Les dits du corbeau noir

Nadine DUPEUX Tisserande d'espérance

Nadine DUPEUX   Extraits de lectures (La Vieille Rivière, Une Médecine de l’Attente / Aubracs et autres océans…  A aussi publié :Ces Buissons ardents/ De la Rigole et de l’ombre / La Part de l‘Herbe / Lozère premier vent…)



Nadine tisse les végétaux, expose ses oeuvres et enseigne l'art de tisser et d'assembler des éléments de la nature

 

« Avec cette soudaine solitude je comprends la force du lien intime qui me rattache au monde. »  Eric Du rousset (habiter poétiquement le monde)

« Le seul but qui mérite notre labeur est de devenir ce que l’on est. » Nadine Dupeux

« A quoi ontologiquement, sont destinées nos mains ? »   Nadine Dupeux

« Plantes et hommes sont indissociables »  « Il s’agit de constater le lien vital que nous entretenons avec le végétal »…  Nadine Dupeux

« Le grain est le fruit du fruit de l’arbre, et promesse de l’arbre. Ainsi suis-je le grain : comme Elie lové sur son tapis et adoptant l’allure du germe. Je suis promesse de ressemblance. En moi, tout est déjà semé, tout est là prêt à advenir. Car je suis déjà, quelque part, hors le temps, accomplie. Et cette image me modèle, m’appelle et me conduit. »   Nadine Dupeux

…A chaque rencontre nous ne rencontrons que des autres « nous-mêmes », ainsi celui qui m’irrite tant n’est-il que le miroir de ce qui en moi est irritant…

 …jamais nous ne rencontrons « d’autre » que nous-mêmes dans la forme de conscience qui est la nôtre…  Chercher à rencontrer le végétal semble alors dérisoire ; mais c’est précisément dans cette limite que j’évolue… à travers l’if et la ronce, le jonc et le maïs, je me retrouve comme dans autant de reflets de ce que je suis, dans un monde éclaté de fait et que seule ma conscience maintien dans une semblance de cohérence…
Il est infiniment plus facile de contempler un « autre » que de se voir soi-même…

 … …/…« nous autres humains avons cette particularité de concentrer en nous les autres règnes, d’en posséder des aptitudes, d’en refléter des postures, extérieurs ou intérieurs…

La pensée séparatrice qui me maintient dans l’illusion que mon voisin, mon amant, la ronce ou ce cahier sont des « autres » qui coopèrent à mon histoire n’est elle également qu’une idée fausse. La réalité est que nous sommes fondamentalement constitués des mêmes matériaux, le livre, l’ortie et moi, mon corps et mes pensées. Au niveau quantique, en effet, ainsi que le démontre le médecin indien Deepak Chopra, auteur du « corps quantique », il n’est pas de rupture : une particule n’apparaît que là où l’observateur l’attend… Elle peut même être aux deux endroits ou deux observateurs distincts l’attendent… Elle est « onde » et « particule » immatérielle tant qu’aucune conscience humaine - l’observateur et sa pensée - n’est là pour attester de sa présence, et matérielle si l’observateur se présente, lequel le fait alors littéralement, surgir au monde. La pensée a créé la particule, c’est-à-dire la matière…
Mais d’où vient la pensée ?

D’un « réservoir-source » universel qui anime toute chose appelé par deepak Chopra « l’énergie non localisée »…
Car je suis le fruit de ce monde, mais aussi son prolongement et à ce titre auteur à part entière et cette sphère d’existence. C’est là que réside la véritable liberté, là que toute création prend forme.

Tenter un « regard-source » sur la plante mène à l’anthroposophie (R Steiner) et à sa théorie des signatures, surtout à une forme d’investigation créatrice qui lie l’intuition et l’observation à la connaissance, dans un va et vient constant. C’est sur cette méthode que je fonde mon travail avec chaque plante selon mon intuition, en étant attentive aux pensées que cela génère… »


« Avec cette soudaine solitude je comprends la force du lien intime qui me rattache au monde…

Une médecine de l’attente : médecine fait ici référence à la tradition amérindienne
Avec le sens de force, de puissance…  (selon Raphaël Payeur…) un schéma autour duquel s’organise l’univers tout entier… Les 4 points cardinaux ne sont pas de simples directions ils incarnent les quatre voies que nous sommes invités à expérimenter dans notre vie, les 4 étapes de tout développement psycospirituel…
Le Nord : la nuit, l’hiver, un lieu d’introspection (pour sonder notre âme) (l’animal totem est la tortue) c’est le lieu du jour naissant et du printemps…
L’Est : la source de toute lumière et de tout développement ( animal totem : la grenouille qui appelle la pluie bienfaisante, source de fécondité)
Le Sud : lieu de rayonnement correspondant au milieu du jour et à l’été. L’animal emblématique est le papillon qui évoque un état de réalisation plénière.
L’Ouest :espace de remise en question associé au crépuscule et à l’automne ( animal totem le faucon, l’oiseau qui s’élève jusqu’à la demeure du Grand Esprit)

