Les dits du corbeau noir

CARNET DE VOYAGE BRAN DU CEVENNES 2002 (EXTRAITS) 06 08 AOUT

 

Transes-humances séjour dans les Cévennes en 2002

Carnet de voyage (extraits) BRAN DU

 

 

Ce qu'en disait JC Carrière (Prix Congourt) avec « l'Epervier des Maheux » :

« C'est plus haut, plus loin, vers le couchant, sur les hauteurs dénudées où le schiste cède la place au granit, puis plus loin encore au calcaire marin, que l'âpre solitude commence, avec son mystère brutal, sa sauvagerie tellurique, ses hommes plus lourds...

Ici, (…///...) nous sommes dans le vieux tuf planétaire où l'homme n'est plus que la somme de ses relations avec une nature ingrate, belle, totalement païenne. »

 

A Chamson parlant des montagnes cévenoles :

« ...C'est un déferlement de hautes vagues figées dans le ciel et qui roulent vers la mer. »

 

///...

 

 

Quelques pensées hauturières et fragments de paysages...

 

 

 

Aux plus grandes questions répondent les plus grandes réponses...

 

Le culte du dérisoire sacrifie beaucoup au détriment de l'offrande de l'essentiel...

 

L'homme est ce transhumant permanent nomadisant entre l'ici et l'ailleurs ; le coeur en moins, le coeur en plus...

 

Il ne suffit peut-être pas de monter sur les hauteurs pour trouver et cultiver le sens de l'élévation...

 

Par monts et par vaux les mots ne valent que par l'appui et l'élan qu'ils donnent à la marche....

 

Un mas ; ce sont des pierres et des poutres agencées d'évidence...

Il en est de même pour la demeure du poème...

 

Le four : sa gueule de nuit fait le pain du jour...

 

Ce n'est point ici le clocher et encore moins l'église qui nous font gauloisement passer du coq à l'âme !...

 

...///...

 

Celui là va chercher son pain et cet autre son journal...

Quand ils se rencontrent et se parlent, plus rien ne s'oppose au bonheur du jour...

 

Un mot en appelle un autre comme l'hiver suscite le printemps et le silence la parole...

Un mot c'est bien peu, mais un seul peut contenir le monde !...

 

Figues éclatées comme des étoiles rouges dont les volets s'ouvrent sur la visitation de l'abeille...

 

Quand le soleil pendule à la branche du couchant s'en vient le vent qui fait reluire le cuivre de la terre...

 

Faut le lit c'est déjà "faire l'amour" tout en sachant que tout amour déborde de son lit !...

 

Au-dessus, il y a l'entrecroisement des poutres équarries par les siècles et les hommes puis une montagne de lauzes elles aussi, à dimension humaine...

A l’aplomb certains soirs, un caravansérail d'étoiles se fraye passage dans les défilés de la lune...

 

Bien sûrs, je sais cela et d'autres choses encore...

Je sais les poutres, les toits et les constellations, mais, ce soir, je voudrais les lire et les réapprendre dans le résumé silencieux de tes yeux...

 

Bien sûr que le chemin est vert ou rouge ou bleu selon ce qui le survole, le borde, l'enveloppe et ce qu'il exprime des couleurs de la vie... Le plus beau est celui qui mène au blanc, au rose et au noir des mystères de ton corps et de ta peau...

 

Bien sûr qu'il y a un chemin même si la ronce, le houx et l'ortie se taisent à son sujet...

 

Il y a bien des fenêtres ouvertes sur le monde,

mais tes yeux en disent l'horizon infini...

 

Au bout du parchemin des routes le grand silence apposera son sceau...

Les lèvres trouverons au midi de leurs attentes cette chanson solaire qui sied aux framboises de leur jardin...

 

J'ai mon chemin aussi, pavé de songes...

Je butte parfois sur la pierre de ce destin qui a prénom de femme...

 

Des moissons de ma vie, j'ai engrangé bien des souvenirs, mais seule demeure la gerbe dorée de mes amours...

 

Les vinaigriers sont les premiers à jaunir...
Les vignes vierges rougissent à profusion voyant l'automne qui, nu, s'avance vers elles...

 

Le bleu, seul, et l'herbe, seule, tout cela contenu dans l'arrondi du mont...

 

Cet été, les mousserons cassent comme du verre, les mûres se ratatinent sur la brûlure des ronciers...

