Les dits du corbeau noir

MONA BRAZ INTERVENTION AUX 2E ASSISES DE LA DRUIDITE 13 04 AVRIL 2024

 

 

 

 

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Illustration : Connedos

 

 

 

ASSISES DE LA DRUIDITÉ 2024
Intervention Mona BRAZ – le Samedi 13 avril 2024 9h/12h30


« Honore les dieux, ne fait pas le mal, soit courageux."

 

 

 

LIGNES DE FORCES ET AXES MAJEURS DU DRUIDISME CONTEMPORAIN, UNE TRADITION CELTIQUE RENOUVELÉE

 


Pour rester fidèle à la tradition des Triades celtiques, je dirai ceci,


- Trois lignes de force : tradition, transmission, action ;
- Trois axes majeurs : travail, discernement, partage ;
- Trois écueils : ignorance, confusion, dispersion ;
- Trois faiblesses : manque de courage, manque d’amour, manque d’intelligence.
- Trois mercis à Brandu : merci pour sa confiance, merci pour sa bienveillance, merci pour son amour dont l’un des fruits sont ces Assises de la druidité 2024 !


1) QUI SUIS-JE ? D’OÙ ET À QUEL TITRE JE PARLE ?


C’est plutôt à la question « que suis-je » que je vais répondre pour me présenter à vous. La personne qui est devant vous est une femme de 67 ans révolus, aînée d’une fratrie de sept frères et sœurs ; mère de quatre enfants, autant de petits-enfants et d’un arrière-petit-fils.
Je suis née à l’hôpital public de Guingamp en 1956. Quelques mois après, ma mère m’emportait avec elle pour rejoindre mon père qui était militaire dans une ancienne colonie française, entre Bamako et Tombouctou. Je vivais là mes trois premières années, avant de revenir en Bretagne, dans le Trégor brittophone qui m’a baigné dans les eaux profondes de la
culture bretonne traditionnelle et de la musique de la langue bretonne.


Très tôt j’ai ressenti ce que Platon appelle la « démangeaison des ailes » et je voulais devenir
curé à l’âge de douze ans. Je suis marquée au départ,  d’une triple empreinte : laïque par ma scolarisation à l’école publique, catholique par ma catéchèse depuis le baptême jusqu’à la communion solennelle ; et enfin bretonne, de par le bain culturel et linguistique breton dans lequel j’étais immergée. Découvrant brutalement que la prêtrise catholique était réservée aux seuls hommes, je devenais féministe dans l’âme, ne comprenant pas et n’admettant pas que le genre puisse être un obstacle infranchissable pour une vocation religieuse.


Pour autant, l’année suivante, faute de grive je mangeais du merle et, parallèlement à mes études au collège, j’entamais avec l’autorisation de mes parents car j’étais jeune mineure, un pré-noviciat chez les religieuses de la congrégation des « saints cœurs de Jésus et de Marie ». Cette expérience durait jusqu’à la fin de ma classe de terminale.


Nous étions en 1972, j’avais seize ans et aux tumultes de l’adolescence s’ajoutait la découverte des philosophes grecs, du marxisme, de la psychologie, de la politique ; le tout en plein revival de la culture bretonne. Je commençais à fréquenter l’UDB, Skol an Emsav, les fest-noz, les festivals bretons, les manifestations contre le nucléaire, pour les ouvrières de
l’abattoir Doux, pour la réunification de la Bretagne, pour le bocage et la qualité de l’eau,
etc…


Je quittais cette voie chrétienne mais, pour autant je ne jetais pas le bébé avec l’eau du bain et demeurais christique. Puis, le Bac et deux années de Droit à Rennes tout en continuant de militer pour la Bretagne ; et le mariage en 1975 avec un militant breton, de Guingamp.


Parmi nos fréquentations de l’Emsav (nom du mouvement politico-culturel breton), il y avait
des amis druides et bardes de la Gorsedd de Bretagne qui nous invitaient à rejoindre leur assemblée avec une insistance particulière lors du Gorsedd Digor d’août 1976 à Guingamp lors duquel était inauguré la plaque y rappelant la création de la Gorsedd des bardes de
Bretagne le 1 er septembre 1900.

 

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Tout en menant de front des vies : conjugale, familiale avec quatre enfants, professionnelle avec une petite entreprise à tenir, politique avec le militantisme UDB, culturelle avec la fondation de l’école Diwan de Guingamp en 1980 et son comité de soutien pour en financer le fonctionnement ; je finis par envisager une poursuite de ma vie spirituelle dans la voie du
druidisme et, après quelques années de compagnonnage, c’est en 1985 que je serai initiée
ovate par Gwenc’hlan Le Souézec, et druidesse quelques années plus tard, à la Gorsedd de
Bretagne…


En 1998, un divorce compliqué, je deviens auxiliaire de vie sociale et syndicaliste CGT, tout en quittant le registre du militantisme politique pour celui de l’exercice de mandats électoraux à la demande de l’UDB (parti politique autonomiste breton de gauche et écologiste) : je serai conseillère municipale puis adjointe au maire de Guingamp de 1995 à 2020 ; et conseillère régionale de gauche, autonomiste & écologiste de juin 2004 à juin 2021.


Mandats politiques que je mets au service de la Bretagne de son avenir et de ses habitants à
travers mes principes politiques et éthiques, toutes choses égales par ailleurs (je ne suis pas
une adepte de la pensée magique).


Fin 2019, j’annonce qu’à la fin de ces deux mandats, je quitterai la scène politique, estiment y avoir fait mon temps.
Et, c’est exactement le 22 novembre 2021 que Stéphanie Chabert, des éditions Robert Laffont, me contactait pour me proposer l’écriture d’un ouvrage non pas sur le druidisme (il y en a pléthore depuis les ouvrages universitaires jusqu’aux fourre-tout mystico-gélatineux) mais un livre qui emprunterait le chemin de la philosophie du druidisme pour penser les
enjeux du monde contemporain, à partir de mes expériences croisées de femme, de mère, de
politicienne, de syndicaliste, de militante associative, de druidesse…
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Depuis que je m’intéresse à la question des Celtes et de leur religion, le druidisme, j’ai toujours tenu à appuyer ma réflexion à partir des travaux menés par les universitaires et les chercheurs. Cette démarche et l’état d’esprit qui y prévaut, sont fondés sur le souci d’éviter les deux extrêmes de l’esprit critique que sont l’excès et le manque. Manque qui vaut aussi pour la capacité de discernement… Même si je m’accorde le droit à l’erreur dont le corollaire est de réparer l’erreur, fut-elle de jugement ou d’interprétation.


Aussi, je m’exprime ici au titre de druidesse initiée dans le canal historique de la Gorsedd des Druides, bardes et ovates de Bretagne ; fondée à Guingamp le 1er septembre 1900, à l’auberge de la veuve Le Falc’her chez laquelle se tenait l'assemblée constitutive de la
Fraternité des bardes de petite Bretagne… Et je m’exprime bien sûr au titre de mes diverses
expériences de vie menées dans le cadre de la fameuse triade « Honore les dieux, ne fait pas le mal et soit courageux. »


La vie étant un long fleuve tranquille, certains parmi vous savent que j’ai été exclue de la Gorsedd de Bretagne en novembre 2023, ainsi que deux autres femmes, également brittophones, la druidesse Elizabeth Colin-Kerloc’h et la jeune bardesse Erato Strongylou.
Ceci fait désormais partie de mon passé mais je me dois de remercier les responsables de mon exclusion.

 

Cet épisode aura aussi le mérite de montrer que les assemblées druidiques, y compris l’organisation qui fut celle qui réensemença le continent européen des graines du celtisme, du druidisme et du bardisme à partir de la Bretagne ; sont avant tout des assemblées
humaines et, en tant que telles, elles ne sont pas exemptes des tests du pouvoir, de l’argent et
du sexe. Ce sont des tests universels que l’on retrouve en politique bien sûr, mais aussi dans le monde de l’entreprise et dans le registre des religions instituées ou autres fraternités dites philosophiques ou spirituelles…

 

 

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Cette exclusion n’enlève rien, ni à mon initiation, ni à mon cheminement ; au contraire, elle a ouvert de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités dans l’adelphité et l’ouverture dans l’exigence et le discernement.


Le druidisme, ou le domaine celtique, ne sont la propriété privée ni la chasse gardée de qui
que ce soit en Bretagne ou ailleurs. Plus particulièrement en Bretagne et dans les autres pays
celtiques, le druidisme et le domaine celtique font partie de notre histoire, de notre construction culturelle, de notre identité et de notre imaginaire et nous offrent à ce titre, un socle solide et dynamique.


