Les dits du corbeau noir

ACTES DU 4 E COLLOQUE FEMININ ET SOCIETE CELTIQUE FRANCOISE CLIER-COLOMBANI MELUSINE 2018 20 11 NOVEMBRE

 

Actes du 4è colloque : La Place de la Femme dans la Société et la Religion Celtique : Françoise Clier-Colombani

« Mélusine » :

 

« Thème : La Fée Mélusine ; une survivance de la Grande Déesse Celtique ?

 

 

Spécialiste de Mélusine Françoise Clier-Colombani a publié des articles dans Keltia - Magazine

 

 

 

Automne NOV 2019 et colloque 201pm.jpg
Françoise Clier-Colombani

 

 

 

 

Autres ouvrages sur Mélusine :

 

Jehan D'Arras vers 1392 : Mélusine

Coudrette : Le Roman de Mélusine (en vers) 1401

 

Bernard Sergent ( intervenant dans le colloque)

et Président de la Société Mythologique Française..

5 études sur Mélusine.

A noter que des membres éminents de la Société de Mythologie Française comme Henri Dontenville, H Fromage et Fernand Guerif ont publié dans ce cadre des études et ouvrages sur Mélusine...

 

Guy Edouard Pillard. (De nombreux ouvrages sur ce thème dont Les Thèmes Initiatiques dans le Roman de Mélusine.)

 

.......

 

 

La majorité des chercheurs et historiens (il reste quelques « réticents »), considèrent, arguments à l'appui, que les Fées, si présentes dans la littérature médiévale, sont des héritières directes des déesses celtiques... (Il en va de même pour le Graal qui est aussi un réemploi idéologique et symbolique d'un prototype celtique alors « christianisé »...)

 

 

Cette résurgence des hautes figures féminines celtiques en plein Moyen-Âge ou plus tardivement se retrouve avec des exemples abondants dans la « Matière de Bretagne » et les cycles de la Table-Ronde qui furent les best-sellers des cours royales et princières de l'Europe de cette époque (avec une extension vers la Sicile dont le Théâtre de Marionnettes (théâtre del poupi) reproduit les grandes épopées encore de nos jours.)...

 

 

Il existe cependant assez peu d'ouvrages ou d'études mettant en relation, en rapport direct, l'histoire de Mélusine avec le monde Celte...

 

 

La conférencière qui intervient aujourd'hui n'avait pas fait jusqu'alors et à son niveau et dans son ouvrage précité (qui fait référence et qui rassemble une iconographie remarquable) un rapprochement entre la Fée et son « ascendance » celtique.

 

Claudine Glot intervenue le matin a abordé en partie le personnage de Mélusine et a publié un ouvrage à ce sujet (Mélusine : Fée, Femme, Dragon)...

 

 

En ce qui concerne le personnage de Mélusine, la conférencière avait mené quelques recherches du côté du monde Grec et Romain, mais non dans le monde celtique...

Elle a changé et élargi, à l'occasion de ce colloque, son « point de vue »...

 

Elle relate donc, projection d'images à l'appui, l'histoire de Mélusine à partir des sources historiques et légendaires disponibles...

 

 

 

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Tout d'abord, il est rappelé la cadre de l'Histoire avec la Mère et le Père de Mélusine et de ses deux sœurs...

 

Le père rompt le contrat qui l'interdisait de voir son épouse lors de l'accouchement ; une épouse à la morphologie mi humaine mi animale ; une épouse disposant de pratiques « magiciennes » et accompagnée d'un petit dragon sur une représentation ancienne...

 

Mélusine et ses sœurs sanctionnent le père « fautif » et l'enferment dans une grotte sous une montagne (grotte apparentée selon la conférencière à un Side irlandais gardé par des « monstres ») sans avoir consulté leur mère sur cette initiative de « vengeance ».

 

Leur mère exilée en « Avalon » avec ses enfants se met en colère et sanctionne à son tour ses filles. Mélusine, qui semble bien partagé avec sa mère une nature « dragonesque » sera condamnée à errer dans les bois, le sort sera levé si elle rencontre un homme qui l'épouse et s'engage à na pas la voir le samedi lorsqu'elle fait sa toilette...

 

 

Mélusine rencontre Raymondin (le roitelet ou petit roi, ce qu'il ne sera pas d'ailleurs) lequel l'épouse et aura dix enfants d'elle, chacun ayant une particularité morphologique animale quelque peu surnaturelle, sauf les deux derniers !

