Les dits du corbeau noir

Marie Antoinette Porz-Even (extraits)

POESIES



A la rencontre de Marie Antoinette Porz-Even    PJO ed  TABOU (extraits) et autres poèmes (extraits)
Merci à Erwan Porz-Even pour m’avoir communiqué cet ouvrage et avoir filialement rassemblé quelques écrits de sa mère…

Xavier GRALL à prêté son esprit et sa bardique plume à la préface de TABOU qui dénonce à la fois les essais nucléaires français en Océanie et fait ode et éloge à un continent qui se dresse dans son sel et ses ocres, comme une statue interpelative face à l’horizon enténébré des hommes…

La Femme ici concélèbre l’union des cercles qui s’épousent en leur centre et dont le cri et le chant rayonnent et se diffusent dans l’infini de l’univers…

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TABOU (TAPU)

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Extraits de la préface de Xavier Grall :

« Tous les amours sont insensés …/…
Les Celtes qui ont toujours répugné à créer des Etats, et donc des raisons d’Etat, ont cette grâce là : combattre pour le rite, la parole et le cri …/…
Nous sommes quelques-uns encore qui passons notre temps à entretenir le feu. Et toute la poésie du monde frappe au loquet de nos demeures.
Et nous sommes de cette race que des esprits forts prenaient pour archéologiques. Maya, Aztèque, tahitien, celte, le temple est encore debout, et vertes les racines dans la pierre broyée… »

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Commentaire : Bran du

Xavier  Grall note au passage « les splendeurs succulentes de St John Perse » qui émanent de la poésie de Marie Antoinette Porz-Even. J’ajouterai que je trouve aussi en ce langage cosmo-tellurique
des accents de Victor Segalen dans les Immémoriaux par exemple… Xavier Grall a parfaitement présenté cette voix solaire et flamboyante - l’incandescence du sacre - qui fait feux de ses mots et brasier rougoyant de sa parole… Il est indéniable que parmi ces flammes aimantes et rebelles se tiennent des braises que Victor Segalen et St John Perse  (des frères curieusement ennemis) n’auraient pas reniées comme sœur de leur poétique foyer…

Je ne connais de l’auteur que ce modeste, vibrant et dense ouvrage, que ses incendies salutaires, que ses embrasements de chair et de songe, que ce reflux des marées de la vie déposant son sel et ses silex sur la grève de mémoire…. Ce sont ces mots des coquillages à la nacre précieuse que l’astre du jour et celui de la nuit revisitent, secrètement, de leur émoi et de leur tendresse…

Tout fragment exprime en ses ambassades l’émanation d’un Tout. Chaque poème est partie de ce Tout et donc le Tout lui-même. En Cela et par Cela, le poète, enfante et restitue au monde le chant, la complainte, le cri, la gwerz, l’ode, l’incantation qu’elle soit d’Armorique ou d’Océanie….

Voici quelques fragments qui laissent à votre pensée et à votre cœur le soin d’en recoudre les bords afin que soit posé, sur votre nudité première et la volupté de votre attente,  le doux et infini manteau de la Lumière !

 

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Les CHANTS DE SARAH   Marie Antoinette PORZ-EVEN   (extraits) PJO editeur
Inspiré du cantique des cantiques…  (Poèmes pour orgues et ballet d’ombre) 1970


 

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En  Résonances et pour entendement……..  Bran du       06 06 2013

Le chant de vie est un chant d’amour que la mort moissonne comme un épi de chair, de frissons, d’extases et de songes….
L’instant seul libère de cette emprise, de cette ponctuation conclusive et définitive, de l’achèvement final qui mouche les étoiles de nos yeux….
Et cela se tient là, ici et maintenant, dans l’instant de l’instant…

L’amour est une torche de résine fauve que la nuit souffle et éteint quand s’ensommeillent les amants…
Se dénuder de cela qui, à l’ordinaire, s’interpose entre la vague et la grève afin que le sel soit d’un commun et immense recouvrement pour cela qui s’offre aux houles blanches et écumantes des mains et des paumes, aux rouleaux enfiévrés des corps en leur amplitude à être, à donner, à recevoir…

Célébrer… mieux, concélébrer le rite liant l’eau et le feu afin que soit la gerbe humaine, le tison d’offrandes, la corbeille du mariage où fusionne la braise et l’écume, le printemps et l‘été, la nacre et l‘obsidienne, la sève et les résines…

La vie, là, debout, dans son torse de puissance, ses épaules à l’aplomb des verticales du ciel… la vie faisant face, imposant sa figure, renvoyant la mort à son reflet, à ses miroirs…

La vie, sous l’écaille du chant, sous l’aubier des clameurs, sous l’écorce du temps, sous la ramure de l’été, sous la plume des envols… 

La vie accordée, ajustée, scellée sur son désir, fondue et forgée dans sa volonté même et parcourue d’alliances comme des lianes partant à la conquête du ciel, comme le cri enflammée qui embrase la nuit consumée de ferventes ardeurs…
L’amour, rouge ici comme la gueule d’un volcan dont la lave incarnate dévale les pentes alanguies et offertes…

Toute mort se penche sur le berceau des naissances, s’invite comme marraine d’un temps à venir…

Il est doublement mortel d’ignorer cela !