Chacun et chacune les conçoit, et, soit les rejette, soit se les approprie à son niveau et selon sa porte d’entrée : universitaire, historique, philosophique, culturelle, métaphysique, religieuse, ritualiste, esthétique, etc

 

Chacun et chacune les conçoit, et, soit les rejette, soit se les approprie à son niveau et selon sa porte d’entrée : universitaire, historique, philosophique, culturelle, métaphysique, religieuse, ritualiste, esthétique, etc…

 


2) SORTIR DE LA CONFUSION GRACE AU DISCERNEMENT


Depuis la fin du XVIIIème siècle, époque de celtomanie galopante, les druides, oubliés ou méprisés par l'histoire officielle, ont fait une fulgurante réapparition chez les intellectuels d'Europe occidentale avides de redécouvrir les racines profondes de leur culture. Mais, en raison d'un manque d'informations précises et surtout à la faveur d'un enthousiasme parfois délirant, cette redécouverte s'est opérée de façon presque caricaturale.


Ainsi se sont répandues les images stéréotypées de druides, vêtus de robes blanches, sacrifiant des victimes sur les dolmens, de druidesses échevelées prononçant leurs invocations sur des rochers, au bord de la mer, afin, selon les circonstances, de provoquer des tempêtes ou de les apaiser par leurs incantations.


Dans le processus de déculturation en cours depuis plusieurs décennies, les termes chamane, druide, nature, celtisme, paganisme, animisme, tradition, spiritualité, sagesse, méditation, yoga, universel, etc… perdent leur sens premier et sont dénaturés. Ce que recouvre ces mots est simplifié jusqu’au simplisme pour un usage commun, adapté aux besoins d'une communauté hétéroclite qui se les approprie et les réinvestit ; faisant bien peu de cas des grandes différences conceptuelles, cosmogoniques, de représentations mentales du monde des peuples de la planète, de leurs histoires, de leurs mythologies, des territoires, des civilisations, des cultures et des langues dans lesquelles ils s’inscrivent.

 

 

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Reconstitution d’un temple celtique carré (les fondations plus de 800 temples ont été trouvées à ce jour, dont un octogonal) ; et le sanctuaire Arverne de Corent construit selon les mesures de l’Astronomie (selon l’archéologue chargé des fouilles, Mathieu Poux, l’entrée à l’est ouvre vers la constellation du Bélier/équinoxe de printemps – les 22° signent la zone des levers vrais de Capella/Lugnasad voisins au degré près de ceux des levers vrais de Véga/Samain et de Deneb/Beltaine…)

 
 

Le centre est une conception fondamentale dans l’idéologie des Celtes anciens.

Il est une représentation, plus symbolique que réelle, du point où se développe l’axe du monde et où se concentre l’essence du sacré. Le système de pensée celtique ne distingue pas d’espace profane, toute chose pouvant revêtir un caractère sacré. Cependant, certains lieux se démarquaient par leur haut degré de sacralité. À travers cette présentation, il s’agit de montrer, par l’exemple du centre, que les Celtes continentaux et insulaires partageaient une conception unitaire de l’espace.

 

Si nous reprenons les données des anciens mythes de la
création des cinq provinces d’Irlande :

- Le nord (Ulster) : querelles, combats, assauts, guerres et conflits ;

- Le sud (Munster) : chutes d’eau, subtilité, musique ;

- L’est (Leinster) : prospérité et provisions ;

- L’ouest (Connaught) : enseignement, science, savoir et éloquence ;

- Le centre (Meath) : rois, dignité, souveraineté, royauté suprême.


Si la religion des Celtes est bien antérieure au christianisme et peut de ce fait être considérée comme un paganisme, il est nécessaire de nous questionner sur la pertinence de l’usage du mot « druidisme » pour qualifier les pratiques des druides antiques et ceux qui revendiquent aujourd’hui en être les héritiers.


Le mouvement dit druidique, au niveau de l'histoire comme des chiffres, est actuellement le
plus important des représentants des spiritualités alternatives en Bretagne. Il n'y a pas de consensus quant à une définition définitive et globalement acceptée par les scientifiques et les pratiquants, de « druide » comme de « druidisme » ou « paganisme ».
Le druidisme contemporain est décrit par les observateurs comme un mouvement protéiforme, voguant sur les hauts et les bas des vagues de modes relayées par une littérature marquée du sceau de l’amateurisme ; et fortement influencée, dans la deuxième moitié du XXème siècle,
par la culture New-Age, avec des axes comme le développement personnel, la recherche de soi et une reconnexion à la nature. Le sujet est à la mode…


En dehors des modes, le druidisme contemporain a toute sa place dans la diversité des voies religieuses à l’échelle mondiale, tout comme l’avait le druidisme antique ; mais, faisons preuve de discernement : ce n’est plus la même place, ce ne sont plus les mêmes fonctions
 

 
3) LE DISCERNEMENT, UNE QUESTION DE MAITRISE DU VERBE : CHEZ LES CELTES LA PAROLE EST SACRÉE, CHARPENTÉE, ÉTAYÉE...
 
 

Ce que les mots veulent dire – Entre druide, druidiste, druidisant, druidesse, druidae, druidisme, druidité, druidisme contemporain ?


Véritable histoire de vases communicants linguistiques, le mot français « DRUIDE » viendrait du latin druidae, lui-même emprunté au gaulois druid-, du celtique dru-wid-es, « très savant » et aussi apparenté au grec ancien δρῦς, drûs et au gaulois *deruos/derua signifiant « chêne » dans les deux langues.

Toutes les activités multiples du druide sont éclairées par l’étymologie et l’origine du mot « druide » dont le premier terme « dru » est un préfixe intensif et le second terme          « uid » vient de « weid », voir et savoir, dont la racine sanscrite a donné « véda », « védanta ». Or, nous savons l’importance accordée par les anciens druides au chêne, cet arbre symbole de solidité, de force, de fermeté.

Dès lors, le druide est le « Connaisseur de l’Arbre du   Monde ».


Cette Connaissance est la vision de celui qui sait d’avance (le devin, le visionnaire), le savoir fidèle à ses racines, ferme et solide comme l’est le bois du chêne. Le linguiste Xavier
Delamarre (CNRS) se fonde sur le terme indo-européen *dóru/*dru-, « arbre, bois », pour y voir également « ceux qui connaissent l’Arbre », non au sens botanique du terme mais cosmogonique de l’Arbre du Monde. Ainsi, par extension les druides sont « les savants qui connaissent l’Arbre du Monde ». Toute cosmogonie est un récit mythologique qui décrit la formation et le devenir du Monde, les Celtes ont la leur.

 

Toute spiritualité s’appuie sur une cosmogonie. Le mot cosmos veut tout simplement dire : l’Univers ordonné et harmonieux par opposition au chaos - le cosmos est alors le bon ordre et la parure qu’il génère. A contrario, à cette même racine nous devons le mot cosmétique qui correspond au maquillage, celui qui sert à dissimuler (par exemple une voiture maquillée parce que volée) donc à entrer dans le
monde des faux-semblants, des mensonges, du double discours. Il y a donc une responsabilité cosmique à être vrai, non maquillé ; et à faire efforts pour établir l’ordre du ciel dans nos vies et celles de nos sociétés. De manière à ce que ce qui est en bas soit pareil à ce qui est en haut.

 

 
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Plaque du chaudron de Gundestrup : l’arbre, à l’horizontale, sépare tout en les reliant les mondes inférieurs et supérieurs. Il est le lien entre le monde souterrain ou monde infernal au sens d’inférieur représenté par ses racines celui de la Terre ou des mortels évoqué par le tronc, et le monde supérieur des branches). Les druides, dont le rôle était essentiel dans la société celte, manifestaient les qualités de l'arbre.


Il est dit des anciens druides qu’ils étaient des polymathes, c’est-à-dire les détenteurs de connaissances variées et approfondies en art, poésie, histoire/mythologie, sciences,
astronomie, philosophie, … La polymathie étant une instruction multiple, variée et étendue (nous dirions pluridisciplinaire aujourd’hui) doublée de l’assise apportée par les expériences de vie ; conditions d’une haute intelligence esthétique, éthique, morale, scientifique, poétique, religieuse…


En irlandais médiéval, le mot druidechta (druidisme) recouvre de nombreuses notions attachées à l’autorité spirituelle, y compris des notions morales, ce qui était une singularité dans le monde antique ; morale fondée non pas sur le bien et le mal du christianisme, mais sur le vrai et le faux.


D’où la formule druidique en breton : « Ar gwir en arbenn d’ar Bed ! » La vérité à la face du Monde ! mais aussi, être en vérité ce que nous sommes, sans maquillage ni artifice. Je
souligne qu’en breton, ce mot gwir désigne autant la vérité, le vrai que le droit et la justice…


Aristote parlait déjà de la philosophie des druides, comme de celle des gymnosophistes indiens et des prêtres de Chaldée. Diodore appelle les druides des philosophes et des théologiens. Sans attribuer à ces deux mots la valeur qu’ils ont aujourd’hui, il est indéniable qu’il s’agissait d’un grand éloge venant de sa part. Et, pour sortir de l’appropriation de la théologie par l’Eglise, je rappelle que, du point de vue de l’étymologie, le mot théologie vient du grec ancien θεολογία / theología ; soit littéralement : un discours rationnel sur la divinité ou le divin, de theós/dieu et logos/verbe .