 

Raymondin, qui a tué par mégarde son oncle lors d'une chasse « au sanglier » , errait en forêt, divaguait sans but, effrayé par la situation... Il passe, sans y porter attention, devant une fontaine (la Fontaine de la Soif) où se tiennent les trois sœurs. Ce sera Mélusine qui viendra à son devant et arrêtera son cheval en le prenant par la bride...

(Il apparaît, dans la suite de la conférence que ce sanglier blanc et redoutable qui amène par accident Raymondin à tuer le Conte de Poitiers serait Mélusine elle-même ainsi métamorphosée pour atteindre don but !)...

 

Il lui comptera son « malheur » et elle apportera une heureuse résolution à celui-ci en le tirant subtilement d'embarras. Raymondin apparaît assez « pâte molle » dans cette affaire !

Elle fera de lui un puissant et riche seigneur, mais non un roi et bâtira des châteaux et forteresse...

Mais, Raymondin, poussé par son frère jaloux, et se mettant en colère contre sa femme suspectée de le tromper, trahira à son tour le serment et en sera fort malheureux...

 

 

La conférencière s'est posée la question de savoir ce qu'il pouvait y avoir d'aspects celtiques dans cette histoire médiévale.

 

Elle fait référence à Guy Pillard qui dans un ouvrage rend hommage à Jehan D'Arras et Coudrette qui ont sorti des oubliettes de l'Histoire ce récit pour le faire entrer en « littérature » « ce mythe bien antérieur à la littérature celtique »...Mais, un récit qui à l'époque avait déjà bien perdu de ses antiques ascendances... (La place de la Femme dans la société humaine médiévale est sans doute pré-celtique. Dira-t-il.)...

 

Pour cet auteur : « Le Culte de la Dame est permanent et s'inscrit dans le légendaire des Celtes »...

 

Bernard Sergent et Philippe Walter (La Fée Mélusine, Serpent et Oiseaux) feront écho de cela en leurs études et ouvrages...

 

La question posée et étudiée explorera le « rapprochement » fait avec le monde Celte ; rapprochement qui porte sur le caractère « initiateur» de Mélusine laquelle révèle l'homme à lui-même et le « transforme » et ce, en tant qu'instigatrice de l'action des hommes......

 

Selon Guy Pillard : Mélusine resterait « aux yeux de la population ce qu'elle avait été au paravent : l'image de la « Grande Déesse » que les gaulois avaient adopté et conservé »

Les interprétations du christianisme en ont fait une fée...

La Femme chez les Celtes n'était pas « maléfique », mais « divine », contrairement à ce que l'Eglise Romaine laisse entendre... Cette « théorie » se retrouve chez des chercheurs contemporains... 

 

« La plupart des fées médiévales semblent remonter à un modèle unique qui est la Grande Déesse triple et unique des mythologies pré-chrétiennes. » « Ainsi représentée dans la statuaire »...
« La triade explique la plénitude du pouvoir divin de la Grande Déesse... » (une forme « extensive ») …///...

 

Tout principe du pouvoir passe par les Femmes les plus hautes de la Souveraineté y compris la Souveraineté guerrière... » « Un pouvoir dévolu aux Femmes.»

« La plupart des fées médiévales semblent bien remonter à un modèle unique qui est la Grande Déesse des celtes. Ce personnage féminin (rayonnant) titulaire de la littérature médiévale courtoise s'enracine dans la vielle tradition légendaire et mythique des Celtes »

Philippe Walter


…....

 

 

Françoise Clier-Colombani propose alors de faire, aux vues de ce qui précède (en s'appuyant sur le fait qu'il y a un consensus, un accord majoritaire donc, chez les chercheurs qui accréditent le fait que la Fée au Moyen-Age épouse des caractères hérités des images et figures féminines celtiques), une comparaison systématique entre ces « caractères » et ceux de Mélusine, des a mère et de ses deux sœurs...

 

 

Premier critère comparatif : la couleur Blanche généralement attribuée au « divin » et au « sacré » et aux êtres qui servent et sont issus de cette « dimension »...

 

La Mère de Mélusine et Mélusine elle-même et ses sœurs apparaissent souvent habillées de blanc (mais parfois de vert et de rouge ou de vêtures somptueuses et dorées !)...

Mélusine au bain semble, par son corps « illuminé » et « transparent », (une forme mi humaine et mi serpente ou sirène parfois) irradier de blancheur....

