Les dits du corbeau noir

De l'ARBRE DE NOTRE VIE Dec 2011 Bran du

 

 


En cette saison où l’absence se fait de plus en plus perceptible , réactiver et entretenir le feu, tous les feux, d’une présence au monde me paraît être un exercice des plus gratifiants et salutaires….
L’hiver en sa rigueur nous donne à prendre conscience « physiquement » de notre « respiration » ; laquelle se rend plus particulièrement visible à nos propres yeux en cette saison… Le souffle prend forme à la sortie de nos lèvres et exprime cette vie en mouvement que nous sommes et ce, au sein d’un environnement où règnent des formes de « mort apparente »…
C’est une sensation trop rare et extraordinaire que de se sentir ainsi aussi « vivant », porteur d’une vie, de la vie même, qui brave et défie l’emprise hivernale qui voudrait tout transformer en pierre par un maléfique enchantement…
Par notre souffle nous portons aussi notre chaleur au-devant de toute rigueur et froidure ; avec cette bienheureuse chaleur « animale » (ce qu’elle est aussi !) nous convoyons également une « lumière » rarement perceptible mais bien réelle… En nous mouvant ainsi nous apportons de la vie à la vie !…
La vie se porte naturellement vers la vie et cela nous apporte autant que nous importe !….
Nous sommes de la vie le cortège et l’escorte !…
En toute vie est un embryon de vie qui se développe ou non….
En cette période des calendes d’hiver se fête un « Enfant-lumière »…. Cette naissance est l’espérance même… De cela nous sommes, chacun , chacune, en semblable « couvaison »…
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La meule des mois sombres aiguise la lame de nos pensées, celle à même de trancher par un geste « sacré » le pain de notre quotidien…
Il fait bon lors se réfugier en la forge de notre être et faire naître sur l’enclume de l’instant le chant rythmé d’un poème tout à son œuvre…
Un sentiment saisonnier renforce une notion d’absence, de dépeuplement voir de désolation et celui-ci entraîne une recherche de « présence ». Le vide cherche une plénitude qui lui fait défaut, la vacuité espère une « visitation » aussi légère qu’un vol d’oiseau ou qu’une dernière chute de feuille…
L’impression affûtée d’un « manque » porte à l’approfondissement des questions que celui-ci suscite… Dans l’obscurité de cette interrogation la conscience allume sa lampe de chevet !…
La disparition de ce qui fût exalté en ses éclats dans son ultime rayonnement amène à une nécessaire et lucide « relativisation »… L’impermanence et le caractère éphémère des « choses » s’affirment et se manifestent dans toute leur pertinence… C’est alors que la sagesse forme sur la branche d’homme un bourgeon prometteur et qu’une sève nouvelle s’apprête à bouillonner entre les racines de son devenir…
Déambuler dans un « dehors » soumis à la chape des mois noirs, obéissant à la loi commune, se dépouillant des « gloires » anciennes, renonçant à toute « parure », se retirant dans une extrême solitude et « mourant » à soi-même, nous ouvre les portes intérieures de notre être, soulève les herses du pont-levis menant à notre « Château de verre » , au « Graal des profondeurs »….
Le dehors nous fait du « rentre dedans » !…
Nos rapports s’inversent, la relation s’intériorise, l’envers nous donne à lire, à parcourir, à revisiter, à explorer l’endroit… Ce renversement peut aboutir à un « bouleversement »… Le miroir renvoi au reflet et le reflet nous invite à la traversée du miroir…
 