Partant, la théologie est un ensemble de champs disciplinaires qui concernent l'idée de Dieu, des dieux ou déesses, ou encore du divin.


Strabon lui, représente les druides comme s’occupant de l’étude de la nature et de celle de la morale, et Pomponius Mela les appelle des maîtres de sagesse.

 

 

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La christianisation alla aussi au rythme de la destruction des arbres sacrés des druides, ou parfois de leur récupération pour un changement de culte. La gravure ci-dessus est un détail de la fresque représentant la destruction d’un arbre sacré de la religion des druides celtiques, trouvés dans la basilique de l'abbaye de Saint-Boniface, Munich. Un Bélier est sacrifié sur la pierre, rappelant que l’ère des druides fut celle du Bélier bientôt remplacée par celle des Poissons et du christianisme.


On a parlé aussi de la science des druides : César remarque qu’ils discutent du cours des astres, de la forme et de la grandeur de la Terre, du système de la nature. Enfin, Ammien Marcellin écrit que les druides vivaient en petites communautés, selon les règles d’une discipline exigeante et l’esprit toujours tendu vers l’étude des problèmes les plus élevés…


Les druides répondant à l’essence même du nom qui est le leur (très savants), ne sont pas uniquement des sacerdotes (à ce titre, ils sont détenteurs de la doctrine, pratiquent la
divination, la prophétie et les sacrifices des rites garants du bon ordre cosmique et social), ils exercent des fonctions multiples selon leur niveau d’études. Celles-ci durent au minimum vingt années de transmissions orales.

Pourquoi ?


Selon l’historien Vanceslas Kruta, cette durée de vingt n’était pas due au hasard, mais au fait que le futur druide, en dehors de l’acquisition orale de ses savoirs et connaissances, devait avoir constaté par lui-même le cycle astronomique dit métonique dans le ciel : déplacement des astres et des constellations et leurs corrélations avec les évènements humains et terrestres ;et aussi la capacité à pouvoir déterminer les dates des éclipses, etc...


En astronomie et dans l'établissement des calendriers soli-lunaires, le cycle de Méton est un commun multiple approximatif des périodes orbitales de la Terre et de la Lune. En effet, 19 années tropiques (solaires) et 235 mois synodiques (lunaires) ne diffèrent que de 2 heures ; donc après 19 ans, les mêmes dates de l'année solaire correspondent avec les mêmes phases
de la Lune.


Il existe alors 19 Nombres d’or (de 1 à 19) et chaque année possède son Nombre d’or. Cette notion n’a donc aucun rapport avec le nombre d'or φ en mathématiques. Ces nombres étaient gravés en or chaque année sur les piliers d'un temple à Athènes (d’où le nom de nombre d’or
calendaire).

 
Ce nombre de 19 années est aussi celui d’un autre phénomène astronomique : le lunistice, connu et utilisé par les Celtes, qui désigne la position extrême de la Lune, soit la plus haute vers le Nord soit la plus basse vers le Sud.
 
 
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Ce document étant destiné à être partagé, j’y ajoute ce schéma sur le lien entre solstices (deux par an) et lunistices (un tous les 18,6 ans).


Selon le Dr Allard Mees, responsable de l’informatique scientifique au Römisch-Germanisches Zentralmuseum de Mayence en Allemagne, les fondements astronomiques des
cycles solaires et lunaires ont joué un rôle extrêmement important dans la culture celte.
Toujours selon lui, ces cycles astraux (solstices, lunistices et équinoxes) ont constitué les fondements des conceptions astronomiques et astrologiques avec lesquels les premiers Celtes ont façonné leurs idées de l’au-delà reflétées au travers de leurs monuments y compris
funéraires.


 
A gauche le disque de Nébra classée par l’Unesco comme étant la plus ancienne représentation de la voûte

céleste connue à ce jour (1 600 avant J.-C. et ainsi de confirmer son authenticité. Cette période correspond à
une transition entre l’âge du bronze ancien et l’âge du bronze moyen, les métaux qui ont servi à le fabriquer
en Saxe-Anhallt : le cuivre provient de gisements alpins d’ Autriche. Néanmoins, l'or et de l'étain viennent de
Cornouaille ; ce qui montre le niveau des échanges internationaux de cette époque celtique . A droite, le
cône en cor de Berlin, véritable calendrier astronomique, date-lui de 1000 avant JC.


Je pense aussi à la fabuleuse « Voie héracléenne », pas celle de la fiche Wikipédia qui montre les limites du Net et celles du monde oublié des Celtes, mais la route celtique du bout du monde retracée par l’historien britannique Graham Robb. Route qui va du promontoire sacré de Sagres à l’extême sud du Portugal, qui passe par les Pyrénées et se poursuit à travers la Provence vers les Alpes pour aboutir au col de Montgenèvre que les Celtes appelaient la Matrone       – « la source des déesses-mères ». Or cette voie conserve sur toute sa longueur de plus de 1500 kms la même orientation est-nord-est en diagonale transcontinentale ! Il se trouve que ce tracé correspond exactement à la position du soleil au solstice, quand le soleil se lève et se couche au même endroit pendant plusieurs jours.


Son tracé était donc orienté vers le levant au solstice d’été et au sud vers le couchant au solstice d’hiver. Un GPS à l’antique, en somme.


C’est exactement la route qu’emprunta depuis Carthage dans son expédition contre Rome le général Hannibal, dont l’historien grec Polybe nous dit qu’un héros lui montra le chemin, ce même Hercule dont il avait consulté l’oracle dans son temple à Gadès – l’actuelle Cadix – avant de se mettre en chemin après avoir traversé la mer avec ses 90 000 fantassins, ses 12 000 cavaliers et ses 37 éléphants. Mais on sait aussi qu’il avait embarqué dans l’aventure de
nombreux Celtes ibériques ou gaulois qui pratiquaient la diagonale héracléenne comme une frontière entre le territoire des Celtibères au nord-ouest et celui de peuples autochtones côtéméditerranéen.


Les Romains passent pour être les bâtisseurs des voies rectilignes qui ont pavé et consolidé leurs conquêtes. Mais en Gaule la vitesse de la progression des légions suppose qu’une
infrastructure existait déjà.

S’il est établi que les ingénieurs romains ont copié les murs à armature de bois et parement de pierre des Gaulois en baptisant même cet élément de l’architecture de leurs forts   « muri gallici », pourquoi auraient-ils tracé leur fameuse voie
romaine en dehors des itinéraires existants qui reliaient les villes gauloises ?

 
 

Partout où il passa César trouva donc des routes et des ponts celtiques qui facilitèrent sa conquête militaire et la colonisation des territoires conquis, même s’il n’en parle pas.
Absolument hermétique à l’esprit celtique son témoignage n’était pas destiné à rendre hommage à ceux qu’ils entendaient vaincre à tous points de vue…


Plus proche de nous et bénéficiant des dernières découvertes en archéologie, paléo- linguistique, philologie et histoire comparée des religions : « On peut dire que les druides
représentent à la fois l’ « Église », le tribunal et l’université : la religion, la justice et les savoirs… Ils forment l’élite intellectuelle et philosophique du monde celtique …» Pouvait- on entendre dans le documentaire d’Arte de juin 2021.


Le patrimoine celtique, qu’il soit breton ou insulaire, est riche d’éléments antiques permettant de creuser la voie celtico-druidique tracée par nos ancêtres, sans polluer celle-ci par des éléments exogènes, étrangers à notre culture et à notre cosmogonie. Au niveau celtique et druidique, nous disposons des récits de narrations de naissance de l’univers, des dieux et des humains. Nous avons des récits des cycles cosmiques et de l’ordre que les humains doivent maintenir dans leurs vies et dans la société pour maintenir l’ordre cosmique...


Le mot druidisme apparaît pour la première fois dans la langue française à partir de l’anglais druidism vers 1715, au siècle même des Constitutions de James Anderson. Le lexicographe Antoine Furetière, 1619-1688, auteur d’un fameux dictionnaire universel, faisait ainsi référence à la figure du druide : « un homme vieux et expérimenté qui a vu le monde. » Il assignait à ce personnage les rôles de savant et mathématicien, prêtre et sacrificateur, philosophe, jurisconsulte et orateur, astronome et astrologue, médecin, généalogiste et théologien, rien de moins…


4) ORIGINES DU DRUIDISME


Selon Posidonios d’Apamée, philosophe stoïcien grec, également savant, géographe et historien (135 – 51 avant JC) : « Leur doctrine (celle des druides) a été élaborée en
Britannie, et de là, pense-t-on, a été apportée en Gaule ; aujourd’hui encore la plupart de ceux qui veulent mieux connaître cette doctrine partent là-bas pour l’apprendre. »

César confirme la prééminence de l’influence bretonne (la Bretagne antique est la Grande- Bretagne actuelle) : « La discipline des druides a été trouvée en Bretagne et c’est de là,
suppose-t-on, qu’elle est passée en Gaule ; actuellement encore, ceux qui vont l’étudier à
fond s’en vont, la plupart du temps, terminer leur formation dans l’île. »

 

 

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La thèse de l’origine laténiennne des Celtes est aujourd’hui obsolète. En effet, les travaux des Britanniques John Koch et Barry Cunliffe, s’appuyant sur l’archéologie, la génétique, l’histoire, la linguistique, la philologie et l’outil informatique, concluent à constater la précocité du développement de l'Armorique vers - 5000, avec une possible apparition de la langue celtique vers – 3000/2000 chez les métallurgistes bronziers des deux côtés de la Manche entre Bretagne et Cornouaille, parce que là, et seulement là, on trouvait le cuivre et l'étain, nécessaires à la fabrication du bronze ainsi que nous l’avons vu pour le disque de Nébra. Ces bronziers seraient venus du Sud de Lisbonne, de ce que l'on appelle communément les Celtibères.


