Les dits du corbeau noir

Réflexions et étude : L'initiation bardique ou l'histoire de Taliésin Bran du

Réflexions : (A partir de l'Histoire du Barde Taliésin) Bran du Juillet 2014

 

De la Parole, du Langage, de l'Initiation poétique et de la Fonction bardique....

 

Il ne s'agit pas tant de faire, mais bien de savoir-faire ce qui implique à la fois une conscience et une connaissance à l'oeuvre...

Il s'agit d'être et tout autant de savoir être et cela implique la même association...

Faire est, initialement, à l'origine, un acte hautement poétique soit l'expression au plus haut degré de l'intelligence et des perceptions sensibles d'un individu qui façonne son être afin de le démarquer à la fois de l'uniformité sociétale et de le conjoindre à la Création "universelle" toujours à l'oeuvre en ses lois d'évolution...

La poésie implique, suppose, nécessite l'Etre au sein d'un processus créatif qui replace le dit être en conscience et connaissance, en une "présence au monde" à la fois réfléchit et active...

L'être ne créé véritablement qu'en conscience et connaissance. Il se "fait", se construit, s'étoffe, s'élève, s'élargit, à travers cette dimension créative qui enfante et réenfante sans cesse son "singulier pluriel"...

Etant au coeur de la création, il vibre à l'unisson de ce coeur dont il est l'un des battements...

 

Art, Création, Initiation, Etre, Inspiration et Souffle, Eau et Feu, Chaudron et Athanor, Parole et Langage, Origine et Fin, Conscience et Expérience, Equilibre et Harmonie, Belle Saison ou Traversée hivernale, Transformation et Métamorphose... voici les outils, les instruments de prédilection, pour faire de notre "destinée" une Oeuvre à part entière...

 

Pour explorer cela : un thème de la littérature et du légendaire celtique :

 

L'Histoire de Taliésin ou comment un jeune guide d'aveugle "Gwyon Bach", devient un "front brillant" soit l'un des plus grands des bardes que le monde celtique ait connu (Avec Merlin et Aneurin...) ?

Pour Philippe Jouet, spécialiste de la religion et de la mythologie celtique, ce personnage dont le "modèle" se suit à la trace dans la littérature et le légendaire des Celtes, serait l'illustration parfaite d'un schéma ou processus d'Initiation poétique...

Par "initiation poétique" il faut entendre l'acquisition, après la réussite à diverses épreuves, de l'Art suprême ou majeur de la "Parole de Feu" produite par une Inspiration des plus divines et sacrées qui émanent du chaudron des origines et de l'univers lui-même...

 

La parfaite "maîtrise" du Feu de la Parole est l'aboutissement fonctionnel, l'achèvement final de l'être pleinement accompli....

Le barde à "vision" et "perception" des trames sur lesquelles se monte la lice de l'évolution de tout ce qui vit... Il est voyant au sens "rimbaldien" du terme puisque "dérobeur de feu", d'un feu qui l'anime avec flamboyance ( l'éloquence est ici flamboyance )... Il sait que ce feu avec lequel il forge son être et son "dit" peut tout autant détruire et consumer celui-ci, s'il manque aux obligations qui naissent de son investiture ignée ( l'initiation relève ici autant du feu, du souffle que de l'eau...)

Dévoyer la voie c'est se perdre irrémédiablement dans un labyrinthe matériel inextricable et devenir semblable aux eaux noirâtre d'un marais officiant dans la putréfaction de tout ce qu'il contient et enserre...

Servant le Souffle dont il est l'instrument, la corde et le son, il ne peut que sonner juste, toute dissonance entraînant un parasitage et un "choc en retour"...

Servant le Feu, il ne peut qu'obéir à ses lois faute de quoi ses propres flammes se retourneraient contre lui... Il en va de même de l'eau...

Ainsi sont les "geis" du barde ou "interdits" liés à sa fonction, à ses initiations renouvelées...

Il ne peut être que digne de la branche d'or ou d'argent qui couronne son "front brillant"...

Toute défaillance et la couronne de chêne enfonce en son coeur de noires épines...

 

Par la maîtrise du langage, il fait mouvoir et s'émouvoir les mondes... Il taille et il sculpte le Verbe, la Pierre et le Bois du Verbe...

Il ne peut se permettre d'erreur ni de méconnaître les veines de la pierre ou du bois ou alors c'est son propre sang qui se répandra sur son geste maladroit...

On mesure ainsi l'exigence d'une telle fonction, d'un tel "sacerdoce" !...

 

Taliésin ne devient ce "haut couronné" de la fonction bardique qu'après un long processus de régression par rapport à son "humanité"...

Pour comprendre le feu il doit devenir ce feu des origines, de même pour l'air et le souffle, de même pour l'eau de l'océan premier...