Plus aiguë devient nos facultés de perception et d’introspection… Le paysage extérieur nous conduit par sa lecture sensible à pénétrer nos territoires cachés eux aussi recouverts d’un manteau hivernal. Le dépouillement est ici de mise car il donne enfin à voir ce qu’un foisonnement estivale nous masquait… Le déploiement du faîte ( de la ramure existentielle) est fonction de son fondement, sois de la qualité de son enracinement…
L’arbre est nu. Son architecture secrète, son axe majeur, ses lignes de force, sa façon de se tenir debout, de réguler et de répartir son volume, sa masse, de compenser ses pertes et ses amputations, de tutoyer les vents, les astres et les saisons, se donnent à voir… Son port altier, majestueux et hauturier semble ne plus avoir de mystère alors que celui-ci se tient tout entier dans ses assises, dans ses fondements faits de racines et son ancrage souterrain… Là est le véritable socle de sa croissance et de son développement…
Par analogie avec ce qui est ici exposé, l’être en quête d’une approche d’un fragment de « vérité », qui manifeste un besoin réel de clarification, d’entendement se posera la question lors induite :
Quelles sont en moi les « racines » qui autorisent mon propre épanouissement et qui me portent vers mon « accomplissement » personnel ?…
De quel « ancrage » dépend , découle, ma navigation existentielle ? Sur quel socle puis-je développer mon aspiration à l’élévation et édifier l’œuvre de ma vie ?
Mon « Essence » selon ma « conception » et mon « bon désir » se veut « arbustive ». Elle fait de moi un « Arbre de vie » mouvant et pouvant s’émouvoir ; un Arbre puisant dans l’humus qui originellement le fit Homme ou Femme…
La Vie lors s’apparente à une sève principielle qui macère dans des cornus de terreau au sein de la Matrice des origines et des renouvellements… Quand elle se retire du monde extérieur, c’est pour se concentrer dans l’athanor tellurique et effectuer les « préparations » qui président aux processus de « régénération »…. Tout est de nouveau restitué à la Souche et à la Source… Puissions nous de même nous être « restitués » ?…
Demeurons à ces « images » des acteurs, des artisans, des auteurs qui ne se résignent pas au sein de l’obscurité à subir l’emprise de celle-ci, mais qui instaurent une complicité, un partenariat, un compagnonnage avec « l’alchimie prodigieuse du vivant » ; un vivant toujours à l’œuvre dans le creuset du jour et le chaudron de la nuit…
 
                     
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                                            Déroulé d’automne                  Bran du                     Dec 2011
Qu’il est long l’effeuillage de l’automne !
Le Grand Cerf des Forêts arbore ses ramures où s’accrochent lune et soleil…
Ce qui hier joutait avec les vents jonche maintenant le sol et se décompose sous le martelage des pluies de décembre…
Nul nuage pour retenir le disque solaire en sa chute… Seuls, les arbres élagués, tendent leurs moignons vers le ciel !…
Le vert s’entête à recouvrir encore les prairies mais pour combien de temps ?
Le bétail n’est pas rentré ; la saison fume par les naseaux !…
Ce mois à grand sommeil qui ferme tôt les paupières du jour… La nuit tire à elle tous les draps du crépuscule…… Et tout cela s’endort comme un rucher de paille….
Cela qui s’infiltre entre les os de pierre est tige d’espérance…
J’ai sillon à creuser et terre à retourner au soc de mes questions…
Il est partout dans l’automne des labours des promesses d’amour en attente d’être emblavées…
L’heure s’en vient d’allumer la lampe, de tisonner les braises, de souffler sur le feu…
Et l’œuvre est bien semblable dans le mitan du corps !
 
                 Propos sur les rails… Bran du                    14 12 2011...
 
Comment savoir que je suis en « Bretagne », que j’ai passé la frontière ? A quels signes comprendre, lire, une « démarcation territoriale » ?… (Sans recours aux panonceaux, aux localisation géographiques)…
Rien ne semble différencier un paysage d’un autre, une étendue qui suit celle qui la précède…
Le modelé des paysages, les courbes, les reliefs, rien de particulier, rien qui « tranche »…
Toutefois…. Là des ajoncs dans l’ourlet de la voie…. Des clochers au profilé plus « typiques »…
Des mouettes en grande compagnie… Un peu plus d’ardoises sur les toits… Une plus grande densité d’habitats…
Le ciel passé Rennes bascule dans une épaisse noirceur balayée en moins d’une heure par un immense arc-en-ciel…
A bien regarder la façon est ici la même de faire « métier » d’hiver :
D’élaguer les arbres et les haies
De ramasser le bois, de brûler les « déchets  »
De rapiécer les toiles de jute usées
De réemmancher les outils du jardin
De mettre des rustines aux bottes
De rentrer les géraniums
D’être plus attentif à la vieille horloge
De disposer de plus de temps pour remettre les idées à leur place !…
Difficile alors de discerner ce qui fait soudain la différence entre un territoire et un autre assez semblablement juxtaposé… Il faudrait faire halte à la gare et lentement s’imprégner des parlers, des usages, des façons de questionner et de répondre, de poser les yeux sur les choses….
Pour l’heure je ne suis que rapide passage…
Mais je sais bien que même « imperceptible » flotte un « air de pays », une forme qu’à la terre ici de respirer…
Subtile reconnaissance que la vague n’a peut-être pas quand elle revient vers les rivages…
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Revenir au « Pays », c’est retrouver « l’enfant éveillé » ;
Celui que j’avais laissé et reconnaître en lui (malgré la barbe, les rides et les yeux fatigués)
Cet air de liberté pleinement recouvré
Que l’âge avait enfouit année après année…
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 De quelques journées d’automne par ci, par là…    Bran du           Novembre 2011