Ces travaux posent la question de l’origine des Celtes, notion mise en avant à propos de Hallstatt puis La Tène par des archéologues allemands du XIXe siècle, d'où l'idée que les
Celtes seraient venus de l'Est. Hypothèse qui n’a jamais été vérifiée, mais confondue avec le déploiement de la grande civilisation indo-européenne.

Cette vision continentale de l’histoire de l’Europe celtique est encore rétive à une réalité qui s’impose de plus en plus au regard des éléments de preuves : la civilisation celtique est la civilisation atlantique (Celtibères, Armoricains, Brittons, Gaels) qui aurait celtisée le continent européen pénétré par l’ouest et par les fleuves et rivières. Voir les deux lignes noire et gris foncé sur la carte ci-dessus.


Par ailleurs, il existe aujourd’hui plusieurs thèses sur l’émergence de l’institution druidique.

Une origine fondamentale et spécifique de la civilisation celtique...
Une origine pré-celtique issue du néolithique,
Une création tardive des derniers siècles du Ier millénaire av. J.-C., avec l’apparition d’intellectuels, notamment des savants versés en astronomie (en latin, astronome se dit
mathématici, et astronomie et astrologie sont synonymes en Occident jusqu’au XVIIème siècle car « L’astrologie est l’expression d’une vision mathématique de la condition humaine ») se distinguant des sociétés réparties sur le pourtour de la Méditerranée

 

Actuellement, les chercheurs divergent quant à l’origine géographique du druidisme : certains défendent l’idée d’une origine préceltique du druidisme, celui-ci absorbant lieux et rites de la civilisation mégalithique et atlantique précédente. Pendant que d’autres comme Jean-Louis Brunaux, affirment que le druidisme n’est attesté qu’en Gaule et vous comprendrez que je réfute sa vision franco-française frisant le chauvinisme.


Christian-Jacques Guyonvarc’h, Françoise Leroux, Pierre Sergent, Matthew Halford, et bien d’autres chercheurs, élargissent l’étude du druidisme au monde indo-européen et rapprochent la religion des druides du brahmanisme ; à la grande différence près que l’organisation sociale
des Hindous s’est sclérosée et que les classes de la société se sont figées en castes…

 

La civilisation celtique s’étant effondrée, nous ne saurons jamais ce à quoi nous avons échappé…
Pour ma part, je suis convaincue que le druidisme est né d’une double origine celtico- atlantique d’un côté, et indo-européenne de l’autre, sans exclure l’intégration locale
d’éléments issus de la civilisation atlantique et mégalithique spécifique, substrat des particularités celtiques encore bien vivantes au XXIème siècle.


Des druides à Pélage, du christianisme celtique à aujourd’hui : les hiatus avec Rome et le monde moderne.


C’est le débat toujours actuel entre la grâce divine (celle du Dieu de l’Eglise) et le libre arbitre (celui du Point de Liberté de la doctrine des druides), débat qui dure depuis plus de 1500 ans…


Depuis le début de son pontificat, le pape François ne cesse de mettre en garde contre le retour du gnosticisme et du pélagianisme, d’anciennes hérésies qu’il considère toujours
comme « deux ennemis subtils de la sainteté ». En atteste, en février 2018, la lettre Placuit Deo de la Congrégation pour la doctrine de la foi qui explicitait les propos du pape en
soulignant combien « notre époque est envahie par un néopélagianisme, qui donne à l’individu, radicalement autonome, la prétention de se sauver lui-même, sans reconnaître qu’au plus profond de son être, il dépend de Dieu et des autres ».


Ben voyons ! Quelle manipulation mensongère de la pensée de Pélage, ce Celte chrétien qui, dans la logique de la doctrine druidique, affirme que « la création est parfaite sans intervention de l’homme », « que le péché originel n’existe pas » que le libre arbitre est suffisant pour « gagner le salut, Dieu ayant doté l’homme de raison, cette dernière lui permettant de distinguer le bien du mal, en toute autonomie par rapport à Dieu ».

Le péché originel perdant sa fonction culpabilisante, l’incarnation du Christ venu pour sauver l’humanité est inutile comme le sont la prière et les sacrements de l’Eglise ; Jésus devient un prophète (ou un avatar) parmi d’autres, une « divinité surnuméraire ». Logique qui expliquera comment la déesse Brigit a survécu en la personne de sainte Brigitte, la Marie des Gaëls…

 

Vous voyez la nature et la dimension de l’hérésie ? A tel point que Pélage deviendra la cible privilégiée d’Augustin, ce Père de l’Eglise. Une Eglise qui n’a que des Pères et aucune
Mère…

 

 

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Entre autres clivages idéologiques entre le christianisme celtique et celui de Rome : la tonsure des moines, le
mariage des prêtres, le fait que toute erreur est réparable y compris dans les existences futures (s’en suivra finalement la reconnaissance officielle du purgatoire par le deuxième concile de Lyon en 1274 et très rapidement la marchandisation de cette purge par la vente des indulgences de l’Eglise qui causera le schisme du protestantisme), etc…


Le différend, aussi profond que la fosse de Mindanao, entre l’Eglise celtique d’un côté, et de l’autre l’Eglise catholique, apostolique et romaine, durera jusqu’au XIIème siècle et relève du registre de la doctrine.

L’Eglise celtique n’a de chrétienne que le nom, elle est pélagienne dans l’âme. L’Eglise celtique qui aura vécu plus de 700 ans, est une forme de christianisme sans dogme de l’Incarnation, sans péché originel et sans péché tout court, sans notion de salut de l’âme ; ne restait plus que le symbole de la Trinité lequel était bien antérieur au christianisme, dans une civilisation celtique construite sur le ternaire et les triades.


L’Eglise celtique, digne héritière de la doctrine des druides et des enseignements de Pélage, est une religion de la responsabilité individuelle, responsabilité bien éloignée de
l’individualisme et de la toute puissance que prête l’Eglise catholique actuelle au néopélagianisme qu’elle craint encore.

Faut-il souligner qu’un pénitentiel irlandais du VIIIème siècle prononce l’interdiction du péché de druidisme, ce qui atteste bien que, malgré saint Patrick, les druides étaient toujours présents et actifs en Irlande.


5) LE DRUIDISME CONTEMPORAIN, ENTRE OUBLI ET MÉMOIRE


Mircéa Eliade soulignait l’amnésie essentielle des humains d’aujourd’hui, plus particulièrement les Occidentaux déconnectés d’eux-mêmes, des autres et du monde dont ils
sont pourtant une partie. « L’originalité de l’homme moderne, sa nouveauté, c’est précisément sa volonté de se considérer comme un être uniquement historique, son désir de vivre dans un Cosmos radicalement désacralisé. »

 

 

 

N’oublions pas, dans un audacieux travelling arrière, que le prince Siddartha Gautama, dit Bouddha, était le contemporain indo-européen de Zoroastre, d’Homère, d’Héraclite, de Parménide, de Socrates et de Platon et des chinois Lao-tseu et Confucius.


« C’est le contact avec l’hellénisme qui fait évoluer le bouddhisme vers des conceptions moins rigides et plus proches des simples réalités humaines. L’art gréco-bouddhique du Gandhâra fournit à la foi bouddhique sous les traits d’un fils d’Apollon le type même du
Bouddha qui, s’il reflète la Loi, lui donne sa coloration particulière. » nous dit Henri Arvon historien des idées, 1914-1992.


La meilleure source que nous avons sur des contacts possibles entre moines bouddhistes et druides provient d’une inscription du IIIème siècle avant notre ère gravée sur une colonne de pierre à la demande de l’empereur indien Asoka. Sous son ordre, les moines allèrent le plus loin possible d’est en ouest dans des régions aussi lointaines que la Macédoine, ils établirent des centres bouddhistes, des hospices pour les voyageurs, creusèrent des puits en plus de cultiver les herbes médicinales.

C’est l’écossais Donald Mackenzie, qui dès 1928 (Buddhism in pre-Christian Britain), fut le premier à proposer un contact possible entre druides et bouddhistes. Mackenzie comprit que les moines d’Asoka, présents en Macédoine à cette époque, pouvaient très bien avoir étés en contact avec les druides des proches contrées danubiennes.


