Les dits du corbeau noir

CARNETS DE SEJOURS : LA CÔTE DE GRANIT ROSE (BRAN DU)

La COTE DE GRANIT ROSE Bran du

 

De Trébeurden à Ploumanac’h, en poussant jusqu’à Plougrescant (secteur de Porz Hir, Porz Bugalé, Pors Scaff, Keravel Crec’h Goueno) avec un détour sur Tradouïero…

 

(Du vendredi 20 au Samedi 21 février 2009)

Impressions de voyages et de séjours…



Une densité d’habitats qui s’installent entre les espaces encore disponibles comme les crépidules s’amassent dans le creux des mares…

 

Le littoral ne conserve qu’une frange minime de naturalité au regard des envahisseurs de toutes sortes qui colonisent les roches parfois comme le font les berniques ; c’est-à-dire à même celle-ci…

La circulation y est déjà difficile en hiver alors en été!…

 

Les routes morcellent et fragmentent le paysage, sillonnent en tous les sens les bourgs qui s’allongent à n’en plus finir pour satisfaire le bâti résidentiel…

Ce sont des lieux parfaits pour consommer les esthétiques naturelles, faire provision de cartes postales et de souvenirs normalisés…

 

Comment aborder toute cette fulgurante, cette minérale et océanique beauté, en préservant la «magie des lieux» d’une surfréquentation quasi muséographique ?…

 

Le bulldozer estival est un énorme facteur d’érosion et donc de dégradation des sites.

 

Les responsables locaux, soucieux de la préservation des sols, ont limité l’accès aux landes et aux blocs de granit en canalisant les parcours et en interdisant de sortir de ceux-ci…

 

C’est une mesure à moindre mal au regard de tout ce que l’urbanisation a dévoré de territoires…

 

Ces lieux sont pourtant de véritables «sanctuaires» naturels, des «hauts lieux» arpentés depuis des millénaires par les pèlerins du vent, de la pluie et de la lumière…



"Côte de granit rose" ; c’est ainsi que l’on appelle les amoncellements de granit qui ourlent parfois «monumentalement» toute cette zone côtière exposée aux déferlements du Nordé, appelé encore Noroît, qui est un grand sculpteur devant l’Eternel…

 

Les pins et sapins qui sont aux avant-garde des promontoires en savent quelques choses ; leur croissance s’incline face

aux assauts répétés de ce ployeur de verticalité hauturière !…



Aujourd’hui, je n’arrive pas à faire abstraction de ce raz-de-marée touristique, je ne peux m’insérer dans ce fleuve des vacanciers qui cascade sur les sentiers.

 

C’est trop me demander !…

 

Je suis très mal à l’aise et ce, d’autant plus, que ce notre périple breton antérieur a comporté de fortes charges émotionnelles et sensitives du fait de la qualité des immersions réalisées dans le «primordial» et «l’élémentaire»,

du fait de l’absence de parasitage humain lors de ces «mises à nue» du mental et d’une disposition heureuse et sereine à recouvrir un revêtement de nature géopoétique…



Impossible de restituer à ce territoire de landes et de roches son état premier…

On ne peut que se contenter des fragments évocateurs de la grandeur de ses Origines et préserver ces «fragments» d’un délitage encore plus grand et plus destructeur…



Au temps des Celtes, seuls les officiants chargés de la mise en œuvre de la relation communautaire avec le sacré étaient autorisés à pénétrer dans le «sanctuaire»…

L’aire du sacre devant demeurer dans un certain état de «virginité», le peuple se tenait hors du «cercle» de la cérémonie, mais entourait celui-ci très respectueusement…

Le déplacement des «sacerdotes» au sein du cercle répondait à des lois d’équilibre et d’harmonie, à des attitudes en conformité de rapports avec une géométrie et des orientations cardinales aptes à canaliser bénéfiquement les flux et les vibrations appelés à «circuler» au sein de tous les échanges…



Rentrant humblement dans un champ de force et d’énergie,

il importait que cette «pénétration» de tels champs se fasse en connaissance de causes et d’effets afin de produire les aspects bienveillants et bienfaisants recherchés…



Le rapport au «sacré» ayant disparu en nos temps modernes, il ne demeure plus que des relations profanes, lesquelles ne peuvent produire qu’une dégénérescence de l’espace qu’elles envahissent…

 

