Les dits du corbeau noir

Samain 2011 : Samain (Samonios) réunion, assemblée….

Bran du - 22 octobre 2011


La fête la plus importante de la Roue de l'Année

 

Puissions nous l’aborder et la vivre avec les meilleures dispositions du cœur et de l’esprit….


« Lorsque nous fêtons Samain en tant que « fête des morts », nous nous mettons en présence de tous les Anciens connus et inconnus. Nous projetons leur image en nous et le contact s’opère dans le cadre du rituel…» G Le Scouëzec

« C’est la nuit de la Samain / Le ciel marchait sur l’eau / Les ombres avec nous dansaient/ Et enfin avaient bien chaud….» Maripol


Les textes anciens et la survivance (même christianisée) de la Tradition nous rappellent la fonction majeure et déterminante de ce rituel qui, plus que tout autre peut-être, nécessite la « plus grande observance, maîtrise et attention »… C’est au sein des rayons de l’année le « barreau » prédominant qui donne force et sens à tous les autres qui le suivent et le précèdent…. C’est du « Noyeu » l’ambassade majeure à partir de laquelle toute la circonférence développera la totalité de son éventail saisonnier…

 

Un temps Hors Temps

 

Ni recul, ni avancée ; le mouvement du temps semble comme figé, suspendu dans un espace articulé autour de trois nuitées…. C’est la fin d’un cycle et le début d’une nouvelle année. La saison claire s’achève et se trouve « récapitulée ». La saison sombre se profile qui va lui succéder… C’est le temps « hors temps » d’une « parenthèse blanche »… Une « période close » qui concentre les « énergies encloses dans le cercle avant leur redéploiement »…

 

Un temps d'évaluation

 

Toutes les activités humaines s’acheminent à ce seuil pour y déposer les armes et outils de la deuxième et troisième fonction des sociétés « indos-européennes » (Guerre et production) alors qu’officiera la première des dites fonctions : la fonction sacerdotale ; garante de l’harmonie de « la belle assemblée » et veillant sur cela…. C’est un temps « d’évaluation » qui prédispose à la reconduite « performées » des dites activités en de nouvelles et meilleures perspectives… La société des femmes et des hommes a une conscience avivée et aiguisée de cette étape, de ce jalon qui, s’ils ne sont pas grandement respectés et incarnés feront obstacles à toute nouvelle progression ou compromettrons celle-ci… Chacun et chacune savent que de leurs comportements adaptés et adéquats dépendra le « bon passage »… Et que celui-ci implique de convoquer la « Mémoire » des Anciens, de tous les clans, de tous les héros, dieux et déesses et de l’honorer avec dignité, ferveur et respect »… Ceci détermine tant l’évolution des destinées individuelles que collectives dans un sentiment mutuel et partagé de responsabilité…. Tous les feux sont éteints avant que d’être rallumés auprès de la Flamme sacrée ; auprès de la « Flamme Mère » ; chacun sait que son propre foyer doit faire cendre du passé afin que de la braise ancienne et honorée puisse rejaillir la flamme d’espérance…. Le feu ancien est porteur du feu nouveau si la mémoire ne s’éteint….

 

Un temps de décomposition pour une recomposition


Le soc de l’espoir a retourné le ventre de la Terre pour y enfouir les germes et semences de l’avenir. En chacun semblables semailles sont réalisées… A la mort, la vie est confiée comme le veut le Grand Mystère !!! Tout dans l’univers est cycle renouvelé ; cycle alterné d’ombre et de lumière… L’être ne peut renaître que par germe analogiquement et symboliquement, "archétypalement", interposé comme le grain de blé germe dans les entrailles de la Mère… Pas de recomposition sans décomposition. Le chant se doit de se taire avant que d’être de nouveau clamé…

 

Un point central

Tout se réduit à un point, un centre, un milieu, un moyeu….. Tout se resserre autour du noyau originel, des forces élémentaires, des conceptions premières, des rites fondamentaux qui accompagnèrent la sortie audacieuse de l’humanité enfermée en des cavernes obscures…. Lune et soleil en leur harmonieuse conjonction déterminent la faste période… L’un gouverne, l’autre régente…. Et la Spirale prépare son nouvel essort !…. Tout converge vers le Németon, vers le pivot de toutes les rotations et girations, un pivot exceptionnellement « figé » déterminé par un savant et sage calendrier… L’ordonnancement, l’agencement, règnent en maître… Tout émane et rayonne au centre de cet « espace/temps » d’exception ; tout s’y rassemble dans la paix, l’équilibre et la belle amitié… Le feu a charge de convoquer tous les autres éléments, tout le vivant visible et invisible, toutes les âmes errantes ou égarées… Il rassemble, à la source de tout foyer, les cœurs et les esprits en une même flamme, convoqués…


