Les dits du corbeau noir

DICTIONNAIRE DU MONDE CELTE PHILIPPE JOUET 1 BRAN DU 02/FEVRIER 2013

Philippe JOUET  le dictionnaire de la mythologie et de la religion celtique  
(Préface de V Kruta)   Editeur : Yoran Embanner  (extraits et commentaires Bran du)

Voici un ouvrage qui fera références pour toute étude digne de ce nom portant sur le monde labyrinthique et fort complexe de la société celtique… Un ouvrage parmi les plus érudits, les plus étayés, argumentés, soumis aux études et analyses comparatives du monde indo-européen, de la linguistique, des données disponibles… Un livre de chevet pour tout chercheur exigeant…

On ne saurait jamais assez remercier l’auteur pour un tel investissement et les approfondissements et élévations qu’il nous offre et nous livre (avec exigence) savamment et scientifiquement pourrait-on dire…

Cette « montagne », parcourue de nombreux sentiers tous aussi passionnants que riches en enseignements viables et fiables, nous permet de préciser, de surligner, d’amplifier, de compléter, les traits déjà brossés et esquissés des axes majeurs et des lignes de force de la pensée celtique et de continuer à dégager les « essentialités », les bases constitutives de celle-ci…

Et c’est merveille, enchantement, pétulance et jubilation que cela !

Etudiant en 1940 le monde Celte ML Sjoestedt disait en substance que « pensant découvrir un « cosmos », elle découvrit un « chaos » !

Il ne pouvait en être autrement car en ce monde on part de la nuit pour aller vers le jour, de l’ombre pour rejoindre la clarté, de la mauvaise période pour aller vers la Belle Saison et donc du Chaos pour rejoindre le « Tout cosmos » ! Et ce cheminement, qui est une véritable quête initiatique ancienne et moderne, ne saurait avoir un autre modèle que celui du passage des ténèbres à la luminosité tant externe qu’interne à soi-même, aux êtres, aux « mondes »  et aux choses…

 
Entrer dans le brouillard et les brumes celtiques, oser fendre le manteau d’invisibilité, nous ouvre les portes de l’Île d’Avalon, nous fait pénétrer dans les marais glauques de notre inconscient et nous achemine, au son du chant des "femmes-cygnes », vers des terres d’éternelles jeunesse, vers le banquet « aux cents musiques dans la nuit » !

Mais avant de tracer cette carte aux itinéraires fabuleux et serpentaires qui se frayent passage vers la pleine et mystérieuse lumière, lisons ce que l’auteur nous rappelle de la vision élémentaire, primordiale, originelle et originale, des êtres, des choses, du monde et de l’univers dans la conception celtique de ce qui « Est, fut et Sera »…

« …/… Il y a une solidarité entre les textes mythiques et religieux… Les textes mystérieux à expliquer demeurent plein d’attraits, empreints d’une jeunesse éternelle, sources d’émotions ou de divertissements…  On oublierait pour peu qu’ils témoignent d’une expérience et d’une réflexion, qu’en amont de l’édifice se trouvaient des conceptions, des idées, qui disaient la raison des images …/…

C’est un domaine labyrinthique… l’iconographie des anciens celtes est un univers aussi touffu et complexe que celui de la littérature traditionnelle. Les images ont presque toujours une signification symbolique…

La COHESION TOUJOURS !

Elle est, se tient, réside, s’affirme dans le discours…

On entretient cette cohérence, la « cohésion du monde » à travers des rites fondés sur la parole (lors par exemple des moments critiques de l’année, mise en place de « joutes oratoires » à cet effet…)  Il s’agit de régénérer le cosmos et d’aider au bon ajustement des saisons…


Nous sommes dans une conception qui implique la solidarité universelle (rien que cela mais tout cela !) et la responsabilité commune des hommes et des dieux dans un monde où le nom et la forme sont solidaires…

Les poètes sont conscients de leurs dons, de l’inspiration indispensable à l’animation des formes, de ce don hérité des « anciens à la baguette de paix. » (Ils descendent, dignement, des hommes, bardes, druides primordiaux tels Fintan ou Tuan)…

On est devant une réalité vivante, évolutive, un système cohérent d’idéaux et de valeurs transmis oralement de génération en génération….

Pour rappel le premier devoir d’un roi c’est celui d’assurer une générosité distributive…

Le monde celte a un goût fort prononcé pour l’énigme… et pour les rapports des hommes avec le sacré et ceux établis entre eux sous le regard et la garantie des dieux…

La science et l’intelligence sont inséparables de la méditation et de la manipulation des choses sacrées…

Il y a aussi solidarité entre les trois fonctions de la société… (Sacerdoce. Guerre et royauté, Production  et art …)

Les druides sont les « assistants », les techniciens du droit, de la parole et du rituel…

Nous sommes là face à une réalité dynamique et à une religion cosmique très ancienne où l’alternance saisonnière joue un grand rôle…

ET la CONCILIATION !