Dans les villages le ton aussi se fait plus sec...

 

Pour faire un bon berger il faut avoir une voix forte, prompte comme l'éclair à engueuler le ciel...

Il faut une cape taillée dans l'encre bleue de la nuit ; une cape où s'endorment les enfants des étoiles...

 

Les menouns, ce sont les meneurs du troupeau. Ils ont droit aux plus belles et plus percutantes sonnailles. Ce sont eux qui ouvriront la « marche sonnaillante » vers la draille quand l'eau et l'herbe commenceront à manquer (entre le 1à et le 20 juin.)...

Bientôt l'écho de la montagne ne renverra plus cette marche sonore qui tend à disparaître les bergers étant condamnés à vivre comme des pauvres dans une société d'abondance...

 

Pour sa joie, il taillait une chanson dans le pain chaud du jour...

 

Cela qui cherche l'ombre et la fraîcheur ; c'est l'amour qui a flambé à midi...

 

///...

 

Rencontres :

C'était au bord de l'Allier (vers le Pont Noir)

puis le long d'un ruisseau forestier au coeur de la forêt de Brocéliande puis enfin au coeur du cirque de Navacelles...

 

Trois apparitions en trois lieux différents pour une fleur considérée comme rare et protégée comme telle...

(Sa floraison survient entre mars et fin mai.)

Elle est appelée lathrée clandestine (Lathraea clandestina de la famille des scrophulariacées.)

Cette plante "parasite" les racines de peuplier, d'aulne et de saule...

Elle ne possède pas de feuilles, pas de chlorophylle et affectionne les endroits humides dans les profondeurs desquels elle prépare lentement l'éclosion de ses mauves corbeilles...

 

Qui sait ce qu'il y a encore à fleurir de rare et de précieux, à protéger en tant que tel, dans l'ombre portée de la lumière ?...

 

...///...

 

Pourquoi dresser la blanche table, y déposer le vase en faïence bleue s'il n'est de bouquet à fleurir dans le cœur ?...

 

C'est l'heure où les bêtes craintives sortent du sous-bois où la lune happe en son halo des grands oiseaux de lumière...

 

...///...

 

Le serpolet, c'est la lavande de par ici, c'est du bleu améthyste qui s'étage au soleil...

 

Des mots maçonnés, jointés, aussi muets que des tombes au grand cimetière des sens...

 

Les mûriers :

leurs grandes feuilles vertes et luisantes œuvrant chacune... pour soie !...

 

L'arbre aux fraises, autre nom de l'arbousier...

On fabrique une liqueur avec ses fruits qui passent du vert au jaune puis à l'orange et au rouge...

Sa locataire attitrée est la chenille du Jason...

les murets de pierres sèches accueillent la Doradille des ânes, la « Rue des murailles » (dotée de paillettes d'or) et le polypode austral...

Certains arbres se trouvent couverts de poils gris et de plaques verdâtres, ce sont des mousses comme la mousse du chêne (la pseudo vernia) ainsi que de thalles de physcia (caloplaca thallincola) et la thalle jaune de xanthoria...

 

 

Accoudé au comptoir en zinc du café, il ne cessait d'objecter

sans pouvoir exprimer plus amplement son opinion.

Il s'exclama alors... Néanmoins... Néanmoins...

Mais ce qui restait de visage, d'oreille, de bouches et de yeux ne l'écoutèrent pas davantage !...

 

///...

Le soleil a des écailles qui serpentent vers la mer...

 

L'homme a fait panier (la tresse de ses jours)

et le voici partant glaner au bois un poème d'amour...

 

///...

 

Prendre de l'eau dans le creux de sa main...

Griller quelques châtaignes...

Scruter le ciel étoilé...

Sentir la fraîcheur des sommets...

Se faire une tisane de menthe sauvage...

Faire lentement le tour d'une lavogne...

Humer l'odeur entêtante des buis...

Se couler dans la pierraille blanche et grise...

Savoir le hameau habité de sang, de sueur et de songe...

Voir la mort inéluctable planer dans l'azur du ciel et la vie qui s'égaye dans le moutonnement des agneaux et des brebis...

Avoir à connaître que chaque saison à sa neige, son bourgeon, sa fleur, son fruit et ses chants...

 

Et te redire tout cela au feuilleté de la tendresse...



07/08/2017
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