Les dits du corbeau noir

ART-NATURE OU LAND'ART : EVEIL ET IMPREGNATION (FEVRIER 2005)

ART NATURE     Initiation et Eveil   Bran du    2005

 

“Retrouver la nature pour en arriver à une civilisation soutenable et durable”...

“La nature n’est-elle pas en soi une oeuvre d’art ?...”

“Le règne végétal ramène à l’unité originelle, il préexiste dans l’évolution et il est le socle indispensable à tout autre développement ultérieur, animal et homme...

Chaque individu le porte en lui...

L’homme à la fibre végétale qui réveille la conscience du lien avec l’ensemble du monde vivant...

Se laisser pénétrer, se fondre, renouer avec....

Un lien immédiat qui rend compréhensible...

Ceci dans une démarche géopétique...”      François ROBIN

 

En préliminaires :

 

-1 : La Nature peut-elle nous “révéler” notre vraie “nature” ?

-2 : ART et NUE, deux termes fondamentaux qui articulent la nature et qui sont tout entier dans la “NATURE”...

 

Extraits de lectures diverses :

 

Résonances de Yves Le Fur (Musée D’Apper éditeur)

(Bois, lianes et pierres)

 

“....En passant de la chose naturelle à l’oeuvre, nous avons voulu souligner les rapports existants entre les démarches de l’art et celles de la nature.

 

Elles restent liées par l’adhésion sensible et physiologique que nous entretenons avec les volumes, les matières, la lumière et les couleurs.

 

Leur dialogue est réciproque, le sentiment esthétique participe de l’émergence du spirituel, l’une de ses formes les plus raffinées, pour ce que nous en connaissons.

 

Devant l’art s’offrent la multiplicité des matières, des textures, des empreintes élémentaires,

“la perception ardente d’un instant esthétique”, infiniment renouvelée...

 

.../...  Nous y voyons le moment d’effusion où une réalité vient se superposer le plus étroitement avec ce que l’on en espère et la force avec laquelle se mobilisent toutes les ressources sensibles pour s’y engloutir.

Ainsi en irait-il de la sensation de beauté : émerveillement, précipité du désir, passage d’une perfection dont l’éphémère renvoie à l’interrogation de la durée, interrogation en intelligence avec la vitalité des bois et la densité des pierres.”  Yves Le Fur

 

“Oeuvres sans titre, sans auteur, les formes naturelles furent collectées à de nombreuses époques et dans différents lieux du monde.

Universelles, elles apparaissent dans la diversité d’usages d’une pluralité de cultures comme les signatures matérielles d’invisibles forces, supports cultuels ou supports de contemplation, traits d’union entre le naturel et le surnaturel, le visible et l’invisible, mais surtout comme l’indice de préoccupations esthétiques.

 

De l’homme du Néanderthal aux artistes contemporains ces objets révèlent les rapports sensibles que nous entretenons avec les formes, les matières et l’imaginaire lié aux substances naturelles.

 

Séduisantes images venues des profondeurs de la terre, énigmatiques sculptures qui furent traces du vent, geste d’eau, leur réunion ouvre sur une interrogation, celle de la fabrication des apparences par le regard humain.” C.F.

 

“N’est-ce pas notre vocation la plus secrète de transgresser les limites du définissable, pour accéder peut-être, à l’intemporel ? “ Christiane FALGAYETTES

 

“Des objets non taillés, non modelés (bois fossile, cristal, liane...) deviennent matière à rêver...”

 

“Leur existence dépend d’un rapport profond avec celui qui les choisit.

Le regard du “collecteur” devenant l’acte essentiel, acte de création...

Tout est lié à la qualité du regard...

C’est à celui qui regarde ces objets qu’il convient de conquérir une expérience exceptionnelle...

Ainsi ces objets permettent-ils de s’interroger sur les fondements de nos choix esthétiques et sur la genèse des oeuvres d’art...

Les formes primordiales, échappant à toute détermination humaine et à toute finalité, apparaissent comme parfaitement structurées...

Les “objets de nature” ne génèrent nullement la spéculation esthétique, ils la stimulent...”  C. F.

 

“Curieuses, féériques, émouvantes, signes divins ou aberrations, les formes naturelles singulières ont avant tout le pouvoir d’interroger.

Leur extraordinaire, leur apparence d’intentionnalité dérangent et renvoient à de profonds mystères.

Bornes millénaires pour des millénaires de résonances, leur collecte remonte à l’origine du sensible.

Elles gisent encore là, portées par le ressac des actions élémentaires qui façonnent la matière.

 

Elles prennent vie dans le désir toujours recommencé de l’humain de s’affronter à l’inconnu.”

Yves LE FUR

 

(Il s’agit ici d’objets photographiés et reproduits en leur état de découverte...

Toutefois certaines pierres ont fait l’objet de coupes ou de polissages afin d’accentuer ou d’exalter leur beauté intrinsèque ou extérieure...)

 

Dans un autre registre (morceau de bois, feuilles, plumes, écorces assemblés et collés...) portons regard sur l’oeuvre de Jephan de Villiers :

 

“Je n’ai rien inventé. Je me suis souvenu.”

“J’ai travaillé à la recherche d’affinité du silence avec les matériaux les plus simples possibles.” “Il y a des années que je suis au bord du monde” (Le monde des choses tombées)    

Jephan de Villiers

 

A partir de ces outils “élémentaires” Jephan réinvente une mythologie individuelle, une “tribu” de sens et d’affinités... Il insuffle une nouvelle vie... Ses bouts de bois, plumes et brindilles ressuscitent la forêt...

 

Ce sera “L’enfant qui portait la forêt sur son dos”...

L’enfant-racine, celui qui portait regard sur l’arbre et ses vertus de guérison...