Il ne cesse de s’agir de se concilier les réalités naturelles extérieures aux hommes, d’entretenir au mieux les rapports avec l’univers et les puissances anciennes (celles qui perdurent durablement au-delà de l’évolution de la société des hommes…)

Si la religion a souci d’être aussi « communautaire et pratique » afin de permettre à la société des hommes d’évoluer en « équilibre et harmonie », elle puise son inspiration dans les modèles « métaphysiques » censés régenter toute chose au ciel et sur la terre…

On conçoit lors que les « dieux » sont liés au ciel diurne et que les « puissances envieuses » sont rattachées elles au ciel nocturne… Entre ces deux « entités » aux polarités antinomiques se tient un espace qui les sépare et qui est le domaine auroral et crépusculaire auquel la couleur rouge est associée…

On retrouve alors associées aussi à cela des divinités de l’année et de « la Belle Saison »…

Ainsi les héros ou le héros traversent « l’eau de la ténèbres hivernale » afin d’aller conquérir la dite Belle saison avec l’aide appuyée des « Aurores »… Il lui appartient ainsi de participer activement et courageusement à la restauration de « l’ordre diurne » ce qui constitue la « quête solaire » par excellence…  (On notera au passage que sous le substrat et le vernis chrétien du légendaire arthurien subsiste indéniablement une identique « quête solaire » !)

Il nous est rappeler et fort à propos que les dieux et les puissances, avant de prendre place dans les « institutions humaines » au sein des trois « fonctions » qui les régentent, étaient « sur le cercle de l’Année» !…

La passage des « eaux hivernales » est fortement aidé par la maîtrise du feu que ce feu soit celui de la vie, de la parole, de l’action, du sacrifice… Il ne saurait y avoir de « héros » qu’en celui qui sait et ose célébrer les épousailles de l’eau et du feu !…
(Qui sont noces d’amour, de forces, d’énergies et de lumières, comme tout sanglier, voyant, connaissant, barde et artisan celte sait !)

Les éléments (Air, Eau, Feu essentiellement) sont des « dieux mineurs » étroitement associés aux « opérations », actions et rituels indispensables au « passage » ce qui implique impérativement leur « maîtrise » et leur bon concours !….

C’est une religion polythéiste… Les dieux ne sont pas conçus comme « absolus » mais « corrélatifs » entre eux. Leur « destin » s’accorde au cycle de l’année.. Ils sont multiples et multiplement honorés… Et en dépendance mutuelle…

(Dans la population chacun peut avoir une dévotion personnelle et honorer une déité choisie… De même pour les « tribus » celtes réparties sur les grands territoires de la future Europe.)…

Il est difficile en l’état des données actuelles de se faire une idée précise de la notion de               « fins dernières » soit de la conception de « l’Au-delà » où se confond nébuleusement le royaume des morts, des héros et des dieux et pour une infime partie des humains aussi a priori…  Cela laisse donc de la place à bien des investigations et supputations et c’est tant mieux !

(St Pol Roux disait que la Bretagne ( le monde celte ) était un pays mystérieux qui ne s’ouvrait pas aux « imbéciles », entendons-par là qu’il faille pour cela du cœur, de l’esprit, de l’audace, de l’imagination, de l’obstination, du désir, de la volonté, du sens et de l’intelligence, du savoir faire, du savoir être, de la maîtrise, de la passion alliée à la sagesse….)

DES VALEURS SUPREMES :

La valeur suprême est l’excellence naturelle et fonctionnelle, d’où l’exaltation des dons et des savoir faire individuels…
Le bon poète est un bon artisan…
 Les dieux se distinguent par les arts et les techniques maîtrisées…
Actes et paroles sont liés…
La vérité, la sureté, l’accord, la juste mesure, la concorde, l’équité du jugement (royal) sont les garants d’une bonne et féconde harmonie entre toute chose…

Le mensonge « défait le monde » !

