Les dits du corbeau noir

Les Neuf Gardiens Bardi Bran du 2005

Les Neuf Gardiens                           Bran du       2005

 

Il est un Roi en la forêt ;

Chaque feuille est son sujet

Et digne et noble,

L’enrobée de ses paroles

 

 

Je sais les neuf gardiens ;                                                           “Que tu sois toi-même, un

Les grands vigilants...                                                                     arbre à une seule souche...”

                                                                                                                                 (Le dialogue des Deux Sages)

Neuf cercles sur l’onde                                                                                                    

Quand tombe le fruit

Qui est lumière et son

S'écoulant à la ronde

S'offrant à profusion

Dans les débords du lit...

 

Par delà les grèves et les rivages,

Neuf sont les Cercles qui voyagent...

 

Point difficile est ce que je sais...

Tout regard se doit d'être attention...

 

Comme des frères, sont les coudriers et le saumon

Dans la transparence et le reflet de la Segais*...       

 

Que la parole du Sage soit aussi pure que la feuille du cresson ;

Que soit l’eau claire aux margelles de son poème ;

Qu’infini soit le chant de la vie qui s’écoule

Et celui du songe qui roule sur les pierres du Grand Âge...

 

Il est grand le “panier de poésie”,

Et grande, la corbeille abondante des saisons…

 

Il est l’ainé, l’aimable Docteur,

Qui siège parmi les chênes et le Nord est son trône...

Devant lui l’usurpateur se dépouille de sa robe

Comme l’hiver de ses feuilles à l’avancée des neiges et des noirs horizons...

 

Par trois brins de jonc,

Il dit le chant des gerbes, fait chanter le chaudron...

Il dit, de l’homme, la véritable moisson

Dans les vertes prairies où dansent les hautes herbes...

 

Blanche est la robe et d’or la baguette,

Mais nue, en vérité, la Vérité...

Il n’est de front brillant sans douces flammes au coeur...

 

Point de bourgeons à venir sur la branche de rancoeur...

Salive qui rumine distille du poison...

 

Il est Fils d’Alba celui-là qui a ceinture d’aubes et de crépuscules,

Qui fait danser le feu dans la paume du Jour,

Qui mène les mots aux sources qui abreuvent...

 

Au Nord est la forêt où bruissent les feuilles de son savoir...

Les saisons le pare de leurs plus beaux atours...

 

Comme le cap au bord de l’océan

Et comme la plus haute pierre où se pose l’horizon,

Grande est l’attention qui veille en silence.

 

Heureux est celui qui macère son gland,

Face au couchant où meurent les blancs chevaux...

 

Celui-là est bien Fils de la Mère ;

Dana lui concède un pli de son manteau

Fait de  ciel et de terre, je n’en dirais pas plus,

Mais les yeux ont vu et les oreilles entendu....

Aveugles et sourds sont les sots

qui se refusent aux chants rayonnants de la Lumière...

 

En lui est le séjour, en lui est la demeure où gîte la Polaire

D'un rêve au long parcours...

 

En ses yeux bleus, la pensée à des ailes qui brillent de mille écailles !...

 

Jadis,  j’ai jeté les bois aux tourbillons du monde

(Ce qui est proche s’éloigne, le distant rejoint le Centre)…

 

Flottent les pensées dans le temps et l’espace ;

Nul souci pour l’esprit,

Si l’on vide l’étang les carpes montent au ciel !...

 

La mort se noie, la vie surnage…

L’eau porte mémoire et achemine le devenir…

Les bois toujours à la surface des choses…

 

Graver les traits du monde qui se dit

Dans le cuir humide des aurores et sur la peau de la nuit…

Cela le buis, le houx, l’if, l’ogam le sait, et leur silence en pousse le cri…

 

Le poète aussi est de ce noble flot qui écume les songes,

Qui va, fort de sa force, entre les berges de l’ignorance….

Au choc des rochers, l’esprit à ses rebonds, mais poursuit son avance…

Toute rivière sait, de la berge, l'offrande qui, sur ses flancs, s'allonge...

 

Pervers est le courant où s’engouffrent l’orgueil et le mensonge...

 

Vague dans la vague, depuis la nuit des flots,

Ainsi va le saumon aux écailles de splendeur...

L’estuaire, de sa blancheur, couronne, du poème, chaque mot..

Il n'est de "ru" qui n'ait rendez-vous en l'océan du coeur...

 

Trépied sous le chaudron :

- Il nous faut naître enfin entre le feu et l’eau -…

Trois chaînes qui se conjoignent au ciel…

-Trois noces pour « l’Anneau »…

 

Un trèfle pense le monde :

Créer, aimer, connaître…

Ce sont les trois baguettes pleines de l’Olham* ;               

Que l’une vienne à manquer

Et bascule le chaudron...

 

Par la langue tourne le breuvage

Comme au rucher, les neuf abeilles….

Le poids sous leurs ailes

plus léger que la douleur qui étreint nos épaules…

 

La danse se tait quand souffle la tempête,

Plus sourd est l’orage qui crève les tympans du silence...

 

Neuf ils sont ; la vigilance même

Sans défaut est le fer de leur lance….

Leur science à rendez-vous d’anneaux...

 

Le mont hisse ses bruyères et ses ajoncs…

Il n’est que de suivre l’herbe en sa courbe et les nuages en leurs courses…

La poésie est un bâton

Qui fait sonner l’air et la chanson....

                                                                                  Bran Du 12 03 2005

 

Segais (Source mythique d’Irlande ceinturée des neufs coudriers de la sagesse)

Olham (Grade le plus élevé signifiant “docteur” chez les poètes)



09/07/2015