Contempler n’est-ce pas être «avec le temple», soit en accord, en harmonie avec ce qui émane en lui et de lui de sacré ?…



Si l’on porte regard, attention, sur des lieux «où souffle l’Esprit», sur des lieux que l’on décrit et que l’on reconnaît comme «inspirés», en les ressentant profondément, alors, le dit Esprit si exprime, si manifeste…

Cela doit comporter de notre part un fort sentiment de respect…

 

Peut-être, pourrions-nous comprendre ainsi l’importance de préserver de tels lieux d’une «profanation» matérielle…

Nos comportements et habitudes, notre approche, notre mise en relation en seraient grandement et bénéfiquement modifiés et cela serait un gage de la haute préservation de tels espaces «spirituellement sacralisés»…



Les lois et les règlement interviennent toujours à défaut pour imposer des règles et des usages que le«sacré» inspire «naturellement» aux détenteurs d’une forme de sagesse et de connaissance lesquels sont d’ailleurs «initiés» à de tels ressentis et comportements…

 

Qui, aujourd’hui, pourrait recevoir encore une telle initiation et que pourrait faire celle-ci face à la surconsommation profane du temps et de l’espace ?…



Il est bien trop tard pour revenir en arrière….

Bien des «hauts lieux» se trouvent menacés de totale désacralisation à la fois dans leur «paysage», mais aussi dans leur «contenu»…

 

Je pense ici à des sanctuaires comme Carnac ou Stonehenge, pour ne citer qu’eux…

 

La forte profanation de ces «temples» avait pris une telle proportion que les autorités de sauvegardes ont été amenées à enclore et à régenter leur fréquentation…

 

On n’accède plus directement au «Sein des Seins», mais de façon ponctuelle et limitée et ce sous «surveillance»…

 

Il est fort désagréable d’en arriver là, car de telles dispositions ne permettent plus à un cœur sincère et authentique, conscient et éclairé, d’instaurer directement et respectueusement les relations pour lesquelles de tels sanctuaires ont été édifiés…

 

Ils perdent de ce fait leur fonction première pour passer dans des fonctions subalternes très éloignées de leur dimension sacrée…

 

Ils se trouvent privés de leur fonction «opérative» laquelle participait avec d’autres sanctuaires dans le monde à une forme d’acupuncture sacralisée de la Terre considérée comme une Mère universelle…

 

Ce rapport à la «Mère» induisait un fort respect et un harmonieux usage des lieux qui lui étaient consacrés…



Immergé hier dans les tourbières du Yeun Elez, sans aucun repère, essayant de progresser dans un milieu hostile à l’homme, je comprenais alors combien de tels lieux sont chargés de respects et de craintes mêlés…



Ici l’homme ne saurait durablement installer son empreinte sans «dénaturer» profondément l’état premier qui régnait avant ses appropriations «matérielles»…



Entre l’eau et le ciel circulent des «entendements» qui font que les choses sont telles qu’elles sont et qu’il est heureux qu’elles demeurent...

Lorsque l’homme, gouverné par ses instincts de domination, asservi à sa volonté tout un territoire, tout un royaume, alors se profile et s’étend l’ombre néfaste des «terres gastes»!…



L’homme est un redoutable prédateur et sans aucun doute, le pire de tous…

Son orgueil, sa soif de pouvoir et de puissance sont démesurés et ne peuvent, à plus ou moins courts termes, qu’entraîner la disparition progressive des valeurs de l’être, seules «valeurs» aptes à préserver et à sauvegarder le vivant sous toutes ses formes…

 

Au paysage intérieur correspond un paysage extérieur nous dit Gaston Bachelard…

Là où un pays sage nous restitue notre vrai visage, d’autres le défigurent !…



Puisse la découverte de tout cela nous préserver des méfaits de notre ignorance et de notre bêtise!…



L’infiniment petit nous aide à appréhender l’immensément grand…



Nous somme partie prenante et agissante d’un confrérie atypique…

Elle conjugue l'argile et l'étoile !...



Partir de la terre et y conjoindre tous les éléments…

Et que l'homme s'élève comme l'argile sous les doigts, comme l'argile sur le tour...



Et le barde, en son promontoire des jours et des nuits, d'inviter les Forces douces et les bonnes Energies à se répandre sur la Terre :



"- Que l’Awen m’inspire et me guide, me tienne en équilibre et harmonie, me conduise d’un bon pas sur la sente de lumière."…



15/07/2015
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