L’individu « jure par les dieux que jure sa communauté solidaire  (Tùath) »
Il sait en toute conscience le poids considérable des mots qu’il prononce et ce que ceux-ci engagent au sein des « mondes »…. En cela l’humain s’associe au végétal et à l’animal car tout participe du lien de la parole…
Cette société de tradition orale repose sur les engagements verbaux pris sous le regard des dieux…

Il n’existe aucune forme de prosélytisme dans le monde celtique ni de « conversions »…

Une vision du monde se dessine suivant laquelle l’univers, la société, la terre habitée, sont soumis à l’alternance cyclique du clair et du sombre, des dieux bienveillants et des puissances envieuses, qu’il faut constamment prévenir, équilibrer, conjurer dans l’intérêt de la Toutà (la communauté d’appartenance)…

La discorde demande impérativement remède… La dévotion voir l’expédition, l’invasion armée même, participent de cette « remise en ordre » impérative. Tout doit concourir à rétablir le bon ordre… Il s’agit de rénover absolument le « temps usé » discordant et de « guérir la terre »

Qu’il s’agisse des hommes ou des dieux, la communauté ne vit que tant qu’elle est au contact avec le vrai (viros) qui fonde le vécu (bitu)…

Les dieux ont besoin des hommes (des dieux qui sont fondamentalement des « pouvoirs »)…

Mythes, concepts, doctrines, se sont faits en langue celtique autour d’un noyau stable de conceptions…

La religion des Celtes est à l’image de leur culture, constituée de formes différenciées, organisées et coordonnées…

On constate une relative stabilité dans la tradition religieuse qui n’exclut pas des évolutions et des adaptations formelles. (Les débats théologiques ne manquaient pas dans la gaule indépendante !)  la continuité de la culture orale à protégé la mythologie, par delà les renouvellements de formes… On constate des évolutions de longue durée…

UN ART d’INITIES :

L’art de l’Europe protohistorique est l’expression d’un langage national qui vante le prestige, le pouvoir, la ferveur religieuse, selon les critères esthétiques précis de la création collective…        Les métamorphoses plastiques des artistes sont le résultat d’une réflexion cohérente des motifs et des intentions symboliques, cela puisé dans la pensée religieuse qui illustrent ces représentations…
L’anthropomorphisme est une limitation exceptionnelle ou une nécessité secondaire de la narration mythologique…

Les dieux sont des forces agissantes désignées par des noms d’abstractions ou des réalités naturelles… Ils ne revêtent qu’occasionnellement l’apparence humaine… D’où un vocabulaire particulier, métaphorique, allusif…

L’artisan Celte emprunte des motifs étrangers comme celui de l’arbre de vie ou des paires de dragons, mais les adapte à sa pensée et les associe avec l’axe des mondes, l’arbre du soleil, le centre sacré, le cycle végétal, l’opposition des puissances saisonnières…   Cette rencontre est des plus fertile !

L’idée d’une puissance impersonnelle est favorisée… Elle est présente et agissante dans toutes les formes et dans tous les mondes, y compris celui des dieux.
L’art provoquait la rencontre avec cette énergie fondamentale… Sa lecture demandait une « initiation »
A côté de la religion, par définition construite et sociale, devaient exister des voies de connaissances, de sagesses, de victoires, certaines extrêmement anciennes propres au milieu des « initiés »…

Les artisans celtes « initiés » ont contribué à former l’histoire de ce qui deviendra l’Europe à la sortie de la protohistoire…
La religion celtique serait grandement éclairée par l’étude de la mentalité celtique dans l’art et les techniques…

JUSTICE et EQUITE :

La justice comme la vérité sont une nécessité autant royale que sociale…

Et le christianisme ?

Contrairement à ce que l’on a pu penser la christianisation ne fut sans doute pas aussi « pacifique » que ce qu’on a pu en dire !…   Quelque soit l’appréciation qu’on porte sur les survivances païennes, il faut se garder de l’illusion d’une conciliation entre le paganisme celtique et le christianisme…
Les anciens dieux se sont réfugiés dans les tertres ou dans les îles merveilleuses…
Une image génétique de la cosmologie est remplacée dans le christianisme par une vue créationniste et une causalité rationnelle…


« Les Tùatha Dè Danann …/… apprirent la science et la poésie. Toute obscurité de l’art, toute clarté de lecture et toute subtilité technique, proviennent d’eux. Et bien que la foi soit venue, ils n’ont pas été abolis car ils sont bons. »  Lebor gabàla Erenn




Les bonnes questions ! :   (Commentaires   Bran du  08 02 2013)

En quoi ces données, ces informations, cette connaissance sur le monde celte sont-elles de nature à nous interpeller aujourd’hui « ici et maintenant » et en perspective d’avenir pour la société planétaire des êtres et des choses que nous formons si superficiellement ?

En quoi une société humaine qui se donne pour priorité la charge exigeante et permanente d’assurer des équilibres et des harmonies, nous concerne-t-elle dans la Conduite individuelle et communautaire de nos vies actuelles et futures ?

