Les dits du corbeau noir

LES MONNAIES GAULOISES J L BRUNAUX (EXTRAITS) 03/MARS 2013

L’ARCHEOLOGUE  Février Mars 2013  Un art gaulois dans la monnaie
Article de Jean Louis BRUNAUX  (extraits)

Voici une étude très argumentée qui met en avant les lignes de force d’une pensée celtique qui trouve là une terrain d’excellence pour son expression sacrée et hautement spirituelle…                 Cette expression dépasse en effet le simple aspect fonctionnel et utilitaire pour accompagner cette « matérialité » avec la dimension qui la sous tend ; dimension qui relève d’un Anima, d’un Principe et d’une Essence….

Mais laissons l’auteur s’exprimer lui-même :

« … Nous sommes ici devant l’œuvre d’artisans d’excellence, une œuvre marquée d’une impression d’unicité. La part de hasard en ces créations est bien faible. C’est un art qui trouvera des échos dans le cubisme et le surréalisme…

La beauté grecque expose une forme de carcan qui masque plus qu’elle ne relève la vérité la plus profonde…

La dislocation de la forme ouvre à une autre vision. La figuration gauloise est avant tout une défiguration, comme si briser l’image permettait de voir ce qu’elle dissimule tout en feignant de la représenter…

A Malraux, en parlant des monnaies armoricaines, disait « qu’elles semblent vouloir détruire la figuration de cohésion de modèles classiques au bénéfice d’une autre cohésion… C’est une recréation… »

Georges Bataille évoquait lui « une extravagance positive » (Au sens d’une frénésie de formes transgressant les règles.)

Il s’agit de toucher à l’essentiel comme l’exprimera André Breton à propos de l’Art Gaulois… Il disait à ce propos que « les monnayeurs ayant trouvé une bonne fois ce qui leur est nécessaire (dans le statère macédonien) n’aient plus éprouvé le besoin de regarder ailleurs, sinon en eux, bref qu’ils aient découverts en elle ce qu’est « la matière première » pour l’alchimie… »

Pour les concepteurs et penseurs de ces monnaies, défigurer c’est décomposer soit une façon d’analyser la forme et de la distribuer en autant de composantes qu’elle contient… le monnayeur analyse ce qui lui est donné de voir et le transforme en une autre matière visuelle…  

L’artiste-artisan travaille lors sur des éléments premiers sur des pièces qu’il peut agencer à sa convenance… Chaque détail vaut pour lui-même… C’est notre cerveau qui complète l’image automatiquement. La figure comme le thème en musique engendre ses propres ornements… l’artiste sort, déborde le cadre stricte et conventionnel, décentre l’image…

Il exprime une figure conçue pour n’être qu’un fragment d’une image beaucoup plus vaste et qui ne pouvait s’exprimer que mentalement…  Le résultat : nous étonner, nous interroger et laisser finalement cours à notre propre imagination…

La représentation ne se limite pas à ce qui est visible. L’Œuvre d’art se prolonge autour d’elle, objets, animaux et probablement nous-mêmes ne sommes que la partie d’un tout dans l’univers incommensurable…

La monnaie nous invite à explorer ce qui se trouve autour de l’image et hors d’elle…

Certains artistes gaulois ne figurent que des parties laissant le reste dans l’invisible. Autant dire qu’ils demandaient aux spectateurs de leur œuvre un effort mental plus important encore…

Ce sont là de véritables réflexions menées sur le processus de la représentation…
Celui qui a créé le dessin de telles images ne pouvait agir qu’en pleine conscience.                         A coup sûr il était un visionnaire…

Il développait des conceptions esthétiques et originales qui prenaient place dans un ensemble d’idées touchant tous les domaines de la pensée…

Sa pensée était trop subtile pour se traduire en signes compréhensifs par tous et à l’aide d’une quelconque clé…

Celui qui grava eu souci d’échapper aux pièges du réalisme… Il fallait tenter de fixer ce qui habituellement ne se représente pas…
Il fallait aussi évoquer l’invisible, l’intérieur des choses et des êtres et l’inaccessible  univers cosmique… Il y a là une abstraction sans que l’on puisse parler d’art abstrait.
(Ce n’est en effet et jamais une pure abstraction.)

Les monnaies gauloises sont le contraire des icônes présentant un dieu en contant le mythe. Au lieu de figurer, elles défigurent. Le domaine de l’imaginaire est plus vaste que le monde réel… L’artiste peut s’autoriser toutes les licences…

Les contraintes « spirituelles »  de l’artiste disparaîtront avec la romanisation.

Il est tentant de reconnaître derrière cette « formation » artistique, des druides ; ces savants philosophes et théologiens et experts de toutes les formes de connaissance.
Des druides soit des  intellectuels hors pairs, des philosophes, des théologiens versés dans la métaphysique et tentant de représenter l’invisible… Qui d’autre que cette autorité spirituelle supérieure, que des sages détachés de toutes contraintes matérielles et seulement préoccupés de considérations hautement spéculatives aurait pu être les vrais artisans de telles œuvres ?…

Les druides devaient être aussi divers que leurs recherches étaient variées. Pourquoi n’y aurait-il pas eu parmi eux des spécialistes du fusain, de la gravure et du modelage ?
Un tel artiste ( un maître selon A Malraux) était, quoi qu’il en soit, un homme hors du commun…   

Un véritable pouvoir émetteur sollicitait le créateur et la commande… La monnaie émanait donc d’un pouvoir est le plus grand pouvoir ne pouvait être qu’une corrélation du pouvoir spirituel… On pense ici à un accord entre le politique et l’intellectuel des commanditaires… (André Breton suggérait une « autorité puissante » qui faute de mieux doit être qualifiée de spirituelle.)