Aussi, le védantiste David Frawley fit remarquer qu’à une époque reculée la Voie de la Sagesse appelée Vidya en sanscrit et Uidiia en celtique ou Gnose en Grec était maintenue par des sages qui erraient dans toute l’aire eurasienne.

Les contemporains sous-estiment les moyens de transport, les réseaux de communications, les routes terrestres et maritimes fréquentées depuis la nuit des temps par les sages errants comme par les commerçants.
De son côté, Clément d’Alexandrie, l’un des Pères de l’Eglis, IIIème après J.C., dans Stromata I, XV, nous dit :                  « Alexandre, dans son livre sur les symboles pythagoriciens,
expose que Pythagore était un élève de Nazaratus l’Assyrien, et il prétend en outre, que Pythagore était un auditeur des Druides et des Brahmanes. »


Le Cernunnos du chaudron celtique de Gundestrup, dans la même position que le Shiva de Mohenjo-Daro en
Inde : même posture dite de méditation en lotus, le même environnement animalier maîtrisé.

 

 

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Ceci dit, j’en reviens à ce drame qu’est l’amnésie essentielle dont souffre une grande partie de l’humanité actuelle. Elle rejoint ce constat bien observé par les védantistes : non seulement nous avons oublié, mais nous avons oublié que nous avons oublié.

L’illusion du moi auquel nous nous identifions, la « maya », nous éloigne du « samadhi », autrement dit nous éloigne de l’union avec l’Atman, le divin intérieur, le Soi ; de l’état d’absorption dans le Brahman.
Nous avons oublié le sama (équanimité), le dhi/buddhi (la Conscience et l’état de pure Conscience) ; nous avons oublié cet état de communion avec la nature, le monde, le cosmos.
Un état que nous pouvons atteindre en méditation, lorsque la circonférence et le centre ne font plus qu’un ; lorsque la contemplation du centre depuis notre circonférence abouti à
l’expérience du Soi à partir du moi.


Ne pensez pas que je divague et vous entraîne loin du druidisme et du druidisme contemporain. Au contraire, je vous y ramène par la voie que les archéologues qui travaillent le sujet ont nommé : « Entrer dans l’immobilité ».


De quel sujet s’agit-il ? De celui des corps trouvés ensevelis pendant la période de la Tène, assis pour l’éternité en position du lotus comme les sont de nombreuses divinités celtiques dont la plus connue est Cernunnos.


Il nous faut là aussi nous affranchir de l’idée reçu que la méditation et la posture dite du lotus sont uniquement orientales et bouddhistes.


Statue celto-gauloise du 5 ème siècle avant JC, on remarque l'armure linothorax, comme les grecs, mais avec une dossière surdimensionnée ! Cette dossière semble être la caractéristique de cette variation de protection chez les Celtes. Voir reconstitution en cuir à droite.


Je ne peux que vous citer in extenso, cet extrait du travail de Valérie Delattre et Laure Pecqueur, publié en 2017 au CNRS – collection Gallia archéologie des Gaules :

« Entrer dans l’immobilité : les défunts en position assise du second âge du Fer »

 

« Cette posture, la même que celle adoptée par Cernunnos, peut indiquer une origine pré-celtique voire pré-indo-européenne dont on a même voulu voir un ancêtre lointain et
commun dans la représentation du dieu à cornes assis en tailleur et également entouré d’animaux du sceau de Mohenjo Daro. Cette lointaine parenté ouvre dès lors
l’investigation et la recherche de ces personnages qui, ailleurs, et même de façon très lointaine, par leur agencement volontaire qui semble incarner le divin, expriment une sorte de méditation éternelle.


De la maîtrise bouddhiste du corps aux « Temple Boys » hellénistiques en passant par les assis celtiques : une posture universelle.


Cette posture signifiante n’est pas le seul fait de la spiritualité celtique, telle qu’envisagée, ou plus largement antique. Anciennement déployée, elle se retrouve ailleurs dans le monde, notamment au cœur de la philosophie bouddhiste : elle y est la posture de méditation par
excellence, adoptant nombre de variantes d’agencement, mais traduisant immanquablement la relation au divin…  

On ne peut que souligner la similitude de posture contrainte et forcément anticipée, car non naturelle dans des contextes chronologiques et spirituels très différents. On le constate aisément, cette posture riche de significations, plutôt universelle, qu’elle soit appliquée sur le vivant ou figurée, tutoie le divin et la proximité de l’éternité consentie : elle est très semblable à celle adoptée par quelques sujets
laténiens exprimant cette même intention spirituelle, figée à jamais, quand bien même on
ignorerait tout, pour eux, de cette « mise en position » éventuelle ante mortem.


Bien sûr, aucun syncrétisme ni systématicité ne saurait être déduit des similitudes troublantes et éloignées observées entre ces sujets assis et leurs échos lisibles dans l’expression de la spiritualité bouddhique. Toutefois, il n’est pas déraisonnable d’affirmer
que cette posture, aussi répétitive que codifiée, qui s’exprime via l’humain comme par ses
représentations (sur tous supports) est puissamment signifiante et qu’elle traduit le sacré.


L’homme sanctifié. Celui que son éducation et son parcours de vie ont rapproché des dieux avec lesquels il est en lien direct. Cette posture relève de l’universel et elle transcende les liturgies communautaires. Si elle est aisément comprise pour les « officiants » de la sphère bouddhiste, qu’ils soient moines avérés ou en devenir, elle semble de lecture plus ténue
pour le monde celte.


On peut toutefois, sans s’égarer à l’outrance, proposer que ces hommes inhumés assis, sans ostentation et sans mobilier d’accompagnement, figés à jamais dans la posture sacrée par excellence, relèvent d’une population resserrée, sélectionnée, dont tout ou partie de la vie était associée au divin.

Des garants de l’accomplissement de la spiritualité en vigueur. S’il est prématuré d’y voir les représentants du sacerdoce celtique – le terme « druide » est d’usage délicat – l’histoire de cette position, la codification précise qu’elle exprime, isole sans aucun doute ces hommes du commun des mortels dont ils sont éloignés tant géographiquement que symboliquement. Et qui doivent le demeurer dans la mort,
immobiles, et assis à jamais. »

 

 

 

A partir de là, comme le disait Dumézil, il nous faut savoir préciser comment, depuis plus de 2000 ans, ce que nous avons reconnu comme héritage celtique et druidique a pourtant été retouché et développé parfois ; desséché d’autre fois ; éclairé ou pénétré autrement par un nouvel esprit ; ou encore associé ou incorporé à d’autres systèmes de représentations ou d’institutions. Il nous faudra déterminer aussi, quand c’est possible, les facteurs de ces évolutions précoces ou tardives.


Car, comment peut-on se dire druide, barde ou ovate si l’on ne sait pas d’où l’on vient ni à quelle tradition l’on se rattache ? Plus simplement dit : comment peut-on se dire druide, barde ou ovate si l’on ne connaît pas les grandes lignes de l’histoire et de la géographie des Indo- européens ; si l’on ne connaît pas les grandes lignes de l’histoire et de la géographie des Celtes et de leur religion ?


Car, comment peut-on se dire druide, barde ou ovate si on ne connaît pas les grandes lignes de la doctrine des druides et si on n’est pas habité de la soif d’en apprendre davantage afin de mieux manifester et incarner cette doctrine dans nos vies quotidiennes ?


6) LES TRESORS DES CELTES : UN SINGULIER PLURIEL


Si, dans un zoom qui part de la civilisation des Tourganes, dans la zone circumpolaire au Nord de la Mer Noire, il y a environ 7.500 ans ; qui se déploie de la vallée de l’Indus aux confins de l’Ecosse et donne naissance à la civilisation indo-européenne et qui aujourd’hui vit encore dans ses deux extrémités que sont l’Inde des Brahmanes et les pays celtiques des Druides ; nous aurons accompli un voyage dans le temps et dans l’espace qui nous concerne directement, ici en Bretagne.

 

 

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Quels sont ces trésors :


A- Nos langues celtiques toujours vivantes, à savoir la branche gaélique (irlandais, gaélique écossais et mannois) et la branche britonnique (gallois, cornique et breton). Voilà pourquoi la langue gauloise morte depuis plus de 1500 ans et reconstituée, n’a pas sa place ici pour les rituels druidiques.

En effet, ces rites existent en breton, langue seule langue celtique continentale vivante et dynamique, mais classée en grand danger de disparition par l’UNESCO en raison des politiques linguicides de l’Etat français.


B- Nos cultures celtiques ancrées dans la « tradi-modernité », et je pense aux costumes traditionnels, aux danses et aux musiques ; mais aussi à une manière singulière d’habiter le
monde. Celle-ci se distingue dans la convivialité, l’ouverture, l’hospitalité, le sens de la fête, la confiance ; mais aussi une grande sensibilité qui sera le terreau de la mélancolie, des
addictions, des suicides ; mais encore dans un rapport particulier à la mort, un rapport spécifique au divin et à la nature.

