Les dits du corbeau noir

L'OEUVRE POETIQUE DE KENNETH WHITE (ANTHOLOGIE) EXTRAITS 2018 BRAN DU 28 08 AOUT

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Prairie Fleurie   Photo Bran du

 

 

 

Kenneth White Anthologie personnelle (extraits) NRF Poésie Gallimard éditeur

 

(A noter que la demeure où réside K White à Trebeurden dans les Côtes d'Armor dite Côtes de Granit Rose, s'appelle « Gwenved » ; soit le « Monde Blanc » (en gallois) de la tradition celto-druidique.)

 

 

Préambule : Bran du      28 08 2018

 

 

Gilbert et moi-même, au temps de notre prime jeunesse, refaisions périodiquement le « monde » dans un troquet près de Jules Joffrin dans le 18è arrondissement de Paris...

 

 

Nous avons ainsi passé des après-midis entières a tenter de formuler poétiquement et philosophiquement une jouvencelle conception du rapport que nous entendions exprimer entre nous et la vie, entre nous et l'univers insondable, les territoires méconnus de l'être, les mystères grands et petits, les continents et les cultures à découvrir etc...

 

 

Notre première tentative pour formuler nos concepts juvéniles naissants s'appelait « le mot image » et tentait de résumer, de synthétiser nos approches poético-philosophiques face aux interpellations et questionnements entourant notre « présence au(x) monde(s) »...

 

 

Des pistes furent dégagées, mais non totalement débroussaillées en regardant du côté du monde Celte traditionnel, des « écrivains de la terre » (Giono, Glenmor, Grall...), des récits de navigation et d'exploration, de nos lectures et investigations respectives de poètes faisant résonance et écho à nos démarches et quêtes (Rimbaud, Breton, Segalen, Withman, Thoreau, Bachelard, mais aussi des défricheurs comme Jean Michel Maulpoix, Pierre Autin-grenier et des femmes inspirantes o combien comme Béatrice Kad, Jeanne Maillet, Audrey Bernard...), mais c'est notre première rencontre avec Kenneth White qui fut déterminante pour faire entrer le souffle de la Grande respiration dans nos territoires encore trop cloisonnés et limités...

 

 

Des pistes méconnues se sont ouvertes devant nous dans le temps, l'espace et l'histoire des sociétés humaines, de leurs cultures, voyances et conceptions en terme de « sacré », de rapport au « vivant » et au « cosmos », à la vie tout simplement...(Notamment l'ouverture d'une grande fenêtre sur l'Asie et sa grande richesse littéraire et poétique)...

 

 

Conférence après conférence, dédicace après dédicace, ouvrage après ouvrage, rencontre après rencontre, nous avons marché dans les sillons entrouverts cherchant et trouvant graines et semences pour faire fructifier nos entendements, nos compréhensions...

 

 

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Merci lors à Kenneth « ouvreur de pistes », trappeurs de hauts silences, arpenteur des territoires du blanc, dénudeur de beauté, ciseleur d'images, collectionneur de sources et de souches, cartographe des sens invités aux voyages...

 

 

Place à Kenneth WHITE :



«Bonjour beauté dis-je, en passant, à notre monde.» K White



«...seules des longues étendues d'inconnu peuvent nous conduire à notre monde. »



« Etre avec la terre, rien qu'avec la terre. »



« ...redire le monde, parole d'aurore, grammaire de pluie, d'arbre et de pierre, d'os et de sang. »



« ...Contempler la lune, la neige, les fleurs et les feuilles d'automne, jouir du vin, des femmes, des chansons et se laisser aller à la dérive. » Japon 1661



« La beauté est partout... La beauté est « incompréhensible », « inexplicable », et si elle surgit « unique et nue », c'est à nous d'apprendre à l'accueillir en nous. »

In le Grand Rivage

(L'art poétique est aussi un art de vivre.)



« En poésie, il n'y a pas de conclusion seulement de la nudité et la figure d'une danse.

C'est en dansant que le danseur avance en nudité. »



« ...nécessité de prendre ses distances vis-à-vis du fatras et des fadaises, de se mouvoir méditativement dans un espace élémentaire et de pénétrer jusqu'à une conscience première où, à une sensation d'immensité, s'allient quelques perceptions précises, quelques moments exacts. »



« Nous évoluons dans un espace stérile, faisant violence à tout, y compris à nous-mêmes. »

« ...ouvrir un espace de pensée poétique planétaire sous le double signe de l'intensité et de l'amplitude selon le double mouvement de l'investigation et de l'expansion. »

« voyager dans le monde ouvert. »...

 

 

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La Vallée des bouleaux (extraits du recueil Atlantica)

(contient aussi le poème éloge du corbeau.)



1 Entrer dans cette vallée

est comme entrer dans un souvenir



obscur le sentiment

d'une plénitude perdue

près d'être retrouvée



quelle est donc cette vallée

qui me parle comme un souvenir

chuchotant de toutes ses branches

ce matin de novembre ?



2 (- Les mots pour cela ne peuvent venir que de régions mentales qui me sont encore inconnues, comme ces phrases avec lesquelles parfois je m'éveille et dont la fraîcheur et la simple complexité me ravissent -)



3 Je dois entrer dans cet univers de bouleaux

et parler de l'intérieur

je dois entrer

dans ce silence incandescent



la contemplation ne suffit pas



n'est jamais réalisée

sans les mots nécessaires.