Les premiers auteurs comme Jehan d'Arras apparentent la fée à un spectre ou fantôme (Lien fait avec Guenièvre la « Blanche Fantôme » : « L'image tutélaire d'une grande déesse définie par le Blanc » Philippe Walter)...

Pour les populations d'alors ; elle est une fée, un esprit qui hante une forêt où se passent moultes merveilles...

La conférencière pense (à juste titre parfois) que le blanc « connote » la « Grande Déesse » et l'Autre-Monde... Et cela dans bien d'autres Traditions que la Tradition celtique...

 

NDR : Toutefois, et sur ce dernier point et pour rappel les couleurs liées au monde indo-européen dont les Celtes sont issus, sont le rouge, le blanc et le noir (monde diurne, nocturne et « intermédiaire » comme les aurores et crépuscules.)

Le rouge connote plus particulièrement et spécifiquement l'Autre Monde dans nombre de récits insulaires...

 

 

Deuxième caractéristique servant de comparaison : la triplicité...

Citant G Dumézil, l'intervenante relate ce caractère attesté de la « Grande Déesse » celtique qui « représente l'unité dans ses trois faces divines. » un « triplement intensif de l'Unité » une « unité en trois personnes »...

Pour Mélusine, cette triplicité se rencontre autour des trois sœurs et des trois histoires principales qui structurent le récit...

 

Il y a trois femmes qui toutes son mariées à un personnage important (roi entre autre) et qui règnent sur un territoire conquis grâce à elles et dont elles sont les gardiennes et qui ont passé un « pacte » avec l'homme qu'elles ont élu pour époux...

Ce sont de fortes personnalités qui mènent le jeu et qui peuvent se mettre en colère si elles sont « contrariées »...

 

Autre Trait caractéristique servant de comparaison :

La relation fondamentale de la « Grande Déesse » à la Terre...

 

Une Terre qu'elle représente « La Grande Déesse est la Terre même . » Philippe Walter « Mais, la Terre est l'incarnation divine de la Déesse et non l'inverse. »...

 

 

L'attribut « animal » de Mélusine renforce son lien avec la terre...

Mélusine fera gagner des territoires à ses enfants...

Raymondin « épouse » une terre, la Mère Lusine soit Lusignan...

 

(L'étendue de son territoire en forêt de Coulommiers résultera d'une peau de cerf découpée en très fines lanières et déployées pour mensuration autour de la Fontaine de la Soif...)

 

Mélusine construira de nombreux château sur les terres conquises, mais son œuvre de bâtisseuse étant considérée comme « maléfique », aucune des forteresses ne sera complètement achevée...

 

 

Un autre caractère de comparaison ; la Banshee  (des divinités irlandaises du destin):

(Ban-shide en irlandais)

 

Selon la définition qu'en donne Philippe Jouet « c'est un personnage issu du folklore représenté par une vieille femme aux cheveux blancs qui par des cris et lamentations annoncent un futur décès dans une famille »...

 

Mélusine découverte par Raymondin dans sa véritable « nature » s'est enfuit de Lusignan, mais elle revient en tant que mère veiller sur ses enfants. Elle annoncera lors de ses visites et trois jours avant, le décès de Raymondin et de ses fils...

 

Ces quatre points développés permettent selon Françoise Clier-Colombani de rapprocher l'image de Mélusine et de son récit des mythes et du légendaire celtique relatifs à la « Grande Déesse »...

 

Un ensemble plus « Celte que Latin » où la sirène dispute à la serpente, où une femme souveraine règne sur des territoires conquis par Raymondin et ses enfants grâce à elle, à son soutien et à ses pouvoirs.

 

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NDR : On notera en effet quelques pertinences, quelques parentés, entre le monde Celte et Mélusine, pertinences et parentés déjà relevées d'ailleurs par divers auteurs spécialistes de la question...

 

 

Nous n'aurons pas beaucoup plus de matériaux comparatifs à trouver pour accroître sensiblement des éléments et arguments déjà connus et verser à ce dossier des informations « novatrices » qu'ils me semblent peu probable de dégager...

 

 

Cette exploration du thème ne fait que confirmer des généralités déjà admises et validées par une majorité de chercheurs et chercheuses sur la base de matériaux comparatifs parfois assez peu étayés « solidement » et donc assez « faibles » au demeurant...

Ce n'est donc pas d'un grand apport dans le dossier qui nous préoccupe, mais une lointaine résurgence de certains points « communs » bien éloignés tout de même, dans le temps, en terme d'Histoire, de leur sève et racines ! Reste, demeure, cependant et en effet, le Mythe !...

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21/11/2018