Les dits du corbeau noir

Christian BOBIN revue Canopée extrait

Christian BOBIN   revue Canopée  2012   extraits

Ce superbe N° 10 de la revue qui milite pour une écologie de la terre, du corps et de l’esprit nous offre un florilège d’images et d’écritures qui invite à la suite de Holderlin à « habiter poétiquement le monde », elle le fait comme toujours avec talent beauté et pertinence…

Elle a demandé à Chritian BOBIN (qui cherche dans le langage une énergie irradiée de paix et de silence) de lui livrer ses réflexions sur ce thème. En voici quelques fragments essentiels :

L’infini n’est jamais dans l’immense…

…/… Vivre cette intensité presque muette de la vie où la nécessité et la beauté ne font plus qu’un est quelque chose qui nous manque…

Et c’est peut être ce lien entre la beauté, la simplicité et la frugalité qui va nous ouvrir à l’avenir…

Je crois qu’on souffre d’un langage qui est de plus en plus réduit, de plus en plus fonctionnel…

Au fond, habiter poétiquement le monde s’oppose à habiter techniquement…
Je crois que c’est l’habiter aussi et d’abord en contemplatif…
Contempler est une manière de prendre soin…

Le monde est rempli de visions qui attendent des yeux. Les présences sont là, mais ce qui manque ce sont nos yeux…

Il est possible que, par l’attention des choses menues, très simples, très pauvres, je trouve peut-être ma place dans le monde. La contemplation, ce qu’on appelle la poésie, …/…
C’est comme mettre sa main sur la pointe la plus fine du réel …/…  Tout ce qui est de l’ordre du vivant se rapproche de nous et veut trouver son nom…
Et je pense qu’à ce moment quelque chose du monde s’ouvre comme une amande.
On comprend ce dont il s’agit lorsqu’il s’agit de vivre.

Prendre conscience de l’extrême fragilité de cette vie, dont le tissu est très riche, et qu’un rien peut déchirer…

Simone Veil dit que le but de la vie est de construire une architecture dans l’âme.

Habiter poétiquement un monde malheureux c’est très difficile, mais c’est faisable. Et c’est d’autant plus nécessaire que s’ouvrent ici ou là des puits de lumière.
Je crois que, au fond, cest ça la poésie ; c’est juste un art de la vie.

Les poètes :  Ce sont les seuls voyants et respirants dans ce monde.
Il s’agit juste d’une manière humaine d’habiter le monde. Parce que dire habiter poétiquement le monde ou habiter humainement le monde, au fond c’est la même chose…
Je vois par moment comme une disparition de l’humain sur les visages…

Je pense que l’on a fait du mal à la vie…

La nature, la vérité, la beauté, la douceur, la lenteur qui ont été mises à mal ont juste reculé et deviennent un peu plus difficile à saisir, à vivre…

On reviendra aux choses vivantes et vraies. Mais pour ça, il faudra que le point de lassitude extrême soit atteint. Il faudra qu’on ne puisse pas faire autrement. L’homme n’est pas plus mauvais aujourd’hui qu’hier, il est seulement plus perdu.

« L’univers entier est la pensée des fleurs »  Maître Dogen

C’est peut-être cela d’ailleurs la vertu de la poésie, tendre le langage au maximum…

La poésie est la seule science qui ne maltraite pas son objet…

Il me semble que les choses viennent beaucoup plus aisément à nous si nous leur accordons le temps qu’elles demandent.



12/04/2012
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