Ces lambeaux d’écorce interrogent gravement l’homme sur l’état de son être primordial...

Ils développent une “pensée sauvage”...

Ils font revivre les univers évanouis, ils leur redonnent naissance dans une perception archaïque du monde...

« C’est une forme artistique singulière qui déborde toutes les autres parce qu’elle les contient tous. » (Danielle Gillemon)

 

C’est l’odyssée poétique d’une recréation, une allégorie de notre perte et de notre survivance...

(“Les végétaux jouissent d’une intelligence propre, de formes de communications particulières qui nous échappent, qui demandent encore à être explorées, et qui sont riches de possibles.” ) Frédérico Zeri (peintre)

 

La création vraie déborde son maître.”

 

“Silence, humilité, un rêve d’envol, une mémoire comme seule et ultime richesse.” Claude Ruffat

 

Il est donc possible de créer en ayant encore quelque chose à dire, et c’est réconfortant. Ici la nature s’éclate au seul rythme de ses battements de coeur...

Ceci nous intime à repenser notre parcours terrestre selon d’autres critères que nos réflexions d’habitude en retrouvant une âme d’enfant, de dénicheur, de poète, de philosophe.

Tout ici se mesure à l’aune d’une nature toujours et sans fin recommencée.”

Roger Pierre Turine (journaliste)

                                                                                                                     

Complément de réflexion. (Bran du)         25 02 2005

 

N’y a-t-il pas “jouissance, délectation, de “recomposer” à partir d’une matière qui se    décompose ?

L’homme dont la racine étymologique vient de humus, oeuvre de nouveau au sein même de l’alchimie de la transformation, de la mort en devenir il refait du “vivant”, il remet au monde (avec ou non une “part ajoutée”) ce qui était de nature à en disparaître...

L’homme-poète non plus seulement dérobeur de feu, mais dérobeur de mort, détrousseur de la mort à l’oeuvre !...

Singulier magicien que cet homme dont la pensée “sauvage” s’articule sur l’Oeuvre de Vie et collabore à sa façon à toute la lutte visible et invisible que se livrent les forces gigantesques de construction et d’anéantissement...

 

Arracher la beauté à l’emprise du temps et de l’inéluctable, la préserver, la sauvegarder, c’est là se conjoindre à l’infini, à l’absolu, au transcendant tout en demeurant humble mais non sans jubilation toutefois...

 

Comment oeuvrer sur ce “bois” sans se “ramifier” à lui ?

 

Comment ne pas être de cette arborescence qui se décline sous mille aspects ?

 

Une sève coule dans l’esprit de l’acte créateur, une résine cicatrise les blessures de l’homme qui entaille l’arbre de vie...

 

La nature est un creuset, un chaudron, une marmite où s’élabore toute l’expérience du vivant...

Heureux l’esprit qui y met son doigt !...

 

La mer, les vagues, les courants brassent les pierres et les bois, tous les matériaux qui échouent en son ventre...

Elle recrache après des milliers d’années parfois de “mastication” des objets façonnés par elle ; objets qui jalonnent la lisière du littoral et qui constituent sans doute l’espace d’exposition le plus gigantesque qui soit...

 

Offrez-vous alors la joie d’arpenter ces sables et ces algues. Des trésors attendent votre regard, votre imagination créatrice et vos mains.

 

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L'ART-NATURE... une armature pour la joie et un  art mature  pour concevoir et mettre en oeuvre          Bran du       Fév 2005

 

Jubilation, c’est bien le terme approprié...

 

Que ce soit dans le collectage de silex, dans celui de “pierres percées” sur le Causse Méjean (Ces pierres qui vous regardent, vous interpellent, et offrent leur orbite vide à une certaine perception de la plénitude et de la béance...) ou encore le ramassage des vieilles écorces de platane, l’écorchement de bouleaux morts, les moissons de bois flotté et autres trésors amenés par les marées, il y a cette joie absolue, cet enchantement permanent, à chaque fois renouvelés, intensifiés...

 

C’est un sentiment “privilégié”, une conscience profonde, exaltée, comblée, de participer, en l’instant, “ici et maintenant” à une jouissance immédiate, totale et irradiante qui comporte déjà une idée de partage et de création à venir ce qui n’est pas sans amplifier l’effet jubilatoire provoqué...

 

De cette collecte naissent deux types de “travaux” : La mise en oeuvre ou la mise en scène des objets ou matériaux collectés...

 

Il s’agit soit de restituer l’oeuvre trouvée telle quelle sans aucun ajout et de favoriser la rencontre avec son “contemplateur” à venir soit d’opérer des “transformations” en l’insérant dans un processus créatif dont elle demeurera l’argument “majeur”... (L’artiste se lie plus ou moins ou se relie ou non à ce qu’il expose, il participe ou non des noces et des rencontres...)

 

(La beauté première est donc soit exposée à l’état “pur” soit voilée, soit exaltée, soit incorporée à d’autres trajectoires des sens et de l’esprit tout en demeurant le “lien”, l’axe majeur de la transmission...)

 

L’artiste ne peut et ne doit à mon avis interférer sur le “fonds” mais il peut intervenir au niveau de la forme avec le risque de “dénaturer” ou de “détourner” le “regard premier”...

 

L’ajout n’a de sens qu’au niveau du lien que souhaite instaurer l’artiste avec celui qui contemple l’œuvre, mais il ne saurait masquer le “matériau brut” et tout ce qu’il donne à découvrir d’intimité à celui ou celle dont le regard se donne à voir sans nécessité d’intermédiaires !

 

(Il n’est pas interdit de faire oeuvre de complicité, d’inventivité et de dialogue avec l’oeuvre première)….



09/07/2015
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