L'engrangement des fruits solaires

 

En ce temps de rupture, de séparation, de distanciation à venir, tout se trouve solidairement relié au Principe et à l’Essence afin de pouvoir affronter les mois noirs, la grande et périlleuse traversée hivernale, les marais gelés de l’isolement et de la solitude… Toutes les forces et énergies de l’été ont été récoltées et remplissent les greniers… de même en chacun sont emmagasinés les « fruits solaires de l’estive achevée »…. Il faut faire le plein de substances énergisantes pour pouvoir traverser la grande plaine des désolations…


Un temps d'éternité

 

Les portes du Syd (Sid) sont ouvertes et celles-ci entrouvent pour chacun la notion même d’éternité ! L’éternité s’engouffre dans notre monde « ordinaire » et sa marée recouvre de ses vagues et de ses flots les grèves du quotidien… Ces rouleaux déferlants abolissent toute convention usuelle, toute « habitude » et font pénétrer l’au d’ici dans l’au de là et inversement en leur reflux…

Ainsi déferle l’enchantement, ainsi se répand le merveilleux, ainsi sont enveloppés tous les rivages de l’être et ses criques les plus profondes… L’impossible devient possible, l’irréel devient réel…. Les mondes communiquent, toutes les frontières ont disparu… Les « morts » peuvent parler aux « vivants » et les « vivants » aux « désincarnés »… L’Esprit plane au-dessus des corps et des pensées, plonge parfois parmi l’océan des songes… Les corps à son passage déploient leurs ailes pour monter jusqu’à Lui… Les plus aimants, les plus follement sages, les plus ardents, les plus audacieux portent leurs odes dans les cieux, pénètrent les nuées indicibles, traversent le blanc des nuages… Ils voyagent lors vers l’île, vers le sanctuaire, vers le verger solaire, vers la pommeraie sacrée et reçoivent des femmes fleurs, des femmes cygnes, l’énigmatique message qui leur appartiendra de décrypter… Ainsi seront-ils initiés aux arts suprêmes de l’amour et de ses combats ! Heureux ceux qui « osent » ; heureux les fiers et dignes élus par les Servantes choisis car elles viendront vers eux avec la branche d’argent, avec le rameau d’or, pour les conduire au seuil de leur renaissance, de leurs métamorphoses…. Ainsi ils seront armés face au destin et face au sort…

 

Le temps des Dieux


Lug préside à cette grande et royale assemblée où brille l’éloquence, où chacun et chacune se parent en dignité de leur qualité aimante et savante…. Honorable la société où chacun tient son rang et fait preuve de civilité…. C’est aussi L’union « souveraine » du Dagda (Dagodevos) et de la Morigan (un aspect de Brigh, de la Grande Déesse). C’est la commémoration des grands événements (y compris mythologiques) car tout commence et tout se termine au temps de Samain….


 

Un temps pour nous

 

N’est-il pas souhaitable en ce « temps de Samain » qui autorise le « franchissement des frontières » que nos pensées confiantes, intuitives, sages, soient plus « pénétrantes », qu’elles s’enfoncent plus profondément dans l’inconnu, qu’elles investissent plus ardemment les territoires du mystère afin d’y établir des conjonctions et des connexions subtiles et révélatrices, pour s’interroger sur les sens de la vie et surtout sur son Essence, tout cela confronté sereinement avec la « mort » ?…

 

Un temps pour dialoguer avec nos ancêtres


Période o combien favorable et propice pour instaurer, restaurer un « dialogue », avec nos « anciens », nos « ancêtres », notre lignée humaine et spirituelle, Tous les enfants du Cercle, tous les Fils et Filles du Cerf, du Taureau, de la Biche, du Saumon et du Faucon, du Corbeau et de la Corneille, de la Laie et du Sanglier, tous ceux et celles passés dans l’Autre Monde et de les rassembler autour de l’âtre bellement et chaleureusement attisé de notre cœur… N’est-ce pas également l’occasion offerte, donnée, de conforter, de renouer, d’amplifier, d’honorer nos liens d’amitié, de célébrer dans l’union des complémentarités les noces du masculin et du féminin et de toutes les polarités enfin conciliées et réconciliées ?…


Un « passage »  d'un vieux monde à un nouveau monde

 

Que l’année nouvelle soit bienfaisante et bienveillante, que les forces, énergies et lumières les plus sacrées veillent sur notre Passage et nous conduisent « à vif » et « ensévé » vers les rives printanières….