 

Quelques exemplaires anciens de la revue interne de formation et d’information de la Gorsedd des druides,
bardes et ovates de Bretagne. Revue de liaison bilingue breton – français, les articles n’étant pas des traductions d’une langue vers l’autre.


Ce n’est pas sans raison que les premières associations
environnementalistes de l’Hexagone sont née en Bretagne.

L’histoire retiendra qu’en1898, des instituteurs fondent une première « ligue pour la protection des oiseaux », partant du principe que les oiseaux protègent les cultures des insectes.

 

 

Puis, en 1908, Albert Chappellier, pendant un voyage dans l’archipel des Sept-Îles, constate le mauvais état de la colonie de macareux moines. En 1912, le lieutenant Hémery dénonce le massacre des macareux moines par les chasseurs sur les côtes nord de la Bretagne, la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest y organisant notamment des safaris… 1912 sera l’année de naissance de la LPO et de la première réserve ornithologique de France pour protéger les macareux des Sept-Îles.


L’histoire retiendra aussi qu’en 1969, des pêcheurs inquiets de la disparition du saumon dans les eaux bretonnes, créent l'APPSB, association pour la protection et la production du saumon en Bretagne, qui deviendra Eau et Rivières de Bretagne, Dour ha Stêrioù Breizh. Association fondatrice de la Fédération Bretagne nature environnement (FBNE), elle-même membre de France nature environnement (FNE).

 

 

 

C- Enfin, le singulier-pluriel du druidisme contemporain que je propose d’aborder plus précisément maintenant car c’est la raison d’être de notre présence à ces Assises de la Druidité.


7) LE DRUIDISME CONTEMPORAIN, ENTRE
ÉMANCIPATION ET LIBÉRATION


Une rude épreuve du druidisme contemporain est de s’affranchir des concepts empruntés à d’autres registres et domaines. Bien sûr je pense aux références anciennes du monde classique, à celles des Romains et des chrétiens dans lesquelles nous trempons depuis des siècles ; mais aussi aux références d’aujourd’hui. Il nous faut là aussi nous affranchir des phénomènes New-âge, néo-chamaniques (très à la mode) voire chamano-druidiques (digne d’une invention en éprouvette) ; et autres fourre-tout mystico-gélatineux surfant sur l’appropriation culturelle, et qui se sont glissés dans le gant du mercantilisme, consumérisme et de l’individualisme.


Une autre épreuve qui nous incombe, est dans un premier temps d’inspecter un imaginaire gavé de mythologies et de représentations exogènes. Puis, dans un second temps, de nous libérer de cette emprise mentale et psychique de représentations du monde qui n’ont rien de celtique et encore moins de druidique.


Ainsi, par exemple, comment nous situons nous par rapport à cette idée de la proximité des druides et de la nature, faisant du druidisme une religion ou une philosophie naturaliste ?

Ce qui m’amène à évoquer ce concept de « nature » qui devient un sacré fourre-tout lui aussi.
Car nous avons perdu, nous avons oublié cette relation de respect et de responsabilité première que les Occidentaux qualifient facilement et avec condescendance d’archaïque.


Concernant la nature et notre vie dans et avec la nature, Mircea Eliade, encore lui, disait ceci :


« Notons pourtant que ce serait une erreur de croire que l’homme religieux des sociétés primitives et archaïques refuse d’assumer la responsabilité d’une existence authentique. Au contraire, nous l’avons vu et nous y reviendrons, il assume courageusement d’énormes responsabilités : par exemple, celle de collaborer à la création du Cosmos, de créer son propre monde, d’assurer la vie des plantes et des animaux, etc. Mais il s’agit d’une responsabilité sur le plan cosmique, à la différence des responsabilités d’ordre moral, social ou historique, seules connues des civilisations modernes. Dans la perspective de l’existence profane, l’homme ne se reconnaît de responsabilité qu’envers soi-même et envers la société.
[…] Mais, existentiellement, le « primitif » se situe toujours dans un contexte cosmique.


Son expérience personnelle ne manque ni d’authenticité, ni de profondeur, mais s’exprime dans un langage qui ne nous est pas familier, tant elle semble aux yeux des modernes inauthentique ou enfantine. »

 

Nous Celtes, nous sommes encore regardés comme des ploucs (des arriérés et des primitifs), mais, avons gardé le goût et la saveur de cette relation à la nature , au vivant et aux étoiles ; et nous avons gardé la notion de cette intégration dans un monde d’interdépendance, de responsabilité, de générosité et de partage.


Quelques livres nécessaires à toute bibliothèque celtico-druidique.

 

 

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Nature, naturalisme et druidisme ?


Majoritairement, les clairières, bosquets ou assemblées druidiques se revendiquent naturalistes. Voire, dans une confusion du vocabulaire qui prête à sourire, certains se
revendiquent « naturistes »…


Aujourd’hui après la grande mode du chamanisme, vient la vague des livres, stages et autres découvertes des plantes sauvages culinaires, médicinales, tinctoriales, etc…

 

Globalement, jusqu’à très récemment, ce registre était celui des savoirs et traditions populaires transmis depuis des millénaires. Les urbains et néo-ruraux veulent retrouver ces racines oubliées et c’est très bien. Au détail près qu’un tobogan idéologique et souvent mercantile, amène ces
traditions populaires à un autre niveau. Tout devient druidique : connaissance des plantes, cueillettes, préparations, usages, etc… Alors que la science des plantes, dans la médecine celtique, relèverait aujourd’hui de pharmacopée de la naturopathie ; et que tous les peuples
traditionnels ont constitué la leur à partir de ce que la nature offrait sur place.


Se dire naturalistes, oui ; mais rares sont les explications qui vont au-delà de dire : « vivre selon une philosophie de la nature », ou « vivre dans une proximité avec la nature »,
« ritualiser dans la nature » mais sans expliciter ce que cela veut dire ; tout en sachant que les druides de l’antiquité célébraient dans des temples carrés dont les fouilles archéologiques ont révélé l’existence de plus de 800 sites à ce jour.

 

Nous avons vu tout à l’heure que nous avons oublié et que, pire, nous avons oublié que nous avons oublié. Nous avons oublié notre nature profonde et avons transformé la nature en construction mentale et sociale alors que la plupart des autres peuples du monde ignorent la distinction entre nature et culture et organisent différemment leurs relations avec les autres êtres vivants (végétaux et animaux) qui partagent la planète avec nous.


La question est autant spirituelle que politique : La protection de la nature est-elle le contrepoint à la dévastation du monde orchestré par l’Occident, le capitalisme et son
jumeau le consumérisme, par l’industrie qui prétend même gérer les déchets qu’elle a produit, contre monnaie sonnante et trébuchante bien sûr ?


Auquel cas, la protection d’un côté et la prédation de l’autre, sont deux facettes complémentaires dont la première donne un vernis de bonne conscience à la relation d’utilisation et de sujétion, au rapport des humains au monde dans lequel plantes, animaux, et aussi minéraux ont statut d’objets dont les humains peuvent disposer à leur guise, y compris
lorsqu’il est question de les protéger selon bien sûr des critères et modalités décidés par les humains…

Pensons aussi à l’utilisation des arbres en ville, disposés, séparés, taillés au sécateur de des représentations que se font surtout les urbains de l’écologie, de l’esthétique et du cadre de vie.

 

 

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Citation d’un auteur, Pêr-Jakez Hélias, qui a vécu la majeure partie de sa vie dans une Bretagne pas encore née au cauchemar de la modernité…


Honorer les dieux et ne pas faire le mal signifie alors penser à la Terre, à l'eau, aux plantes et aux animaux, à l’ensemble du vivant, qui vivent ici et qui ont le même droit que nous de s'y trouver et d’y vivre selon leurs règles et pas selon celles que nous leur imposons, y compris dans notre volonté de les protéger.


Que pourrions entendre par l’« écologie spirituelle » qui serait l’expression de cette philosophie de la nature ou naturaliste dont beaucoup parmi nous se revendiquent ?


D’une part que la nature qui nous entoure et nous constitue, des étoiles du firmament à la matière organique sous nos pieds, est d’essence spirituelle (soit de l’Esprit manifesté dans la matière), et d’autre part que le seul remède à la situation écologique planétaire préoccupante et catastrophique de ces XXème et XXIème siècles ; est de développer un autre mode de
connaissance permettant à l’être humain de poursuivre son évolution.


Comment ? En se dégageant d’une pensée abstraite, technicienne, pour atteindre une nouvelle conscience permettant à l’humanité de penser et de guérir le vivant par le vivant, de comprendre de manière concrète qu’elle fait partie intégrante de la nature et que cette nature est à la fois esprit et matière.
Le développement de cette nouvelle conscience nécessite un travail intérieur.