Un lundi : Jour des cynorhodons ( le fruit de l’églantier ou encore du rosier sauvage ) (C’est un fruit très riche en vitamine C qui a des vertus tonifiantes et stimulantes ; un protecteur de l’intestin et de la circulation veineuse)…
Il arbore des baies rouges et oranges qui deviennent marrons à maturité. C’est à ce moment là qu’on le récolte. Il est souhaitable qu’il ait subi la gelée, à défaut quelques jours au congélateur pourvoiront à cela… Il ne se laisse pas facilement t ramasser et l’on doit souvent payer de quelques gouttes de sang cet exercice délicat… Deux préparations traditionnelles : la confiture et la liqueur… Dans les deux cas il faut s’armer de beaucoup de patience ; fendre la baie et en extraire toutes les graines et les poils urticants…. Mettre de bonnes musiques à écouter le temps d’exécuter !…. (Où inviter les amis à cette veillée réjouissante…)
On peut aussi confectionner avec quelques branches porteuses de baies un bouquet auquel on associera des fleurs d’iris sauvage et des feuilles de houx…. Ainsi la couleur de la vie sera exaltée sur la table de l’hiver….
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C’est vendredi et c’est la marée (112 d’amplitude) les rochers vont être à découvert…
Se succéderont dans le panier tressé avec de la clématite sauvage, une quinzaine d’étrilles à la taille réglementaire, deux coquilles St Jacques échouées, deux kilos de belles coques à faire dégorger….
Et quelques bigorneaux en guise de ratons laveurs !….
Il est vrai que la pêche à pieds est toujours dangereuse et qu’il faut éviter d’être trop isolé. On glisse très facilement sur les algues et on peut s’entailler sérieusement sur les huitres sauvages…
(A noter que ces dernières ont un goût extraordinaire et sont à « consommer sur place » !….)
L’appareil photo fait partie de la virée car on est entouré de diverses compagnies de volatiles (mouettes, aigrettes, cormorans…) qui eux aussi comptent bien remplir leur panier… Leur approche alors est assez facile…. Et puis il y a les algues, les coquillages et des découvertes permanentes de formes et de beautés…
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Depuis une semaine le temps est au doux et le soleil de l’après-midi assez généreux… le sol a été détrempée la semaine d’avant… Lors ils sont arrivés les « rosés des près » ou Agaric champêtre ou encore « petits roses »…. Et effectivement ils sont charmants ces chapeaux blancs ourlés de perles délicates… C’est mardi aujourd’hui et j’arpente tôt matin, le territoire des chevaux et des vaches ; des territoires bien rasés par un broutage méthodique… Les conditions idéales quoi !…
 
Je les ai attendu tout l’été, mais nenni ! Pas le moindre dan s les regains de juillet pas plus que de mousserons d’ailleurs… Et les voilà en abondance dans les champs de l’automne… Je fais le difficile et je ne ramasse que les plus jeunes ou ceux dont les lamelles sont parfaitement roses… Là où l’herbe est plus dense et plus vertes plus « azotée », ils se tiennent en ronde….
Il est recommandé de les faire tout de suite (en omelette ou pour accompagner une viande…)
En passant par le chemin du Becqueu, je suis tombé sur un talus sableux ( sans me faire mal) devant une colonie assez nombreuse de coulemelles ( lépiote élevée) ; une bonne quinzaine fraîchement éclose ou encore en « baguette de tambour »… Là aussi ne prendre que les sujets jeunes aux lamelles bien blanches et éviter de trop boire d’alcool avec cela renforcerait la toxicité….
La journée étant consacrée aux champignons Christian le voisin de Dahouët passe me prendre pour une embardée sur la Hunaudaye… L’après-midi sera aussi couronnée de succès car nous remplirons chacun notre panier de cèpes… (Ceux que les animaux dont les limaces forts voraces auront bien voulu nous laisser !)… Quelques rares pieds de moutons et quelques girolles en tube compléteront la récolte… Mais point de pieds bleus, ce tricholome que j’affectionne pour sa qualité gustative…
Entre deux balades, j’ai cueillit, à l’écart de toute pollution, quelques brins de ciboulettes sauvages ; l’omelette n’en sera que meilleur avec des pointes d’échalote…
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Samedi je suis allé aux « blos » (C’est le nom en parler gallo des prunelles sauvages )… Elles ont eu droit elles aussi à un séjour au congélateur pour les flétrir quelque peu et augmenter leur arôme…
Elles macèrent maintenant dans deux litres d’alcool blanc à 40 ° avec un peu de sucre pour pousser sur la fermentation… C’est pour une consommation personnelle bien entendu… Une tisane revitalisante quoi !
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14/02/2012
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