à diverses transformations ou dans l’île d’Avallon (L’Insula pomorum) ou 9 sœurs dont Morgane selon Geoffroy de Monmouth -Vita Merlini) veillent sur Arthur ( et peut-être Merlin ) tout en s’adonnant elles aussi à la divination et aux soins de guérisons; nous avons en ces îles merveilleuses une féminité liée au nombre neuf. Ce nombre récurrent dans la tradition celtique qui exprime le triplement et donc le renforcement du nombre trois (soit une idée ou un effet dans son maximum d’expression et d’efficacité) est le moteur dynamique de cette pensée traditionnelle à l’origine de toute conception et développement évolutif. (La dualité ne fait pas partie des conceptions celtiques.)… La femme illustre en cette dimension et les triplicités qui l’accompagnent la perspective d’un monde neuf !!! A chacun et chacune d’en faire conjointement la preuve par neuf !…

              

Notre "Arbre de Vie" individuel comme un support du monde


Les Celtes dit-on croyaient qu’il y avait au centre du monde une colonne portant la voûte du ciel ; qu’elle vienne à se rompre et le monde s’effondrera… (Cela pourrait bien être une image de l’arbre cosmique des Celtes) L’idée est que le monde à besoin du soutien de chacune et de chacun…

Ne sommes nous pas nous aussi un pilier de soutènement d’un monde dont le maintien et la prospérité reposent sur nos épaules et sur notre tronc ?… Notre « arbre de vie » individuel est aussi un support de ce monde. Il assure les bonnes circulations des flux, ondes, sèves et sangs, énergies entre nous et lui… En tant qu’axe vertical, colonne, pilier, poteau, nous soutenons analogiquement la voûte céleste qui nous soutient de même et réciproquement dans nos efforts par ce qu’elle dispense à cet effet en nous-mêmes… Notre colonne verticale se dresse , droite sous les astres et les étoiles, afin que notre arbre de vie s’épanouisse dans ce rapport et cette relation de soutien mutuel…

Nos Anciens ne craignaient en fait qu’une seule chose «  que le ciel ne leur tombe sur la tête »… La compréhension de cela est qu’ils redoutaient, plus que toute autre peur en fait, l’inversion des valeurs et que le chaos se répande par des renversements de rapports et de relations inaptes à préserver les équilibres et harmonies en place…

Il est vrai que pour « abattre un peuple » on abattait son arbre cosmique et sacré ( ce que fit Charlemagne selon la légende ) …

Tirons là aussi des leçons et enseignements d’une grande actualité !…



18/11/2011