 

De la même manière que pollution psychique ou mentale et pollution de l’environnement vont de pair, méditation et médication, travail sur soi et guérison de la nature vont de concert.
Nous avons oublié et, pire, nous avons oublié que nous avons oublié, d'où la nécessité de se souvenir comme le dit la Triade XIX :


« Trois conditions nécessaires pour atteindre à la plénitude de la connaissance :


1) Parcourir l'Abred (équivalent du Samsara où nous errons dans la confusion et les souffrances ; tant que nous sommes identifiés au moi, à la personna )


2) Traverser le Gwynfyd (le monde blanc/pur supérieur)


3) Et, se souvenir de l'intégralité jusque dans Annwn (le monde obscur des commencements ET, la mort dans sa dimension inférieure : la mort symbolique de l'âme) »


Autrement dit, cette Triade nous dit que la plénitude est la Connaissance par le Souvenir car, sans la connaissance des états passés (rien à voir avec les régressions de curiosité égotiques dans les vies antérieures : il est question ici d'états antérieurs), la mort serait une annihilation absolue et non un changement de mode d'existence et d'être. Parvenu à l'état de surhumanité, ou état supérieur que tout être humain est appelé à atteindre ; alors nous recouvrons la parfaite totalité de tous ses modes d'existences et d'être précédents.


La plénitude est le plein qui englobe la totalité ombre/lumière que la représentation dynamique du yin-yang rend bien.

Refuser d'aller voir, d'accepter et d'intégrer son ombre c'est être incomplet. Le jour naît de la nuit, la lumière est née de l’obscurité. Il nous faut là aussi nous libérer de cette aliénation religieuse qui rejette l’ombre au lieu de l’intégrer pour faire des êtres humains que nous sommes des êtres complets.


Ceci se trouve exprimé aussi dans les aphorismes du Catug Ddoeth recueillis par Iolo
Morgannwg :


« Nid call ond a welo’i hun yn fôl,
Nid adnabyddus ond a adnebydd ei hun,
Nid cadarn ond a vo drec’h no’I hunan. »


Soit en français :
« Il n’y a de sage que celui qui voit sa folie,
Il n’y a d’apte à connaître que celui qui se connaît lui-même,
Il n’ a de fort que celui qui se vainc lui-même. » 

 

  
Druidisme contemporain : Forme de bardisme ? Religion ?
Polythéisme ? Spiritualité ? Philosophie ? Sagesse ?


Au cours du XXème siècle, la Gorsedd de Bretagne, qui fut la première assemblée bardique et druidique créée sur le continent européen, a essaimé autour d'elle. Nés de divergences et de visions du monde différentes à partir d’une même doctrine, de nombreux groupes druidiques sont apparus, chacun avec ses spécificités, mais avec en commun une volonté d'évolution spirituelle fondée sur des références cosmogoniques, littéraires et mythologiques ; et sur la mise en place de rituels.


Le site druidisme.eu (https://www.druidisme.eu/) de Uindocaruos est très bien construit et apporte des réponses claires aux simples curieux comme aux chercheurs engagés sur cette voie, ainsi qu’une bibliographie basique.
Des penseurs ont cherché à élever la spiritualité celtique contemporaine à un niveau supérieur. Au XXè siècle, citons :


- Yves Berthou, est cofondateur de la Gorsedd de Bretagne en 1900, aux côtés de Jean Le Fustec (premier Grand-druide de la Gorsedd sous le nom de Lemenik) et de Taldir Jaffrennou (troisième Grand-druide de la Gorsedd sous le nom de Taldir), adoptant le nom bardique d’Alc’houeder Treger (« Alouette du Trégor »). Yves Berthou est nommé grand-druide en remplacement de Le Fustec en 1904, sour le nom de Kaledvoulc’h, nom breton d’Excalibur, l’épée d’Arthur. Nous lui devons notamment « Dindan derv an drouzed - Sous le chêne des druides » : un résumé commenté de la doctrine druidique, fondé sur les Triades et le Barddas, d'abord rédigé en breton (traduit du gallois).


- Gwenc'hlan Le Scouëzec, cinquième Grand-druide de la Gorsedd, fondateur d’un groupe conjuguant pensée maçonnique et philosophie druidique (Les Forestiers
d’Avallon), sacerdote de l’Ordre monastique d’Avallon et auteur prolifique : nous lui devons plus d’une vingtaine de titres d’ouvrages sans compter ses articles et contributions autour de la question du druidisme en tant que spiritualité celtique.


- Michel Raoult, druide à la Gorsedd de Bretagne certes, mais aussi druide à laUniversal Druid Order d'Angleterre, métropolite et évêque de l’Église celtique armoricaine sous le nom de Iltud, ayant reçu la reconnaissance canonique du Patriarche Mar Georgius de Glastonbury ; représentant des groupes druidiques bretons et gaulois au Conseil Britannique des Ordres Druidiques, et il est membre de la Pagan
Federation, etc… Nous lui devons la thèse de doctorat en maçonnologie : « Les druides et les sociétés initiatiques contemporaines » qui reste une base sérieuse pour tout chercheur sérieux…


- Coarer Kalondan, estimant que la Gorsedd de Bretagne dont il est membre, ne se préoccupe pas assez de philosophie druidique, il quitte cette dernière et fonde en 1975 la Confraternité philosophique des druides et rejoindra la Kredenn Keltiek (Croyance Celtique). Nous lui devons une dizaine d’ouvrages et des articles. Soulignons qu’en
novembre 2001 le Uerdruis Gobannogenos (Alain Le Goff), de la Kredenn Geltiek Hollvedel, était invité, en tant que délégué du druidisme, au World Congress for the
Preservation of Religious diversity (« Congrès mondial pour la préservation de la diversité religieuse »), à New-Delhi, par les plus hautes instances de l'hindouisme et personnellement par le Swami Dayananda Saraswati.

La Kredenn Keltiek fait partie de la Confédération des religions natives et du Congrès mondial des religions ethniques (World Congress ofnati Ethnic Religions)…           Son fils Morvan Koarer est lui aussi druide et auteur.


- Yann Brekilien, est lui aussi druide à la Gorsedd de Bretagne qu’il quittera pour des raisons de désaccord idéologique après l’orientation ésotérique prise par Gwenc’hlan Le Scouézec. Il dira : « Je suis barde et je me situe dans la tradition galloise où le Gorsedd est un organisme culturel, n’étant pas intéressé par les conceptions ésotériques du druidisme que certains ont pu développer.    Je pense que le Gorsedd doit être un fédérateur, un lieu de rencontre pour le mouvement breton et ne dois pas hésiter à prendre position sur des questions de société. Cela a été historiquement sa vocation depuis l’origine. » Nous devons une trentaine d’ouvrages sur la Bretagne, le celtisme et le druidisme à Yann Brékilien.


- Philéas Lebesgue fut l’initiateur de Paul Bouchet. Il était à la fois poète, paysan, polyglotte (il connaissait une vingtaine de langues dont le serbo-croate, le sanscrit et le breton), épistolier et écrivain de renommée nationale. En 1892, il reçoit le second prix de poésie de langue bretonne au concours de la revue L'Hermine et devient barde breton.

 

Le 10 septembre 1928, sur le dolmen de la Table des Marchands de Locmariaquer, il est proclamé druide d'honneur du Gorsedd des bardes de Bretagne en présence de ses amis grands druides et également poètes, Yves Berthou et François Jaffrennou, devant deux mille spectateurs. En 1933, après intronisation officielle au pays de Galles, sous le nom de /|\ AB GWENC’HLAN (fils de Gwenc’hlan), il accepte d'être le « Grand Druide des  Gaules », autorité spirituelle du Collège bardique des Gaules qui cesse définitivement ses activités en 1939 en raison de la guerre.
Auteur prolifique, voici ce qu’il nous disait concernant les collèges druidiques et le lien à la Terre-mère, et je fais miens ses propos plus que jamais d’actualité :


« L’on ne saurait perdre contact avec la Terre-mère. Un Collège doit œuvrer en conformité avec les traditions les plus anciennes de la terre, avec les fondations les plus solidement
ancrées. Il faut revenir aux harmonies naturelles et savoir les discerner en pensant juste, autant avec le cœur qu’avec le cerveau. Il faut que le tréfonds de la conscience des Gaules
se réveille sans tarder. Je n’ai point cessé d’appartenir à la fois à la terre et à l’art du verbe.


J’ai passé ma vie à interroger le sol des Gaules et à le célébrer tout en gardant les yeux ouverts vers les étoiles du ciel, nos guides et nos inspiratrices.


Le Collège s’efforcera d’élever sa pensée vers le véritable « Roi Arthur » qui est le roi de l’Ourse, le Roi du Nord. Ainsi sera décliné la foi en l’universalité de l’idéal celtique en tout
sol où la puissance de l’esprit celte n’est pas moins importante que la puissance du sang.


Rien de profond ni de vital ne peut être créé si la sensibilité, dans toute sa fraîcheur d’instinct, n’entre en jeu pour livrer passage, au sein de la méditation désintéressée, à l’intuition spirituelle, à l’écart de toute idéologie. La raison pratique tue tout ce qu’elle touche parce qu’elle divise. Le mystère sacré de la vie la dépasse.


L’art vrai est fait d’amour et dans l’amour réside le secret de comprendre.