« Faire sa vie » à pour sens originel le fait d’incarner en soi et à travers soi un « acte poétique »… Nous ne « faisons » jamais « l’amour » ;c’est l’amour qui fait de nous son « poème »…

Le poète en son extrême féminité, est ici, présentement, en pleine possession de la maîtrise et de l’ivresse de sa polarité qui est initiatique par excellence. Il ou elle offre à l’univers et restitue aux « dieux et déesses » (dont la conception « métaphysique » est faite de forces, d’énergies et de lumières), le chant final qui englobe tous les autres chants pour les rassembler, contentés et repus, sous les heureuses paupières du silence…

La Femme, qui fait jaillir et hisse sa clameur dans le champ des étoiles, nous rappelle que la vie est JOUISSANCE ; exaltation alchimique, sensuelle et poétique de tous les sens rendant hommage à l’Essence de tout être et de toute chose…

L’oraison se fait incantation et la pierre se fait torrent…. Et des silex conjoints étincelle la Danse qui tisse et retisse les fils invisibles mai solides de ce qui s’enlace et « s’enspirale » dans le Sacre et l’Union…

Il revient de loin, il remonte du plus profond, ce chant que des hommes d’Eglise et d’Etat ont voulu, de tout temps, enfouir et maintenir cloitré, étouffé, dans la gorge brûlante du vivant…

Si l’on n’a pas « conscience » de ce que les siècles, mâles et humains, ont retenu, asséché, des sèves et des rus à seule fin d’asservir les corps et les sens au désert de leurs paroles et de leurs idéologies, on ne peut pleinement concélébrer leur flamboyante et ruisselante libération !…

Marie Antoinette PORZ-EVEN à écrit, de sa sueur trempée d’aubes et de crépuscules, d’élans et d’anxiétés, ce cantique d’Amour pour Cela qui en Elle oeuvra à façonner et sculpter l’argile de sa chair et de ses désirs… Cela par qui son être trouva le mot et le mot son poème de glaises bleues et vertes, de tangues d’ocres jaunes et roux…

Toute femme qui chante, gémit et cri en sa pénétration solaire ou lunaire est un astre vivant, une « Etoile qui danse », une comète qui zèbre les ténèbres pour annoncer aux hommes qu’ils ont, ici bas, ici et maintenant, compagne de ciel et de terre, d’espérance et d’avenir ; compagnes sans lesquels ils ne sauront, de la vie, que le versant de la mort.

Les sens convoqués en leur bouquet d’offrande redonnent au mot « sacrifice » son sens originel et premier qui se veut « rendre sacré » tout ce qu’il touche, formule, exprime et remet au(x) monde(s)…

On ne saurait mesurer la démesure de ce sacre qui appartient à l’infini et à l’immensité…

Chaque couple qui s’enveloppe dans le drapé d’une nudité écarlate est Cela, atteint Cela, exalte Cela, mais combien à le savoir, à le célébrer, à le vivre, à l’immortaliser ?

Aimer à ce Point donne Centre et trace le Cercle !

Vérité sont les mots de la Femme- Feu, de ses eaux, de son Poème absolu, océanique, tellurique et cosmique et puissant son souffle igné et voluptueux qui incendie la mer…

…/…

 KHALIL  La Folie de Sarah   Marie-Antoinette PORZ-EVEN  PJO Editeur 1971
Extraits…

Viens,
viens que je pose ma tête sur ton encolure,
mes cheveux se mêlent en caresses à la neige des tiens.
J’étais si lasse quand nous nous sommes enfin trouvés
j’avais fait tant de chemin
déchirée là où se croisent le sentier de l’ajonc
                                                         et celui de l’épine.
J’avais erré si longtemps entre les collines aux arbres  
dévastés
avec, en moi, ces eaux sauvages qui me blessaient de
leurs éclats…
j’avais cueilli une si lourde brassée d’arbres et de soleils
inutiles
Et toutes les neiges de l’aubépine et des ronciers
          que les courants ont dispersés.

