Les dits du corbeau noir

Gavrinis Les courbes de mémoire, les spirales du devenir

 

Gavrinis “Ile de la Chèvre” Armorique Bran du solstice d'hiver

 

 

 

Le serpent de sa main dansait sur la paroi humide.

 

 

 

Le trait incisé dans le cuir épais des siècles ; le trait sans commencement ni fin, venait d'un temps lointain, épousant lascivement l'épiderme du granit, déroulant ses spirales aimantes et amantes à la surface d'un monde jaillit du sperme de la mémoire, déployant ses courbes extasiées, ivres d'elles-mêmes...

 

 

 

Le coeur percuté par le silex de l'instant scandait le déroulé du rite ; ses paumes épousaient la paroi millénaire...

 

Ses yeux suivaient l'étrave des cercles, plongeaient avec eux dans l'infini de l'espace...

 

Toute la caverne n'était qu'un immense écusson frappé d'évidence, gravé du sceau des Origines...

 

 

 

Jadis, sous les blocs savamment assemblés, l'obscurité tenait ses assises alors que méditait celui qui se préparait à de hautes naissances...

 

 

 

Neuf jours à même le sol, recouvert d'une peau d'un cerf fraîchement écorchée, l'aspirant à la lumière creusait et élargissait sa pensée afin que s'y dépose la braise éternelle...

 

 

 

Pour toute vêture, il avait enduit sa peau avec cette poudre incarnat dont se parent ceux qui voyagent vers la mort...

 

 

 

Il scandait une mélopée, une berceuse d'éternité apprise des lèvres de sa Mère et chaque pierre lui renvoyait l'écho fidèle et amplifié de son souffle animé...

 

 

 

Quatre jours déjà s'étaient écoulés au sablier de son sang...

 

 

 

Une torche flambait dans son anneau de fer et il flambait de même enceint d'une douce fièvre... Le silence se gorgeait d'un chant de résine rousse...

 

 

 

Une centaine de fois au moins il avait parcouru la torsade de ses songes pour parvenir enfin au Coeur du labyrinthe, pour rejoindre ce Centre tant attendu, tant espéré, et s'y conjoindre en vérité....

 

 

 

Paisible enclave pour ses sens que ce Haut Lieu.....

 

Il se savait réenfanté en cette Matrice du Sacre....

 

Haut Lieu des Paroles d'ambre et d 'écume...

 

Haut Lieu des Vibrations océanes, célestes et telluriques...

 

 

 

En l'an clos de la roue de l'année , Cela qui fut, qui a été, songeait encore à devenir...

 

Et ce devenir était aussi le sien...

 

 

 

Tout le conjuguait dans le rayonnement du Verbe-Créateur...

 

La Terre et l'Eau et le cortège igné des foyers de la Vie visitaient son Essence d'Homme...

 

La brume se dissipait devant son regard pénétrant...

 

Tout devenait plus clair, plus lumineux, plus transparent...

 

Matière et Esprit en lui s'enchevêtraient, concélébraient des Noces intimes et mystérieuses...

 

 

 

Il était la vague, il était le flot, il était le courant, le Fluide dansant à la surface du Monde...

 

 

 

Tout n'était plus que volutes enroulées et déroulées... Il s'abandonna lors, de tout son corps, de toute sa volonté, aux tourbillons des flux et des ondes...

 

 

 

Il vit des frères et des soeurs éteindre la flamme des solstices, vendre leur honneur, leur dignité, pour des titres de fausse gloire, disperser la braise du souvenir parmi les cendres de l'orgueil et du mensonge...,

 

 

 

Et cela le fit trembler jusque dans ses os...

 

 

 

Son doigt toujours moulé aux courbes gravées dans la roche poursuivait sa course, suivaient la ligne de mémoire, le trait de l'avenir....

 

 

 

Il savait qu'au jour neuvième, s'estomperait toute trace, que devant lui, il n'y aurait plus que le halo d'une ronde étoilée, qu'un immense Chaudron déversant de son sein un ruissellement lacté avec, sur son contour, neuf serpents-gardiens...

 

 

 

S'avancera alors une géante main traçant sur son front les trois Traits d'argile bleue...

 

 

 

Le jour qui le verra ressortir le prendra dans ses bras et les filles de l'Aurore déposeront sur ses lèvres un baiser fait d'une rosée d'amour...

 



03/12/2013
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