Les dits du corbeau noir

HORS SOL ! Bran du 14 mars 2012

« Hors sol »    Réflexion Bran du   14 03 2012


La modification de nos paysages extérieurs, l’urbanisation outrancière, le formatage paysager, la déprise des terres dites agricoles, l’extension des périphéries urbaines toute cette emprise du bitume, de l’acier et du béton sur le monde dit rural ne finit-il pas par induire, à force de regards, une forme de nostalgie d’un âge d’or, d’un temps d’harmonie et d’accord entre activité humaine et paysage ?


Ne âme ne semble plus se reconnaître dans ces espaces où jadis elle pouvait se répandre librement, joyeusement et de façon juvénile et espiègle parfois…


Quand s’ouvrent devant nos yeux des espaces qui ne sont plus ceux élaborés au cours des siècles ou des dernières décennies par la nature encore assez peu impactée par la main et la volonté humaine , c’est notre propre emprise, nos propres appropriations, nos propres substitutions, qui s’imposent à nous dans toute leur froideur, dans toutes leurs formes rectilignes et angulaires, dans toute leur dureté et sécheresse, fonctionnelle, sécuritaire et conventionnelle…


Un mètre carré de terre « urbanisée » est une amputation irrévocable et définitive faite à la poésie, à la mémoire, à la créativité, au vivant pour tout dire !…


80 % de nos terres agricoles sont ainsi dévitalisées et entretenues artificiellement en état de hauts rendements !


Les intrants sont de règle pour compenser les pertes de rentabilité occasionnées par une surexploitation dévitalisantes et l’épuisement qui en résulte…

 

La terre a, pour se régénérer, besoin d’un temps qu’on ne lui accorde plus et des écosystèmes et d’une biodiversité qui se raréfient en qualité et en quantité au fur et a mesure qu’on la « pressurise »…


Ces intrants sont des éléments chimiques que l’on présente comme étant les antidotes au « mal » alors qu’ils sont en fait à moyen et long terme un poison violent inoculer délibérément et suicidairement dans le tissu vivant de la terre… Ils sont le fait d’une volonté politique aiguillonnée par le monde agroalimentaire…. (Sous prétexte de nourrir un monde, une planète, dont la famine réside plus dans le cœur des hommes que dans leurs économies.)


Mais ne sommes nous pas, nous-mêmes, à l’image de ces terres « violées » ?                              Ne consentons-nous pas, nous-mêmes, à nous laisser « pénétrer » par d’autres formes d’intrants tout aussi « artificiels » et destructeurs ?  N’acceptons-nous pas, nous aussi, ces « implants » quand nous voulons demeurer productifs ou devenir hyper compétitifs… Nous nous dopons pour tenir le coup et accroître nos performances en refusant de voir que la conséquence à moyen et long terme sera elle aussi catastrophique, nous rendant de plus en plus dépendant de ces artifices soi disant garant au moins de notre « survie » !…


Nous n’aurons plus lors le choix de nos propres ensemencements culturels mais devrons racheter sans cesse aux fournisseurs officiels et habilités les graines conditionnées censées devoir germer en notre cerveau, en nos actes et pensées !…


Sans cette soumission au système en place notre « rendement » diminuera inéluctablement et nous nous retrouverons appauvri comme il n’est pas possible. A trop vouloir surdévelopper des ressources en fait inadaptées et inadéquates, très vite épuisées, nous nous sommes vidés des énergies élémentaires, fondamentales et essentielles à notre croissance équilibrée…


Il y a une logique du non sens, de l’absurde, de l’attitude destructrice, de l’indifférence égotique, de l’aveuglement individuel et de l’éblouissement collectif, de la désolidarisation ambiante…    Elle se démontre et se démonte car nous pouvons déconstruire les mécanismes sophistiqués qui nous ont amené à être esclaves de nous-mêmes et assujettis à nos propres asservissements…


Je veux croire qu’il y a encore en nous quelque chose de vivant, sauvage et résistant, rebelle et indigné, lucide et conscient, suffisamment amoureux de la « vraie vie » pour rejeter toute forme d’exploitation de l’être et de ses terres intérieures, toute subordination aux emprises despotiques et destructrices de l’avoir…


Si nous cautionnons le fait que nous pouvons parfaitement vivre comme des tomates ou du bétail « hors sol », coupés de nos liens profonds et intimes, aimants et respectueux, avec la terre, sans échanger, sans dialoguer, sans ritualiser avec elle, sans suivre ses enseignements, sans apprendre ses saisons, ses cycles, ses rythmes, ses vibrations, ses danses, ses chants et ses musiques alors oui, notre âme nous quittera, à regret, mais elle nous quittera !


Notre âme quittera ce corps qui l’empoisonne, la dévitalise, l’assèche, la stérilise , elle laissera cette coquille vide d’où nulle n’éclosion ne sera en mesure de jaillir… Elle délaissera une enveloppe aseptisée, sans résonnance, sans promesse printanière, sans verger ni étoile intérieure, sans mystère, sans athanor, sans chaudron d’abondance, de connaissance et de santé, sans goût ni parfum, sans songe ni sève aptes aux fertilisations de la chair amoureuse…


Elle s’en ira rejoindre les flots des autres âmes errantes, recherchant désespérément dans le long hiver de l’humanité un âtre en forme de cœur encore en capacité et en désir de l’accueillir et de la réchauffer en lui offrant le meilleur de ce qu’un être humain puisse offrir à une âme en exil :
Un petit bol fumant, un doux breuvage aux senteurs de l’amour !



14/03/2012
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