…/…

     Mes lèvres reconnaissent la douceur de ton encolure
qu’aucun licol n’a marquée,
mon grand cheval libre
dans ta robe plus blanche que l’écume marine.
KHALILl que j’aime à dire ton nom…
…/…

Et pourquoi nous rencontrer si tard ?
Peut-être pour cet instant où mon cri t’arracha à la terre…
car j’ai crié ton nom si fort
avant de sombrer et rejetée sur la rive
de la semi-conscience je l’ai murmuré si doucement,
en amante émerveillée par la fête de ta Présence  …/…

Tu me dis qu’il te faut partir…

Je ne veux pas !

KHALIL… Tu es mon pain et ma lumière.

…/…

Je t’envelopperai de tant d’amour
que nous ne serons plus qu’un
et qui prendra l’un ne saurait laisser l’autre !

Mais tu te dénoues d’entre mes bras, mon Aimé, tu te défais
        comme un nuage…

Tu m’as laissée, KHALIL…
…/…
J’ai retrouvé la Mer,
                              Je ne l’ai pas reconnue.
Je ne sais plus l’ensemencer depuis que tu as déserté
l’équinoxe de ses sortilèges…
La porte bleue s’est refermée sur l’archipel de lumière,
même le vent s’est tu, KHALIL,
                                        même le vent m’est étranger.
…/…
Je ne veux connaître de soif que ta soif
Il n’est pour l’apaiser de source que ta vie.

La Présence de ton absence me frôle,
                                                 m’enveloppe
m’inonde comme lumière de fin de jour
                             mais je sais la retenir
Et les forces me manquent pour ressusciter le Soleil !

La terre est belle mais elle n’est que la terre et les saisons
passent sur elle
passent et repassent sans la faner…
Tu m’es la terre condamnée qui à peine entrevue
                                  me reste toute à inventer
et tu m’es tant de mers qui s’’offrent et se reprennent,
dans le jeux incessant de leurs grandes marées, que mon
désir exacerbé s’exaspère qui veut en prendre connaissance,
en pénétrer l’impénétrable,
en exprimer l’inexprimable,
en dire l’indicible
en habiter en plénitude l’éblouissante marge.
Tes yeux me révélèrent le Chiffre d’un astre qui défie les
étoiles,
Chiffre perdu aussitôt que posé !
et je chemine, mon Aimé, dans le regret de sa lumière, dans
le sillage évanoui que reconquit la brume…
…/…
je me brise sur un mur d’inflexible lumière
et si tu gardes ton secret,
le secret que t’offre ma vie s’échappe comme du sable
d’entre tes doigts inquiets
et tu es toi et je reste moi
                                dans l’ardent désir d’être NOUS

Ma nuit tourne, lente, sur ta nuit
                                   sans jamais découvrir le jour.
…/…

Nous retrouverons l’oiseau,
                                      l’oiseau bleu,
l’oiseau du Pas-du-houx, il vint un jour si près de moi
que tu en fus émerveillées…

Si mes yeux ont perdu l’étoile, mes pieds nus ont appris
la terre
et mon cœur fol invente, à chaque battement,
des îles sous le vent
                              Que découvre mon sang.
…/…

Je te donnerais
                     mille et une nuits de soleils
et autant de matins…
…/…
J’habillerai ta solitude de soleils nus
de soleils-libres
de soleils-joyaux
                           de soleils-bleus-de-paons
de grands soleils plus blancs que neiges de colombes !

Alors je pris entre mes mains la pierre que tous ignoraient,
                             je la polis du regard,
                                                        de mes lèvres,
Elle frémit, tendre oiseau et s’ouvrit sous mes doigts, figue
mûre où saignait l’étoile naufragée.
Son silence, mis à nu par le sel de mes larmes, s’offrit au
vent du soir,
- les graines et les vents lui refirent un langage -
Alors le la confia aux mains de ta tendresse
                            et son extase nous combla.

Et depuis je la cherche entre toutes les pierres…
…/…
Qui donc me rendra la pierre
                                où dort l’Amour d’un oiseau mort ?
…/…

Mon Aimé apaisons notre soif aux sources des nuages
comme se désaltèrent aux glaives d’un orage
                                         les jardins de l’Eté.
Un oiseau, jamais le même !
Un oiseau cendré d’étincelles froisse l’aile bleue du silence,
délivre ses augures en soleils.

Entre mes mains se brise
                                    un oiseau de cristal.
…/….

Viens mon Aimé,
que nous partagions l’étoile
                 comme nous partageons le pain.
…/…
Mon sang sauvage me jette contre toi
et mon âme saisit ton âme
comme ton corps terrasse mon corps.

Toi seul a puissance pour le posséder,
toi seul peux le soumettre.

Vois dans mes yeux noyés
la Mer dont le soir accueille le Soleil.
…/…
Je ne te quitterai pas,
mes liens défaits nouèrent le lien indestructible
Que vienne le feu
qu’il vienne et nous consume
que nous déliant il nous lie à jamais.
…/…
L’écorce éclatée tombe, armure inutile
et l’esprit s’étire, libre,
        en folles fontaines d’étoiles.