Ainsi cette mise à nue, ce dépouillement de sa chair d'homme, afin de revêtir l'écorce et l'écaille des commencements... (Ce qui est le sens même d'une initiation à l'Essence de toute chose !)

 

Par la triple consécration originelle (un triptyque initiatique donc), il acquiert les "facultés", les "vertus", les capacités, inhérentes à ces "matériaux de construction" qui prennent lors une coloration, une vibration, symbolique et analogique, armant le langage d'une lance et d'une épée forgées de forces, d'énergies et de lumières "Incréées"...

 

Au fléau de l'ignorance, il oppose la co-naissance...

C'est-à-dire la science de ceux ou de celle qui ont su mourir à eux-mêmes, qui ont accepté leurs imperfections et qui ont su s'offrir, dépouillés d'orgueil et de mensonge, aux différents stades déstructurants qui seuls autorisent un remembrement

de la "personne" en des strates successives et évolutives, de "conscientisation"...

L'épuration des "corps" s'accompagne ici de celle du coeur et de l'esprit !...

Le "corps nu" à ainsi pu recevoir et accueillir, avec désir, volonté et lucidité, les étapes de sa transformation, de sa "recomposition"...

Le grossier et insipide breuvage existentiel devient alors un Cinabre, une Liqueur du vivre, un Elixir de jouvence et "d'immortalité"...

Le futur "barde" couronné naîtra de son propre athanor, dans son laboratoire intrinsèque et spécifique dont il est le seul "opérateur", le seul "alchimiste"...

Et cela vaut effectivement de "l'Or" dans une équivalence solaire de "rayonnements" bienfaisants...

 

Nous ne sommes poètes ou bardes qu'une fois ces étapes franchies avec succès...

Ayant côtoyé de très près "l'envers des êtres et des choses", nous saurons d'autant mieux habiter leur endroit !

Qui n'a été feu ne peut comprendre la flamme...

Qui n'a été eau ne peut comprendre le fait de s'écouler et de se répandre...

Qui n'a été Souffle est déjà mort !...

 

 

La "Parole", en son cri, en son dit, en son chant, en sa flamme originelle est au commencement de toute chose d'où son rôle féminin "d'initiatrice".... La Femme est feu, feu qui se mêle !...

 

Le pas sage du non-être à l'être, de l'informe au formé harmonieusement, de l'incohérence à la cohérence, est un passage sur l'eau et implique une traversée, une "science de la navigation" et de l'orientation... notre destin cherche sa destination !...

Le "Moi" est appelé à trouver la passerelle, le pont qui le relie au "Soi", son "Etoile polaire dans l'océan de ses obscurités"...

La vie naît de la Parole, du son jaillit.... Vivre c'est restituer sa parole à la vie afin qu'elle jaillisse autant de notre braiser que de notre source ou fontaine...

 

Comment faire d'un individu indifférencie, normalisé, aseptisé, pasteurisé, formaté un être animé d'une fonction poétique lui donnant et lui procurant une "vision" source d'entendements et de compréhensions en de nombreux domaines ?

 

C'est peut-être à cette question que répondent les mythes et les récits anciens porteurs d'une sagesse inaltérable, fruit des capacités cultivées et entretenues d'un discernement permanent et d'une aptitude affinée à la transcendance des "oppositions"...

 

Du Chaudron, qui repose sur un trépied d'entendement ou qui est suspendu à la triple chaîne de la compréhension, se répandent trois gouttes d'une "Eau de feu" qui est une "Eau de Vie"....

Mais, ces trois gouttes, qui jaillissent au bout d'un cycle d'un an et d'un jour, sont "destinées" à celui ou à celle qui sont prêt à "entrer en "état de poésie" et à subir pour cela tout un ensemble d'opérations de "démantèlements" faisant d'eux les "architectes" de leur renaissance...

 

Nous sommes tous et toutes, potentiellement, en "capacité et faculté" de "faire" soit d'oeuvrer en Poésie... C'est par ce "Fer" là que se forge l'Homme ou la Femme qui se veut Etre !...

 

Dans le monde Celte la Poésie, expression de la Parole de Miel, du Cri des Origines, du Dit de l'Univers, de l'Enflammé des Mondes, est au premier rang des vertus et valeurs attribuées à l'humain...

Ce langage poétique contient tous les sons, tous les phonèmes, toutes les syllabes, toutes les voyelles et consonnes, qui vibrent en accord, en concordance, avec les Lèvres mêmes de la Création...

Fées et déesses veillent inlassablement sur le berceau du langage poétique, elles en entretiennent le feu permanent et en gardent les sources les plus secrètes...