« Que le chef soit pont » est-il dit de Bran aidant son armée à franchir l’obstacle en la faisant passer sur son propre corps entre les rives « vertigineuses » et « esdcarpées » de l’année…. Ne devons-nous pas, à l’image de cela, être nous aussi des « pontonniers » et aider à tous les passages ? Ne serait-ce que celui d’un vieux monde à un nouveau monde … d’une humanité en perdition à une humanité revigorée en des valeurs mieux appropriées à son devenir, d’un être esclave de son paraître à d’un être dépossédé de ses servitudes envers l’avoir et la simulation… de dualités affrontés et stériles à des conciliations efficientes et fécondes ?…..


Une remise en question pour "l'être régent"

 

Si le « roi » le (rix) celte est une figure majeure de cette fête c’est qu’il en est le grand régent et qu’il se doit lors de rendre compte de la prospérité ou de la stérilité du royaume qui lui a été confié et dont il est un simple « dépositaire »…. A-t-il ou non écouté ses blancs conseillers ?… A-t-il ou non respecté les « interdits » le maintenant dans le cadre de ses fonctions et obligations ?… A-t-il ou non été digne de la couronne que lui a remis sa souveraine… Le cri de la pierre du sacre a-t-il été bafoué ?… Le chaudron saura dire si les paroles royales ont manqué à leur serment !….

Mais qu’en est-il de la régence de notre propre cœur, qu’en est-il de nos propres et intrinsèques territoires ?… Quelle est la valeur de notre « couronne » et celle du front appelé à la recevoir ?…

Le Corps humain ne serait-il pas un territoire existentiel, sensuel et intelligent, dont la régence reviendrait à l’Esprit ; mais une régence octroyée par l’Ame, à Celui-ci ?…

Qui labourera, qui défrichera, qui laissera des terres vierges et au repos, qui fera les emblaves et pour quelles moissons, qui fécondera, qui prendra soins des champs et des vergers, qui offrira la dernière gerbe, qui sautera au-dessus des feux du Solstice d‘été, qui récoltera, qui vendangera, qui emplira les greniers de l‘avenir ?…. Sinon l’être régent de lui-même et dépositaire d’une souveraineté légitimement octroyée….


Un voyage vers l'Autre Monde pour le "héros"

 

A cela j’ajouterais cette réflexion…

Ce sont des hommes et eux seuls qui accèdent à l’Autre Monde ou reçoivent la visite des ambassadrices du Syd (Sid)… ce ne sont pas n’importe quels hommes mais des « héros », des « élus »…. Les messagères des « Terres Blanches » sont des femmes-oiseaux ( cygne le plus souvent) très souvent porteuses de branches de pommiers symbolisant l’accès à la Suprême connaissance, à l’Initiation parfois première, parfois ultime… Elles sont chargées de convoyer l’homme choisi vers les Royaumes « souterrains », iliens ou « abyssaux » de la Grande Plaine…

Toute aventure humaine de pénétration de l’Autre Monde est le fait exclusif de la polarité masculine… Il n’est question ou état d’aucun élément terrestre incarné et féminin ayant fait le « Voyage » vers l’au-delà… Que penser de cela ?…

 

L'Autre Monde, une terre naturelle pour le Féminin

 

Serais-ce que le Féminin n’a pas à faire ce voyage car il appartient par son initiation originelle et par sa lignée matricielle en quelque sorte à l’Autre Monde depuis toujours ?… L’Autre Monde est en quelque sorte sa résidence nâtive ! La femme est de tous les commencements d’où sa fonction d’initiatrice au sein des Traditions qui rendent hommage et célèbrent la Mère « universelle » ….

Il apparaît que l’Autre monde a pour ambassade le féminin qui le représente auprès des « mortels ». Peut-on alors considéré que le Principe délègue son Essence, que l’Anima a pour mission de contacter l’Animus ?… En cela et par cela le « Féminin » serait non seulement l’émanation de la Déesse mais aussi l’ambassadrice du Principe !…. Voici quelques suggestions quelque peu audacieuses et téméraires proposées à votre méditation !…..