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En échos      Bran du 07 06 2013.…

C’est une dramaturgie en noire et blanc que cette écriture qui enfante des oiseaux de couleur dans un ciel qui en absorbe le chant afin d’en faire un miel solaire dans le Midi du monde…

Comment recoudre de telles déchirures si ce n’est avec l’aiguille des mots et le fil rouge d’une pensée qui en pénètre le chas ?

Horizontale est cette « déchirure » qui vide la coupe et le vase de cette eau si précieuse pour les ablutions de l’Amour….
(On lave encore les corps au moment de les confier au cercueil, mais que ne se lavent-ils, ne s’épurent-ils, ne se parfument-ils, conjointement, ces corps, au moment de pénétrer la chambre de l’Amour ?)

Nous sommes ici au plus haut et au plus profond d’une VERTICALITE qui offre à l’Arbre humain un puits et une échelle de Lumière…

Tendresse absolue est cette Mer où s’accouplent secrètement le levant et le couchant des jours et des nuits…

Quel Amour, ici-bas, pourrait se résigner à la séparation ; accepter la disparition « à jamais » de l’oeuvrier de sa joie, de « l’ensemencier » de son feu, du puisatier de sa source ?  

L’Amour,  confiné en la chair, enveloppé dans une corporéité, incarné dans une humanité passagère, n’est qu’une Emanation, qu’un Flux, qu’un Souffle, qu’une Respiration dont l’Essence et l’Anima font halte dans un séjour qui a le cœur pour foyer, le songe et le sang pour circulation, les yeux pour fenêtre, les mains pour partager un pain de tendresse et de volupté…

On ne saurait le réduire ou le limiter à ce qui nous constitue biologiquement !

C’est parce que nous touchons, avec émoi, troubles et frissonnements, à travers notre éphémère et humaine constitution, à l’indicible, à l’inexprimable, à l’impénétrable, au « fantastique » et au « merveilleux », que notre rapport, notre relation, avec les ambassades de l’Amour, nous font comprendre et accepter le fait que nous pouvons dépasser, par cet Amour même libéré de nos appropriations, les douleurs et souffrances que nous causent son éloignement et la « personnification » possessive et aveuglée que nous en faisons…

Toute présence signifie son absence, toute union sa séparation…. La douleur réside dans le manque d’élévation et d’accroissement, dans la non restitution de ce que l’ombre doit à la lumière, de ce que nos effusions terrestres doivent au ciel et à l’univers.

Nous faisons, de notre Amour, un seul bloc qui renferme et enferme un tout parfois adulé à l’excès alors que ce n’est qu’une rivière qui nous traverse, qu’un ru qui nous abreuve, qu’une marée qui nous submerge puis se retire nous laissant seul, avec le sel du souvenir, sur la grève revisitée de nos désolations….

Avoir tant donné, avoir tant reçu et ne pouvoir le reconcélébrer, provoquent des larmes à l’âme… L’amer, ce sont des lames en rouleaux qui broient le cœur dans l’étau d’une mémoire orpheline et endeuillée…

Le possible chante l’impossible…
L’impossible ne chante pas, mais fait jaillir le souffle, le rite, le sacre, la danse et le rythme !…

Nul autre recours, nul autre secours que l’amour de l’Amour !  Au-delà, par-delà !…

Ainsi l’Amour de Sarah pour Khalil…

Les mots sont des cicatrices d’une blessure qui s’évase vers l’intérieur, mais que rien ne peut faire disparaître de ses encoches et de ses gravures sur les parois souterraines et humides d’une chair jadis incendiée.

Dans l’absence la corbeille se remplit des fruits de l’absence…

Les blessés nous disent : pourquoi faire reluire la coupe ou le ciboire, su ne sont de nouvelles cosmunion à venir ? Lors ils rangent, dans le placard du renoncement et des perfusions amères, les promesses de l’avenir et l’espérance des lèvres qui demanderont, de nouveau, à boire !…

Toute rupture se devrait d’être un chant de la mémoire qui dure se rappelant chaque note de ce qui fut composé en hommage à l’Amour….  Des lèvres se tairont mais d’autres lèvres reprendront l’offrande des voix et les clameurs du Don…

Chaque Amour est bien la racine d’un autre… Il appartient à chaque couple de retrouver la source, d’en remonter le cours, de faire frayère de leurs corps dans la transparence, la clarté, la pureté, de ce qu’ils reçoivent et offrent dans le Bassin de Joie… Pour ce qui vient d’en haut et se vit, ici bas….

 

 

 



05/06/2013
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