 

Taliésin n'est né ni de père ni de mère mais par intervention divine... Il sera formé de 9 éléments dont l'eau, l'argile et des végétaux (plantes et arbres)...

Il s'agit là de son "Initiation"... De sa naissance "géo-poétique" qui est le fruit d'une volonté divine car la poésie est (dans le monde Celte), avant toute autre forme d'expression, celle du sacré et du divin...

Il est dit Fils de Dôn... Soit de la Grande Déesse (équivalente à Dana en Irlande)... C'est dire s'il est le "Fils de la Mère" qui comme Brigit l'irlandaise préside aussi à l'Inspiration poétique et aux enseignements majeurs ( tissage, forge, médecine, agriculture etc...)

 

Le barde vient chercher la dite Inspiration au bord des rivages et des rives , là où s'écoule l'eau d'ici et l'eau de là ! C'est quand le soleil disparaît, se fond, dans l'immense cuve d'eau, dans la Matrice liquide, que, lors, brasille l'Inspiration...

 

Le barde est bien "Fils de la Mère", mais cette Mère est aussi l'océan de tous les possibles...

 

Terre et eau façonnent le Poète qui lors se fait "terreau "apte à recevoir la semence d'être, la graine poétique... Et ce, au sein de la "danse enspiralée du feu" attisé par un souffle divin...

 

Mais point de poésie, point de poème si mes lèvres sont de cendre et de fumée humide !...

 

Taliésin "existe" en tant que "Porteur de la Digne Parole"... La Parole l'a fait naître et renaître...

Il est et demeure à jamais dans la Vibration sacrée d'un Verbe innomé...

 

Il y aura lieu de "dénouer le sac de cuir", de libérer l'âme de son enveloppe de chair afin qu'elle anime enfin son "coracle" en le poussant au-delà de la neuvième vague, au-delà des peurs, craintes et réticences humaines... Le poète lors prendra la barre de son Bateau-Maître...

 

Lors la parole des mémoires abreuvera les terres du devenir..

L'Etoile s'en viendra au rivage des hommes...

L'hiver aura son "conte" et celui-ci sera fleurit comme l'arbre au printemps...

 

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Compléments :

 

Histoire de Taliésin  (suite) En résumant quelque peu :

 

Pour Philippe JOUET (Mythlogie celtique) l'ensemble du récit est relatif à une INITIATION POETIQUE...

Laquelle implique le pas sage à travers un certain nombre d'épreuves                ( l'épreuve surmontée ayant valeur de preuve des facultés et capacités acquisses)

 

La poésie est liée au Verbe et au Souffle, à tout ce qui a présidé à la création du monde et de l'univers...

 

C'est l'acte créateur par excellence... Il est à l'origine de tout être et de toute chose... Le son, la vibration, poétique sont la manifestation d'un principe, d'une Essence, d'un Anima sacré et divin sans lequel le monde, la vie, ne seraient pas, n'auraient jamais été....

 

La Poésie celtique c'est l'acquisition (par phases initiatiques) du FEU de la PAROLE, sa maîtrise à travers la connaissance et l'expérience que l'on en a fait et que l'on peut valablement exercer en temps que dépositaire de la Mémoire originelle et visionnaire du devenir...

 

La racine (grecque) du mot poésie est liée à la notion de faire et de fabriquer, c'est à dire à la faculté de créer, de mettre au monde, d'oeuvrer en ce monde en co-participant de son heureuse évolution... Et ce, à partir des notions fondamentales d'équilibre et d'harmonie que régente l'art de la Parole ignée...

 

Ce récit aurait donc pour fondement d'instruire l'apprenti barde sur les épreuves qu'ils se doit de réaliser et de vaincre afin d'obtenir « authentiquement » sa branche d'or ou d'argent emblème de sa capacité poétique à « co-animer le monde, la vie, la création »...

Il devient lors partenaire du souffle vital, du verbe de toutes les conjugaisons...

 

le propos étant de faire d'un être ordinaire ( mais prédestiné cependant)

un « docteur en science bardique et poétique »...

 

Cela revient à faire comprendre quelle place la Poésie devrait avoir dans nos cœurs et dans nos sociétés humaines... Reléguée aux bas étages de l'élévation sociale, remisée dans les caves de l'oubli, nous sommes, sans elle, condamnés à la « morosité », livrés à nos illusions et artifices, soumis à nos diktats égotiques...

Nous devenons des « désenchantés » de l'existence....

 

Nous avons en nous tous un « chaudron » qui attend qu'on le fasse bouillir afin de nous permettre une « nouvelle naissance » qui nous remettra au monde avec des yeux neufs, un cœur éclairé et conscient, une compréhension de la vie elle-même et de ce qu'elle attend de nous...



04/07/2014
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