4 Sans les mots nécessaires



mais les mots essentiels

sont aussi les plus rares

et comment venir à eux

mutilés que nous sommes



si ce n'est à travers une puissance qui nous élève

hors du labyrinthe et des vacarmes de l'ignorance

et nous permettant de tranquillement

pénétrer la réalité -



rien ici de laborieux

rien d'élaboré



5 (…///... Depuis quelques temps, j'étudie avec une sensation aiguë de reconnaissance, la géographie et la mytho-poésie du Nord-Est asiatique, cette contrée habitée par les tribus hyperboréennes des Tchouktches, des Bouriates, des Koriaks...

Là-haut, dans ces régions pour lesquelles j'éprouve un attachement très fort, si fort qu'elles doivent en un certain sens être « mon monde », le bouleau est sacré.

///... C'est la civilisation du bouleau qui explique la fascination exercée sur moi par ce bois de bouleau ce matin.

Comme toute culture totale,la civilisation du bouleau unit la sexualité (pour les tribus sibériennes l'arbre est la Fille de la forêt) aux plus hautes conceptions de l'esprit.)



6 Attendant que les mots

sortent du silence



des mots pour ce vide-plénitude 

cette absence-présence



des mots pour l'esprit sensuel

qui imprègne ces arbres



9 Je suis venu sous les arbres

leur faire l'amour avec mes mains muettes



car la beauté se laisse au moins caresser par les sensitivité

j'ai suivi des doigts le noir sur le blanc comme un poème

inachevé -



sans cesse interrompu, sans cesse recommencé.

….....................................



 

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La maison des marées (extraits)



///... des landes, une côte rocheuse

et une centaine d'îles

la mer souvent verte, vert tempête

mais d'un bleu vif, parfois, un bleu

à couper le souffle

et toujours, le brisement des vagues.



Paix, paix dans les brisements



un lieu, ici, d'ombre et de lumière

vite alternées

le soleil révèle, les nuages voilent

et toujours une musique :

le vent sur la lande, la mer sur la côte

et un silence

un cinquième quator



« il faut être immobile

et toujours en mouvementspour une meilleure union

une plus profonde communion

à travers le froid et l'obscur

le vide et la désolation

le cri des vagues, le cri du vent

les vastes eaux

du pétrel et du marsouin » …///...

où sommes nous ?

Où allons-nous ?

L'un des grands défricheurs

des broussailles de l'esprit

dit qu'il s'agit d'avancer

vers un lieu neuf

une clairière nous dirons ici

atlantica

un souffle, une ampleur …///...

............................

 

 

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Labrador (extraits)



j'ai rêvé d'un lieu primordiale

un lieu de pierre, d'eau vive et de vide

où chaque matin le soleil montait

des mers fraîches du Levant

et tout le jour durant brûlait

au-dessus des rocs et des eaux …///...



J'ai moi aussi nommé un lieu

un lieu de grands rochers

luisant sous le soleil

un lieu où l'eau bruissait

tourbillonnait et glissait -

je l'ai nommé le Merveilleux Rivage



j'ai vécu là-bas tout un hiver

tout un temps de blanc silence

j'ai gravé sur la pierre un poème

à l'hiver et au blanc silence

les plus belles runes par moi tracées



Je sentis sous mes pas une terre nouvelle

un monde nouveau

mais je me refusais à le nommer trop tôt

content de laisser mes sensitivité m'éveiller et me guider

pas après pas

à travers le réel



Je n'étais déjà plus chrétien

sans être pourtant retourné à Thor

autre chose m'appelait

m'appelait au dehors

autre chose qui peut-être

voulait qu'on l'appelle



une chose sensuelle

et abstraite à la fois

terrible et belle à la fois

une chose qui me dépassait

mais étais à la fois

plus moi-même que moi …///...



seule me restait la poésie

la poésie comme le vent et la feuille d'érable

que je me récitais

en parcourant le pays …///... »

...................................

 

 

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Gilles Blanzy, préfacier de cette anthologie poétique donne quelques « clefs de lecture » :

«....Une poésie qui est prose et pensée ; force, cohérence et perspective ; pérégrinations et recherches... L'état géo-poétique de Kenneth White consiste à faire l'expérience d'un monde où la nature, peu transformée par l'homme, nous rappelle à l'origine. Une poésie du regard, du constat et de la présence au monde...



« ...Le monde est flottant ; les choses sont mouvantes et dans cette confusion qui est la vie même, la réalité même, la poésie ordonne des signes et des symboles, dégage des harmonies nouvelles. »



« Les poèmes, c'est de la poésie bien sûr, mais ce n'est pas que de la poésie ; c'est de la sagesse... » « C'est exister dans le moment présent. » «Ce sont des traits fulgurants, qui dans leur nette énergie relient toutes choses et les font irradier »



« La plus haute poésie arrive à se dire dans un langage extrêmement clair et simple. Pénétrer dans cette simplicité n'est pas facile » K W



« La terre

dans la mer lavée

diamant toute entière. »



« Jeune crête de la montagne

ôte ta chemise de brume

montre-moi ta nudité neigeuse. »

K W

 

 

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28/08/2018
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