Ce n’est pas tant l’aspect « historique » qui nous interpelle, mais le fait que « l’Histoire » ayant voulu faire l’économie des mythes n’est plus qu’une histoire d’hommes privés des déesses et des dieux ; c’est-à-dire des archétypes de forces, d’énergies et de lumières à l’origine même du monde et de son évolution « intrinsèque »… De fait le constat est là dans toute son évidence : nous payons dramatiquement cette substitution arrogante et orgueilleuse de l’esprit par la matière rebelle à toute véritable et profonde spiritualisation !…

Nous sommes en pleine mutation sociétale, en quête de phares aptes à éclairer l’océan tumultueux et plus qu’incertain de notre siècle… Beaucoup de veulent plus attendre sur le rivage qu’un monde qu’il ne veulent pas, qu’il ne veulent plus, les submerge et la terre avec eux… 

 

Nombreux ceux et celles qui se lèvent dans l’obscurité d’un millénaire borgne ou aveugle afin de chercher l’essentiel de leur vie et de leurs espérance…

Dans le creux des vagues existentielles, ils trouvent force et courage en quelques étoiles qui pointent à l’horizon et parmi celles-ci celles des sagesses et anciennes Traditions dont celles plus spécifiquement adaptées et consacrées pour nos entendements majeurs et nos sensibilités dites occidentales qui relèvent d‘une constellation, d‘une promesse stellaire, appelée Tradition celtique…

7 étoiles au ciel qui sont toutes reliées entre elles afin de faire progresser la barque de l’esprit parmi la houle ténébreuse de notre temps : Cohésion - Equilibre - Harmonie - Conciliation - Régénération - Solidarité - Evolution…

C’est là un modèle « anhistorique », une source pérenne d’entendement qui nous conduit vers l’estuaire absolu et infini d’une immortalité cosmique…

Face à nos modernes « puissances envieuses » génératrices de tous les fléaux et maux avec lesquels nous épuisons notre être, nos sens, notre intelligence, nos aspirations, que pouvons-nous efficacement opposer avant d’ultimes destructions ?

Un septénaire de réponses, de résolutions !

Nos mots font beaucoup de bruits pour rien, le silence est mille fois plus élogieux qui secrète en lui-même la sève principielle d’un futur arbre de vie irrigué d’eau et de feu, de sel et d’embruns, de miel et de résine, de paroles nues et offertes comme autant de chants d’oiseaux à la fourche des mondes…

Rendez-vous nous est donné selon notre bon vouloir, notre ardente volonté, notre joyeux et bondissant désir, sur le Cercle de l’Année afin de prendre les dieux par la main et les déesses sur notre poitrine et entamer une danse, une ronde de vie et d’espérance, pour le sacre de ce qui « fut est et devient » de tout temps et  pour tous les temps !

Que demande cela si ce n’est que l’excellence de ce que nous sommes et aspirons à parfaire afin que la vie soit régénérée et nous  et tout le « vivant » avec elle… Est-il un plus prodigieux, époustouflant, plus pertinents, projet proposé à notre vie que celui-ci ?

Aidons ce millénaire a traversé sa « grande nuit hivernale », allons affronter avec sens et intelligence, au gué périlleux, toutes ces puissances envieuses et destructrices qu’alimentent notre peur et notre ignorance et ceux qui les entretiennent à mauvaises fins…

Nous sommes tous et tous de futurs héros solaire, alliés des aurores bravant les crépuscules !…

Exaltons ces dons reçues de nos marraines les fées !

Lions par serments élémentaires en une gerbe de moissons heureuses l’acte et la parole…

Que le végétal, l’animal en nous se conjoignent à notre humanité afin que soit rétablit sur le trône du destin et du devenir le royaume de vérité et d’équité, afin que la Pierre souveraine puisse crier sans mensonge notre nom d’homme et de femme aux étoiles !

Plus de discordes dans les cordes de la harpe du monde… Trois modes pour trois mondes, et ce, pour la douce musique des sphères !…

Faisons ensemble réponse à la question de savoir « comment guérir la terre » …

Faisons de nouveau Cercle autour du Centre sacré, sous la coupole arbustive et armoriée de l’Arbre de nos Pères, sous le chêne tutélaire des serments enflammés…

Ensemble, tous ensemble, cœur à cœur, main dans la main, mourrons, symboliquement, analogiquement, de saison en saison, afin que tout soit recommencement, renaissance, régénération !

Soyons cette note accordée, harmonisée, cette humaine partition d’un monde recomposé…. À l’uni-son !…



08/02/2013
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