Au terme de sa rotation, la roue d’une vie d’homme a balayé les quatre « orients » fondamentaux et chacun a su trouver sa juste place, en harmonie avec la communauté dont il est une composante d’une part, et le ciel d’où tout projet se fomente d’autre part…

Une seconde roue s’offrirait à l’homme accompli ; c’est la roue chrétienne (NDR ????????)
Elle replace la perspective pourtant pleine de la première roue dans un mouvement  plus vaste encore, lié à une idée de fin, de nécessité ontologique inhérente à l’existence même de la vie. Les hommes en s’accomplissant accèdent à un accomplissement plus grand encore , c’est la spirale ascendante de l’évolution et de l’accomplissement des temps… Tout porte à croire qu’au-delà d’autres roues encore sont en attentes et que ce ne sont pas des roues que nos vies parcourent mais un escalier en colimaçon, aux apparentes plates formes circulaires….

Le méandre de la vieille rivière est « le lieu de l’attente »… (Avec son mystère conservé de son ammonite, avec l’implantation énigmatique de la chapelle et de l’ermitage « N D du Bon réconfort »…)
(Un site véritablement magique, respirant, vivant et mystérieux) (En lui nommer les replis de l’espace, niche et demeure, pour de fascinantes plates-formes d’envol…)

Je l’aurai arpenté avec des yeux de mendiante de la vie et j’y aurai acquis une    certitude : l’amour n’est rien d’autre qu’une ouverture… sur le monde extérieur sans doute mais aussi sur les mondes en dormance, en souffrance, en béance au fond de nous-mêmes. Et on peut accéder à ces tréfonds en portant son attention sur les événements du dehors. Car extérieur et intérieur sont en perpétuel dialogue, rien n’est étanche dans l’existence gigogne qui est le nôtre ; tous les modes d’existence sont logés les uns dans les autres, et l’on ne rencontre perpétuellement QUE soi-même, où que l’on se rende, où que l’on porte son intérêt.

Il me semble également que les univers de l’histoire sont eux aussi poreux, que maintenant les âges de notre cursus humain où nous cheminions dans un corps gazeux, les futurs om nous nous verrons marcher sur l’eau parce que quasiment nous serons redevenus lumière, toutes ces strates que l’on dit chronologiques ne sont-elles mêmes que des espèces gigognes et que tout est LA déjà, dans sa complétude et son accomplissement.

L’essentiel a été touché : de cet hiver profond qui ankylose l’échine du lieu je ne vais retenir que le long et lent mouvement qui souffle des profondeurs sur les cycles et les métamorphoses…

……………

Je renoue avec l’herbe…

Ce que veut l’arpenteur (de l’imaginaire) (dans une douce estompe) ce n’est pas tant de flairer le paysage que de se mesurer à lui, ce qu’il aime c’est mettre en marche ses pieds; ce qu’il veut, c’est faire claquer la terre, la forcer sous ses semelles à rendre sa vastitude, à livrer son étendue..
Il aime entendre la terre chuinter, craquer, soupirer lorsque se déployant devant lui il en mesure la couleur, la saveur et le grain.
Qu’elle l’aspire, l’agrippe, lui résiste nimbée d’herbailles où s’offre ronde et lisse dans son manteau glacé, auréolée de feu ou noyée d’ocres bleus, la terre lui est une femme promise, une tendresse immédiate, un amour sans attente, sans retenue, insondable. Un secret à la mesure de ses grandes poches, de ses grandes mains, de son cœur à méandres.
Le marcheur à la plaine contre son flanc, et l’étendue attend sa paume pour exister.

Il allait pour voir. Puis laisser.
Laisser? Laisser n’est pas abandonner.
Laisser et rendre les choses à elles-mêmes. Les soulever de la poussière où elles s’assoupissaient pour les laisser tinter. Les exhumer d’elles-mêmes, les nommer au jour. Pour qu’elles naissent à leur propre vérité.

A chaque regard actif « son cœur nommait » et « s’opérait en lui une imperceptible métamorphose »…(parfois il ne pouvait plus quitter, plus nommer… trop de chair pour alourdir l’avance, trop de chaleur au sein de la chair. Un trop plein de voix, de rires, de soirs chargés de chants dans le regard…)



09/12/2012
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