Nos difficultés actuelles viennent du fait qu’il n’y a plus de Centre à nos gravitations humaines. Ce centre, ce COEUR, doit être à tout prix recréé. Si l’Orient rêve d’absorption
dans la grande âme, le Celte recherche, lui, l’excellence de l’Être et de sa personnalité.


Nous plaçons le mérite dans le choix. Retournons donc vers les symboles de l’Occident, vers ses livres de haute science, dont l’obscurité n’est peut-être pas aussi impénétrable
qu’on veut le prétendre. La poésie doit être la médiatrice idéale entre la religion et la science. Organisons le monde moral à l’aide des puissances spirituelles en action dans le
cosmos « humain ». Soyons poète au plein sens du terme, travaillons en toute pureté de cœur à l’annonciation future de l’Esprit créateur.


Autant de noms qui montrent la diversité et la vitalité de ce mouvement, qui a su se renouveler au fil des décennies et des dissidences. Aujourd’hui les ouvrages publiés sur le thème de la tradition celtique et du monde indo-européen sont globalement ceux d’universitaires et de chercheurs. »


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Aujourd’hui, la plus ancienne des organisations, la Gorsedd de Bretagne, met en avant sa filiation avec la Gorsedd-mère du pays de Galles qui est essentiellement culturelle et
imprégnée d’anglicanisme. Si dans ses statuts, la Gorsedd de Bretagne affirme laisser une totale liberté de conscience à ses membres ; ceci est confronté à la réalité contradictoire des
nombreuses dissidences et exclusions.

Beaucoup de groupes druidiques qui se sont développés en marge de la Gorsedd, en sont issus pour la plupart, nés de dissensions idéologiques. En effet, il est difficile car exigeant, de définir clairement ce que l’on est et ce que l’on n’est pas, et d’oser l’affirmer.


Beaucoup vont rejeter le terme de religion. Il est vrai que les « grandes religions », grandes par le nombre de leurs membres, leur déploiement planétaire et leur puissance économique et politique, se sont appropriées ce mot                 « religion ». Or, historiquement parlant, le druidisme est la religion des Celtes ; et en tant que druidesse, je me retrouve dans ce mot et je vous dis pourquoi.


Les druides de l’antiquité étaient considérés comme l’élite intellectuelle de leur époque.
Ils étaient les meilleurs car ils avaient pu suivre des transmissions uniquement orales qui duraient de vingt à trente années, et former cette aristocratie intellectuelle et religieuse (religion, pas tant au sens de systèmes institués de domination comme c’est aujourd’hui le cas, mais au sens étymologique qui est double, entre relegere/relire selon Cicéron (1er siècle avant JC) et religare/relier selon Servius (IVè siècle après JC).


C’est le linguiste Benvéniste qui en donne en 1969 la meilleure définition possible du mot religion qui convient au druidisme, dans « Le vocabulaire des institutions indo-européennes ».
Il y envisage, à partir de l’étymologie relegere/relire, la religion comme une démarche de recueillement et d’attention. La « relecture » est en ce sens une manière de recueillir par les yeux et une attention méticuleuse à tout ce que l’on fait. Ainsi donc, Cicéron, que je rejoins dans sa réflexion, emploie une série de termes précieux que sont l’intelligence, la diligence et l’élégance pour exprimer ce qu’est cette relecture.


La religion devient alors « un rapport réfléchi, prudent et raisonné au culte des dieux », soit une conception philosophique de la religion qui ne peut pas être envisagée à partir de l’idée de croyance.


Au contraire, il y a là l’idée d’une attitude de respect et de vénération opposée à la démesure ou à l’hubris. Loin d’une attitude dogmatique, il s’agit alors d’accomplir les rites et de mener sa vie selon ce que la tradition a établi et selon le bon ordre cosmique qu’il ne faut pas perturber.
Pas question ici d’un « Être suprême » dont les religions du Livre seraient les mandataires autorisés…


Il s’agit au contraire de reconnaître l’Awen, le Souffle présent en tout être, en toute chose et en toute action.


A partir de là, dans l’organisation tripartite et trifonctionnelles des sociétés celtiques, les fonctions sacerdotales, judiciaires, éducatives, diplomatiques et médicales étaient celles des druides. D’où ces longues études générales et de spécialisation, qui duraient de vingt à trente années. Basées sur de grandes capacités de mémorisation et de raisonnement, est-il utile de préciser que la sélection était sévère, tant à l’entrée dans ces écoles que tout au long de la
transmission uniquement orale…


Druidisme contemporain : la voie et les moyens


Par rapport à la prolifération de druides autoproclamés, je demande toujours à la personne qui se dit druide, barde ou ovate : qui l’a initiée, quand et à quelle occasion ; dans quelle filiation elle se situe et quels enseignements elle a reçu.


En effet, la plupart des clairières, bosquets ou assemblées druidiques actuels descendent directement de trois lignées nées en Grande-Bretagne :


- L'Ancient Druid Order plus connu sous le nom de Druid Order crée par John Toland en 1717
par le rassemblement de bosquets préexistants


- L'Ancient Order of Druids fondée par Henry Hurle en 1781


- La première Gorsedd Beirdd Ynis Prydain (Collège des Bardes de l'Île de Bretagne) fondée par Iolo Morganwg en 1792 mais qu'il disait pouvoir faire remonter par le biais du Bardisme Gallois au barde Trahearn Brydydd Mawr au XIIème siècle, voire à Geraint le barde bleu, au Xème siècle…


Aujourd’hui, la place, le rôle et les fonctions des druides ne sont plus les mêmes.
Le druidicat n’est plus une transmission qui commence dès l’enfance, mais le choix de personnes adultes qui ont déjà été éduquées, instruites et formées pendant plus ou moins longtemps, de la maternelle à l’université ou aux grandes écoles...

 

A partir du moment où naît ce qui est tout autant du registre du désir que du besoin intérieur, la personne qui ressent cette « démangeaison des ailes » si chère à Platon, va chercher et trouver, ou rencontrer au mieux une personne déjà druide, barde ou ovate dans une clairière druidique et pourra solliciter son entrée dans ladite clairière, que celle-ci soit connue ou pas, ait une existence légale ou pas. Sinon, cette personne passera par le canal d’Internet ettrouvera toute la panoplie des offres commerciales ou de structures druidiques organisées en maison-mère à succursales comme dans le monde des affaires ou celui des religions institutionnelles.


Et là, l’éventail est large depuis le « canal historique » de la Gorsedd des druides, bardes et ovates de Bretagne rattachées aux Gorsedd du pays de Galles et de Cornouailles, jusqu’aux clairières druidiques paganisantes, ésotériques, maçonniques, rituéliques, se réclamant du christianisme celtique.

Ou encore les clairières immergées dans le New-âge ou le pseudo-chamanisme ; mais encore un druidisme 2.0 avec des « écoles » druidiques par correspondance qui vendent des formations diplômantes de druide, etc…


Plus que jamais il faut être vigilant et faire preuve de discernement ! Dès 2012, une vingtaine de clairières druidiques adoptaient une charte éthique commune la
« Commardia », une réflexion partagée sur ce que le Druidisme pouvait apporter au XXIème siècle.

 

Là encore, nous trouvions l’ambition du druide Brandu : consolider, fédérer, respecter avant de passer à l’étape suivante : accueillir, transmettre, développer.


Brandu suggérait de :


1) Favoriser la reprise de conscience de l'homme comme faisant partie du tout :
- avec de l'empathie et l'amour de tout ce qui vit ;
- avec la recherche de l'axe et l'harmonisation ;
- dans une démarche philosophique, initiatique et spirituelle qui intègre les avancées de la science pour nous débarrasser de l'aliénation, du superstitieux et de la culpabilité.


2) Réactiver la connexion avec les énergies telluriques et cosmiques, donc tous les aspects du Divin, pour retrouver l'équilibre et permettre à chacun de reprendre contact avec la Réalité.


3) Inciter à la pratique des Arts traditionnels pour transcender les frontières du monde matériel.

 

Construire soi-même sa propre démarche spirituelle, aller au bout des choses pour cheminer vraiment : s'engager.

 


Pour conclure, je partage avec vous les propos du druide Michel Raoult, Drouiz An Habask, l’un de mes parrains druidiques, propos en juin 1992, il y a un siècle celtique :


« Si les nouveaux druides veulent que leur renouveau ait un sens, conscients et forts des erreurs passées, ils se doivent de réactualiser leurs connaissances et leurs techniques, sans plus vouloir les conserver jalousement pour leur seul profit, et qu’ils se mettent au service de leurs peuples.

 

Qu’ils soient ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : les conseillers qui voient au-delà haut et fort, et qui indiquent à tous et à toutes, la voie drue de la plus haute sagesse...                                                                                                          Qu’ils aident chacun et chacune à leur prise de conscience spirituelle, à entrer en contact avec la partie la plus haute de leur être, sans vouloir avoir ou conserver l’emprise du pouvoir sur les êtres, mais au contraire pour les libérer et les rendre tous et toutes responsables de leur destin. »

 

 

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25/04/2024