Les dits du corbeau noir

M. A. PORZ-EVEN : LES CHANTS DE SARAH (Extraits)

« L’infini détresse de qui n’a pas sa place ! »

« Je ne suis pas de ceux qu’on aime. »

« J’ai pris le feu mourant
Aux creux de mes mains nues,
- Attentive à la braise où court l’ombre bleue -
Et la flamme a tremblé
- Qui veut et qui ne veut pas -
Et j’ai bercé la flamme
Et j’ai dansé le feu….
…/…
…Je fais tourner des soleils
Aux doigts d’ombre de mes nuits blanches.
J’ai vu glisser lunes et soleils aux entrailles des eaux profondes,
J’ai cueilli mes plus doux soleils
Aux neiges secrètes des branches…

Aux frissons d’ailes du ressac
Mes mains nues aiment des soleils !…
…/…
…Et quand je danse ils me haïssent
Et moi je ne sais que danser
Car la danse est en moi
Elle colle à ma peau comme l’écorce à l’arbre
Je danse comme ils prient
Et, quand le mot me manque,
Qui saurait me traduire,
Ma main sculpte le chant que ma lèvre tremblait.
Alors le soleil de mon cœur
Le cri noué de mes entrailles
S’étirent au-delà de mon corps.
…/…
…Je vis de romarin, du chant de l’alouette,
De l’eau fraîche des sources et du rayon de miel !
…/… …/… …/…

LA MER  (… Dahut en chaque lame et femme en toute crête…)

…La Mer ardente engageant le dialogue de ses hanches mouvantes avec les sables pâles défaillant sous leur charge,
liée au col d’écume de ses coursiers d’orage, mâles                                                   crinières mêlées au fier défi des lames,
bouche ombreuse aux lèvres du rivage,
sexe offert à l’éclair !
Sur ses flancs glauques, vergetures hautaines,
des fougères délient la splendeur fugitive et verte
de leurs crosses
dans la folle éclosion de tournesols d’or.

Pourtant dès cet instant où je t’ai aperçu
Les cheveux brins serrés sur ton front têtu
Et m’offrant en tes yeux une moisson d’étoiles
J’ai su que l’ombre allait se déchirer…
J’ai senti mon sang prendre une course folle
Et l’arbre de mes veines charrier des flots brûlants,
Plus grisants que l’alcool,
Que mon esprit renie…
Auxquels mon corps consent.
…/…
J’épellerai ton nom
aux flancs bleuis des grèves que fleurit ton obole
et, levant mes mots aux souffles dissidents
et la plus grande audace au long flux séminal
de tes lames nomades
                                      Je te dirai !
Je te dirai par le sel de l’alliance, gerçures
aux lèvres de continents sans âge,
Par la pourpre des sables et l’or rose aux écailles
de grandes ouïes inquiètes,
aux battements furtifs de ta chair nacrée.
…/…

…Midi, cri aigue, fouet cinglant,
flots brûlants, lumière en transe.
Midi brandissant ses ors vifs comme une Grande Troménie
Ses bannières par les chemins d’ajoncs,
Le lien fut étroit qui vous unit
dans cet instant unique où vos vies nouèrent leurs ombres
en une seule réalité dure
dans l’instant brûlé de Midi !

…/…
…Je dansai le silence au flanc nu du soleil,
et la quête de l’ombre,
le cri de l’étincelle…
TOI tu me regardais, que je ne voyais pas.
L’or était là brûlant
je rejetai la pierre,
je relevai la tête
                         Et je fus ta moisson !

Nous nous sommes connus
Rameaux d’un arbre unique
mûrissant ses soleils aux tourments des racines.
…/…

Je dirai ton corps, gerbe offerte,
- et ses matins de Terre Promise -
et ton désir sauvage crevant des profondeurs
aux remous de l’iris,  …/…

Je dirai ta peau, soie et nacres,
l’or de la chair ensoleillée
et la caresse de ton souffle
- Ma souple palme amère et douce ! -
Et le ciboire de tes lèvres où fleurit
l’ivoire pur des dents
et jusqu’aux moelles du mystère
qui, sève brute, gorge ta chair
et le signe
                     et la marque
et la secrète meurtrissure
qui font tes yeux clairs plus profonds
et tes lèvres des fruits plus mûrs…
…/…
Mon épi
                Mon froment
                                        Mon pain quotidien
je garde la saveur de ta peau sous mes lèvres.
L’odeur de ton corps sur mon corps de demain
l’ombre de ton désir me cernant,
                                        m’affolant
comme le vent du large tord et dénoue sans fin
la longue chevelure indomptée d’une flamme
et, sur ma joue s’attarde la soyeuse anxiété
d’un papillon tremblant au bord de tes paupières
quand je ferme les yeux pour mieux t’appartenir.
…/…

…Tu m’a appris du rituel des mers
les rires et les larmes…
Tu m’as nourrie de tous les sels,
De tous les feux,…
…/…
Tu m’as porté l’écaille et l’aile,
Le chiffre d’or de l’étincelle,
L’étoile convulsive, le plasma inquiet
et ton ombre attentive !

…Une étoile a glissé aux doigts de notre nuit.

…/..
… Au seuil de la nuit,
Au seuil de la mer
droite sur le sable blanc qui fuit avec la vague
j’écoute battre mon sang, mon fier sang nomade,
aux rythmes des pulsations du grand cœur vagabond.
…/…

Mon unique,
                    Ma vie !
Ils t’ont rapporté mort….

Le froid s’est ancré dans mes os
La nuit est entrée dans ma chair,

Mon cri dénuda l’arbre…

Je veux voir la lumière
Rendez-moi la lumière…
Je me contenterai de si peu de lumière
               - des miettes que l’on jette aux chiens ! -

J’ai pris la terre dans mes mains
j’en reconnais l’odeur
j’en sais le goût,
J’en sais le poids - comme le savent les morts -

J’ai faim d’un soir
                 J’ai soif d’un matin  !

…./…
… Lumière intense de ma nuit
Mon aimé rendu à la terre
éclatant dans ma chair en fleurs d’amandiers…

j’offre à ton âme errant dans la brise si tendre
l’humble oraison muette de mes deux yeux éteints
Je SAIS que tu es là
et je sais que demain nos nuits s’accoupleront
en leurs noces suprêmes….

Mes yeux morts dans la nuit enfantent des soleils !



09/07/2013
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