« Les monnaies gauloises sont les plus anciennes créations artistiques qui, dans l’état actuel des recherches protohistoriques, fassent ressentir l’unité de l’art de la Gaule et de ses diversités régionales. »   André VARAGNAC

Pour Strabon, les druides de la Gaule et du Sud de l’Angleterre, sont considérés comme les hommes les plus justes. Les monnaies reflètent leur influence dans l’art et ses réalisations matérielles…

L’artiste gaulois à une méfiance dans l’harmonie des formes humaines et animales et figure l’invisible…  »

« L’artiste gaulois fait subir au modèle après copie, une déformation enfin une métamorphose en une recomposition originale et créatrice… L’art gaulois interprète une réalité pour n’en livrer que les points essentiels. Il élabore ses propres concepts… »
La Monnaie gauloise  Georges DEPEYROT  Ed Archéologie nouvelle.

C’est au spectateur qu’il appartient donc de poursuivre le travail esquissé de la représentation…
Il en est de la monnaie gauloise comme des autres productions artistiques ( bijoux, céramiques…) C’est le même discours qui s’y dit et le même dialogue qui se noue avec celui qui regarde. »

Commentaires              Bran du

Ce qui se donne à voir du monnayage gaulois se fait tout aussi et singulièrement entendre et comprendre… Ce que l’on peut retenir des réflexions et observations de l’auteur de cet article c’est le sentiment d’unicité qui se dégage de l’ensemble de la production artistique gauloise qui, au-delà d’une diversité de formes, de traitements traduit et exprime des mêmes conceptions….

Les contraintes exercées sur l’artiste, l’artisan, le monnayeur sont de nature spirituelle et il ne saurait ici en être autrement car il y a consentement à cela sans pour autant que s’exerce une quelconque brimade par rapport aux libertés d’agencement, de licence, que s’accordent celui ou celle qui mettent en « forme »…

Il y a respect d’un « code » plus ou moins « abstrait » qui régit une sorte de confrérie d’initiés soudés entre eux par un fond qui préside à toute forme et qui demeure fidèle à celui-ci y compris dans le florilège d’expressions qui en ressortira selon l‘inspiration et le talent des artistes artisans…

Comme tout art celtique et véritable le monnayeur gaulois fait remonter à la surface visible des choses cette part d’invisibilité qui donne profondeur, fondement et élévation à chaque œuvre réalisée…

Afin de représenter le Tout, avec subtilité et maîtrise, sans aucune « caricature », et sans « abstraction purement gratuite » le monnayeur opère des fragmentations, des décompositions, des défigurations et déstructurations, afin de faire ressortir l’architecture intime et reliée des lignes de forces et des axes majeurs qui constituent l’œuvre réalisée…

Chaque partie de l’ensemble est bien ambassadrice d’un Tout et issue de Celui-ci… Dans l’inertie apparente des formes judicieusement assemblées l’artiste nous donne à voir, percevoir, pressentir, visualiser, imaginer le « sang » qui parcoure et anime l’œuvre elle-même…

L’artiste ébauche, esquisse, en des traits essentiels ce que nous aurons nous-mêmes à achever pour saisir la finalité de l’oeuvre contemplée et analysée par tous nos sens convoqués aux noces de l’Essence !…

L’Œuvre aussi humble et modeste soit-elle nous donne à comprendre sa « grandeur », à comprendre que nous sommes nous-mêmes une « oeuvre » en quelques points semblables, une manifestation microscopique d’un univers macroscopique…

Ce qui vaut pour l’infini du ciel à ses équivalences en l’intérieur de nous-mêmes et de ce fait nous autorise, ici-bas, à représenter, à animer, à donner à voir, à entendre et comprendre nous aussi les forces, énergies et lumières cosmiques présentes en toute Œuvre créée…

Parce que l’œuvre est hautement, fondamentalement et lumineusement « pensée » elle donne respiration à l’Esprit qui l’anime, à l’éveil, à la compréhension qu’elle insuffle à son tour…

Conçue spirituellement elle enfante la représentation de sa propre genèse formelle…           Chaque Œuvre est ainsi une véritable Création issue, émergée, jaillit d’un chaos initial et des ténèbres de l’Origine… C’est un acte de naissance spirituelle appelée à croître et à rayonner dans une enveloppe de lumière !…

L’Esprit émanée de la pensée initiale pénètre la Matière, s’incorpore à elle, l’épouse, la pénètre et la féconde…. Des ondes et des vibrations en naissent agencées, ordonnées, reliées entre elles qui sont en mesure de circuler en toute chose et de la terre au ciel ou du ciel à la terre, mais aussi entre notre intelligence et nos émotions sensibles et subtiles…

Chaque naissance produit une nouvelle naissance, chaque « remise au monde » un nouvel enfantement…

Combien l’auteur à raison d’insister ici sur la source native de toute création artistique gauloise ; une source qui est la limpidité, la clarté, la transparence même… Une source entourée des 9 coudriers de la sagesse et de la connaissance où s’abreuvent depuis toujours les saumons que nous sommes…

Un bassin qui est la Matrice de toute matrice, sur lequel vielle la Forme Mère, l’Onde-Mère, la Vibration première et originelle…

C’est l’Embryon d’or qu’entoure le serpent de la pensée, celui qui nous fait éclore au printemps de la vie !



27/02/2013
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