Quelques "élus" exemplaires

 

Merlin, Arthur, Finn le « chef » des Fianna d’Irlande, sont des éléments en « correspondance » avec l’Autre Monde… Ils y ont eu accès par leurs mérites… Ce sont des « élus » significatifs et exemplaires… Ils ont su mettre en « relation » le féminin « extérieur » et le féminin « interne à leur personnalité ».. Et la conjonction et conjugaison harmonieuse des « polarités » a pu s’effectuer au sein de cette mise ne « vibration » d’ondes émanant d’un même Verbe et se « reconnaissant « unies » en Lui….

N’ont-il pas farouchement veillés sur les terres de la Déesse, sur les gardiennes de ses sources ?…

Ils dorment lors en son sein ou bien se réveillent en chaque être qui les incorpore on pourrait dire en ses « tripes » recevant l’adoubement tant pour la royauté, le royaume que la souveraine de celui-ci… Ainsi, il leur ai donné les qualités et compétences, attributs et fonction de leur « régence »…. Pour ces êtres révélés et initiés, C’est de « recouvrance » qu’il s’agit bien plus que d’une « découverte »….

Au VIIème siècle à Hallstat, la Déesse celtique mène le Char de la Vie sur le chemin des saisons entourée de cerfs, de chevaux et d’hommes… C’est Elle la grande « Conductrice » dont la fonction essentielle est de mener le terrestre vers le céleste, la matérialité vers la spiritualité… hier comme aujourd’hui et comme encore demain !….

 

De "l'oeuvre au Noir" à l'oeuvre au Rouge"

 

Le chemin vers la pleine Lumière, vers le Gwenved, vers l’apothéose du rayonnement spirituel, passe toujours par la porte étroite de l’obscurité… la barque qui aspire à sa « solarisation » se doit de naviguer dans la ténèbres de la longue nuit, franchir les passes des mois noirs et très noirs et cela n’est pas sans récifs ni écueils… Cela qui perd le fil conducteur et salvateur d’un moindre rai de lumière ne peut que « sombrer » au double sens du terme et plonger dans l’abysse des ombres…

L’œuvre débutée au « Noir » s’achemine vers l’œuvre au « Rouge » afin que, transformation après transformation, métamorphose après métamorphose, conscientisation après conscientisation, initiation après initiation, l’âme puisse de nouveau revêtir son habit de blanche lumière, son extrême blancheur alors que l’Esprit retournera à l’Esprit comme l’Amour à sa propre Source…

Tout ceci dans le succession méticuleuse et sagement maîtrisée des phases opératives menant à ces recouvrances ultimes….

 

Un saut entre deux berges

 

Trouvont la sage parole en ce dialogue d’ombre et de lumière ; la parole accordée, mesurée, concordante… Mouton noir devient blanc et mouton blanc devient noir en sautant d’une rive à l’autre !…. Blanc et noir, noir et blanc, nous sommes selon !…. L’important n’est-t-il pas le saut entre deux berges ?…

Alors « sautons » l’année et franchissons gaiement… le gué !….

 

Bran du

24 10 2011


Notes

Les ouvrages de Françoise Le Roux et de Christian Guyonvarc’h sur les fêtes celtiques vous seront d’un grand éclaircissement (éditions ouest France) je vous laisse les parcourir « bardiquement ». Ils contiennent ce qu’il est utile de « savoir ». A retenir cette présentation de Samain à partir des quatre saisons du blé :

1 ensemencement, enfouissement, décomposition

2 Germination dans le sein matriciel. Apparition du « blé en herbe »

3 Croissance, élévation, maturation

4 Fructification…. Moissons/récoltes… Graines pour l’ensemencement futur

Cela est transposable en tant que cycle analogique en nous-mêmes et se place sur la roue de l’année…

 

On liera les notes instructives sur le festin de Tara, les grands événements mythiques ( batailles de Mag Tured entre les forces sombres et lumineuses, voyage de Cuchulainn dans l’Autre Monde ainsi que de Finn…)

On pourra aussi se référer sur d’autres plans au livre de Maria Fremann sur Vivre le druidisme au quotidien « Samain : une île de lumière au cœur de la marée montante de l’obscurité hivernale » avec un rappel sur la Chasse sauvage menée par Arthur ou le Grand Chasseur Herne pour ramener les âmes errantes à leur « foyer »…

 

 

 

                               



25/10/2011
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